Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 5, 1865.djvu/431

Cette page n’a pas encore été corrigée

plaise que j’en fasse rien ! L’homme aux mains de qui a été trouvée la coupe, voilà celui qui sera mon serviteur : quant à vous, retournez sains et saufs auprès de votre père. (Id. 17)
6. Ainsi, ce qu’avait craint leur père leur arrivait : les voilà dans le trouble et les angoisses, ne sachant quel parti prendre. Mais Juda s’approcha, et dit. (Id. 18) C’est lui, en effet, qui avait reçu Benjamin des mains de son père, lui qui avait dit : Si je ne te le ramène pas, je resterai coupable devant toi tous les jours de ma vie: il s’approche, il raconte avec exactitude tout ce qui s’est passé, afin d’exciter la compassion de Joseph, et de le disposer à laisser partir l’enfant. Juda s’approcha et dit : Je vous en prie, seigneur, laissez parler votre serviteur. Observez comment il ne cesse de lui parler sur le ton d’un esclave qui s’adresse à son maître : et rappelez-vous ces songes des gerbes, qui envenimèrent leur jalousie contre lui : admirez la sagesse et la toute-puissance de Dieu, qui à travers tant d’obstacles, menait tout à réalisation. Laissez parler votre serviteur en votre présence, et ne vous irritez pas contre lui, seigneur. Vous avez interrogé vos serviteurs, disant : Avez-vous un père, un frère ? Et nous avons dit à notre seigneur Nous avons un vieux père et il a un jeune fils, enfant de sa vieillesse ; le frère de celui-ci est mort. Figurez-vous ce que devait éprouver Joseph en entendant ces paroles. Lui seul est resté à sa mère ; et son père l’a pris en grande tendresse. Pourquoi mentent-ils encore ici en disant : Le frère de celui-ci est mort ? ne l’avaient-ils pas vendu aux marchands ? Mais comme ils avaient fait croire à leur père qu’il avait péri et avait été dévoré par les bêtes féroces, comme d’ailleurs ils pensaient qu’il avait dû succomber aux maux de son esclavage chez un peuple barbare, il dit pour ces raisons  : Et le frère de celui-ci est mort. Mais, vous avez dit à vos serviteurs : Amenez-moi cet enfant, et j’en prendrai soin. Et vous avez ajouté : Si votre frère ne vient pas avec vous, vous n’aurez pas l’avantage de voir nia face. Or, il est arrivé que, revenus auprès de votre serviteur, notre père, nous lui avons rapporté les paroles de notre seigneur. Alors notre père nous a dit : Remettez-vous en route, achetez-nous quelques provisions. Mais nous lui avons répondu : Nous ne pourrons aller là-bas, si notre frère ne vient pas avec nous. Alors votre serviteur, notre père, il nous dit : Vous savez que ma femme m’a donné deux enfants, l’un s’en est allé loua (le moi, et vous m’avez dit qu’il avait été mangé par les bêtes sauvages. (27, 28) Remarquez comment l’apologie de Juda instruit exactement Joseph de ce qui s’est passé dans sa famille après qu’il a été vendu, du leurre auquel ils ont recouru pour tromper son père, du récit qu’ils lui ont fait à son sujet. Maintenant donc, si vous emmenez encore celui-ci, et qu’il lui arrive une maladie en route, vous conduirez nia vieillesse avec douleur au tombeau. Quand tel est l’attachement de notre père à l’égard de ce jeune enfant, comment pourrons-nous soutenir sa vue, si celui-ci n’est pas avec nous ? Car sa vie dépend de l’âme de celui-ci. Et vos serviteurs conduiront la vieillesse de votre serviteur, notre père, avec douleur au tombeau. En effet, votre serviteur a reçu ce jeune enfant des mains de notre père, en disant : Si je ne le ramène pas auprès de vous, je resterai coupable envers vous tous les jours de ma vie. Voilà les promesses que j’ai faites à mon père, afin de pouvoir vous amener l’enfant, obéir à vos volontés, vous montrer que nous avions parlé sincèrement et qu’il n’y avait eu nul mensonge dans nos discours. Maintenant donc je resterai, esclave pour esclave, serviteur de mon seigneur : quant au jeune enfant, qu’il parte avec nos frères. (Id. 33) En effet, comment revenir auprès de mon père, sans avoir l’enfant avec nous ? Que je ne voie pas les maux qui viendront trouver mon père. (Id. 24) Ces paroles émurent vivement Joseph, et lui parurent une marque suffisante et de respect filial et d’amour fraternel. Et il ne pouvait plus se contenir, ni supporter la présence des assistants : il fait éloigner tout le monde, et demeuré seul au milieu d’eux (45,1), il pousse un cri avec un sanglot, et se fait reconnaître à ses frères. Et cela fut connu dans tout le royaume, et jusque dans la demeure de Pharaon. (Id. 2) Et il dit à ses frères : Je suis Joseph ! Mon père vit-il encore ? (Id. 3) Je ne puis m’empêcher d’admirer ici, la persévérance de ce bienheureux, comment il put soutenir son rôle jusqu’au bout, ne pas se trahir, mais ce qui m’étonne surtout, c’est que ses frères aient eu la force de rester debout, d’ouvrir encore la bouche, que la vie ne se soit pas envolée d’eux, qu’ils n’aient pas perdu la raison, qu’ils n’aient pas disparu au fond de la terre. Ses frères ne pouvaient lui répondre :