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car ils étaient troubles. Rien de plus naturel en se rappelant comment ils s’étaient comportés à son égard, ce que lui-même avait été pour eux, en considérant le rang illustre où il était placé, c’est presque pour leur vie qu’ils étaient inquiets. Aussi, voulant les rassurer, il leur dit : Venez près de moi. (Id. 4) Ne reculez point : ne croyez pas que votre conduite à mon égard vienne d’un dessein conçu par vous. Ce n’est pas tant l’ouvrage de votre injustice envers moi, que de la sagesse de Dieu, de son ineffable bonté : il m’a fait venir ici, afin qu’en temps opportun je pusse fournir des vivres et à vous et à tout le pays. Et il dit : Je suis Joseph, votre frère, que vous avez vendu pour qu’il fût mené en Égypte. Maintenant donc, ne vous affligez point. (Id. 5) Il ne faut pas que cela vous trouble, que vous vous reprochiez ce qui s’est passé. La providence de Dieu a tout dirigé. Car Dieu m’a envoyé en Égypte pour votre salut. Voici la deuxième année que la famine est sur la terre, et il s’écoulera encore cinq ans durant lesquels il n’y aura ni labourage ni moisson. (Id. 6) Dieu m’a fait venir ici avant vous, afin que vous puissiez avoir des vivres pour subsister. (Id. 7) Par conséquent, ce n’est pas vous qui m’avez fait venir ici, c’est Dieu. (Id. 8)
7. Ainsi, à deux et trois reprises, il cherche à apaiser leurs remords, en leur persuadant qu’ils ne sont pour rien dans sa venue en Égypte, que c’est Dieu qui a fait cela, afin de l’élever au rang glorieux où il est maintenant. C’est Dieu qui m’a envoyé, quia fait de moi comme le père de Pharaon, le maître de toute sa maison, le gouverneur de toute l’Égypte. Voilà le pouvoir que m’a valu cet esclavage, la gloire que m’a procurée cette vente, les honneurs dont cette affliction a été pour moi le principe, l’élévation où m’a porté cette jalousie. – Ce n’est pas assez d’écouter ces paroles : il faut suivre l’exemple qu’elles nous donnent et consoler de la sorte nos persécuteurs, en leur ôtant la responsabilité de nos maux, en subissant tout avec un calme parfait, comme fit cet homme admirable. Vous voilà donc bien convaincus, dit-il, que je ne vous impute point mes infortunes, que je vous décharge de tout grief et attribue tout à Dieu, à Dieu qui a tout conduit afin de m’élever à la gloire où je suis maintenant : Hâtez-vous donc de retourner auprès de mon père et dites-lui : Voici ce que mande ton fils Joseph : Dieu m’a fait maître de toute l’Égypte. Viens auprès de moi, et ne tarde pas (Id. 9) ; et tu habiteras dans la terre de Gessen, et tu seras près de moi ainsi que tes fils, les fils de tes fils, et tes brebis, et tes bœufs et tout ce que tu possèdes (Id. 10), et je te nourrirai (car la famine durera cinq ans encore), afin que tu ne périsses point avec tes fils et tous tes biens. (Id. 11) Vos yeux voient ainsi que les yeux de mon frère Benjamin, que c’est moi qui vous parle de ma bouche. Rapportez à mon père toute la gloire dont je jouis en Égypte, et tout ce que vous avez vu, et hâtez-vous de l’amener. (12) Après avoir tenu ce langage, les avoir pleinement rassurés, instruits de ce qu’ils devaient dire à.leur père, pressés de le ramener promptement, Il se jeta au cou de Benjamin (ils étaient fils de la même mère), et se mit à pleurer, et Benjamin aussi pleura sur lui, et il embrassa tous ses frères, et pleura sur eux. (Id. 14) C’est alors, après une si longue entrevue, après ces larmes, ce conseil donné, qu’ils osent enfin, non sans peine, lui adresser la parole. Après cela ils lui parlèrent. (Id. 15) Mais le bruit de cet événement arriva dans la demeure de Pharaon : il s’en réjouit, ainsi que tous ceux de sa maison. (Id. 16) Ainsi tout le monde se réjouit de cette reconnaissance de Joseph et de ses frères. Et le roi dit à Joseph : Dis à tes frères : faites ceci : remplissez vos chariots de froment, et partez. (Id. 17) Et revenez auprès de moi avec votre père : je vous, ferai part de tous lesbiens d’Égypte. (18) Mais recommande-leur de prendre ici des chars pour leurs femmes et leurs enfants. Le roi même, vous le voyez ; est tout préoccupé du voyage de Jacob. Prenez avec vous votre père, et venez ; et ne laissez rien de ce que vous possédez. Car tous les biens de l’Égypte seront à vous. (19) Ainsi firent les fils d’Israël. Joseph leur donna des chars, selon les instructions du roi. (Id. 21) Et il donna deux robes à chacun, à Benjamin trois cents pièces d’or, et cinq robes de rechange (22) ; à son père il envoya pareillement dix ânes portant des richesses d’Égypte, et dix mules chargées de pains pour le voyage. ( 23) Et quand il eut donné toutes ces choses, il congédia ses frères, et ils se mirent en route ; et il leur dit : Ne vous querellez pas et chemin. ( 24) Remarquez cette profonde sagesse. Non content de leur accorder un absolu pardon, et d’oublier leurs fautes, il les exhorte encore à ne pas se quereller en chemin, à ne pas s’adresser de reproches mutuels touchant le