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Vous le voyez : il ne néglige rien pour les jeter dans l’effroi, de telle sorte que voyant Siméon attaché, ils fissent paraître s’ils étaient sensibles à l’amour fraternel. Toute sa conduite avait pour but, en effet, de les éprouver, et de reconnaître s’ils ne s’étaient pas montrés à l’égard de Benjamin tels qu’ils avaient été pour lui-même. Si donc il fait lier Siméon en leur présence, c’est pour les bien éprouver, pour observer s’ils lui témoigneront quelque affection. Car alors, par pitié pour lui, ils se hâteront d’amener Benjamin, et combleront par là les vœux de Joseph. Et il ordonna de remplir leurs sacs de blé, de remettre dans le sac de chacun son argent, et de leur donner des provisions pour la route. (Id. 26) Et après avoir chargé leurs ânes, ils partirent. Voyez quelle générosité ! il les oblige malgré eux, en leur rendant leur argent, au lieu de se borner à leur livrer du blé. (Id. 27) Or, un d’eux ayant ouvert son sac, afin de donner la nourriture aux ânes, voit l’argent, et annonce la nouvelle à ses frères. Là-dessus leur cœur s’étonna, ils furent troublés et se dirent entre eux : Qu’est-ce que Dieu nous a fait ?
Les voilà de nouveau inquiets, tremblants à l’idée d’un nouveau grief : et accusés en outre par leur conscience, ils imputaient tout à la faute commise sur la personne de Joseph. Quand ils furent revenus auprès de leur père, et qu’ils lui eurent fait un rapport exact de tout ce qui s’était passé, ils lui racontèrent quel courroux avait montré contre eux le gouverneur de l’Égypte, et comment il les avait retenus prisonniers comme espions. Nous lui avons dit que nous étions des hommes de paix, que nous étions douze frères, dont un n’est plus, et le plus jeune avec notre père. Il nous a répondu : Voici comment vous montrerez que vous êtes des hommes de paix : laissez ici un d’entre vous, amenez votre jeune frère, et je connaîtrai que vous n’êtes pas des espions. (Id. 32, 33, 34) Ce récit éveilla les douleurs du juste. Tout en faisant ce triste rapport, chacun d’eux vidait son sac : en trouvant leur argent, tous furent saisis de crainte, et leur père avec eux. Mais voyons encore ici l’affliction du vieillard, que leur dit-il ? Vous m’avez ôté mes enfants : Joseph n’est plus, Siméon n’est plus, et vous voulez m’enlever Benjamin ? Tous ces maux sont retombés sur moi. Ainsi ce n’était point assez d’avoir à pleurer Joseph, vous lui avez joint Siméon : et ce, n’est point la fin de mes maux.
Vous voulez encore me prendre Benjamin. Tous ces maux sont retombés sur moi. Ces paroles nous font bien voir l’émotion qui trouble les entrailles de ce père. Depuis longtemps il désespérait au sujet de Joseph, qu’il croyait dévoré par les bêtes féroces, il désespérait désormais de Siméon : et voici qu’il craignait pour Benjamin. Il résiste d’abord, il ne veut pas livrer son enfant. Mais Ruben, l’aîné de ses enfants, lui dit : Tuez mes deux fils, si je ne vous le ramène pas. Remettez-le entre mes mains, et je vous le ramènerai. Confiez-le-moi, je m’en charge, et je vous le rendrai.
4. Ruben parlait ainsi, songeant qu’il leur était impossible, si l’enfant ne les accompagnait pas, de retourner en Égypte, et d’y acheter ce qui était nécessaire à la subsistance de la famille. Mais le père ne veut pas céder : Non, mon fils ne partira pas avec vous. (Id) Ensuite il en donne la raison, comme s’il plaidait sa cause devant ses enfants : Son frère est mort, et lui seul me reste. Et il arrivera qu’à cause de sa jeunesse, il sera bien éprouvé en route, et vous conduirez ma vieillesse avec douleur au tombeau. Je crains pour sa jeunesse ; je redoute de finir mes jours dans la douleur, privé de cette consolation. En effet, tant qu’il reste avec moi, il me semble que j’éprouve un peu de soulagement, et sa société diminue le chagrin que j’ai au sujet de son frère. Ainsi la tendresse de Jacob pour son enfant Benjamin l’empêchait d’abord de le laisser partir : Mais la disette redoubla, et les vivres leur manquèrent. Et leur père leur dit : Retournez, et rapportez-nous quelques provisions. Mais Juda lui dit : L’homme nous a déclaré sa volonté avec serment, disant : Vous ne verrez pas mon visage, si votre jeune frère ne vous accompagne point. Si donc vous congédiez notre frère, nous partirons, et nous achèterons des vivres. Sinon, nous ne partirons pas. Car l’homme nous a dit que nous ne verrions pas son visage, si notre jeune frère n’était pas avec nous. (Gen. 43,1-5) N’allez pas croire que nous puissions retourner là-bas sans notre frère. Si vous voulez que notre voyage soit inutile, et que nous courions les plus grands dangers, alors partons. Mais sachez que le gouverneur nous a certifié avec serment que nous ne verrions pas son visage, si notre frère ne venait pas avec nous. Jacob se voyait pressé de tontes parts il se lamente, il leur dit : Pourquoi avez-vous fait mon malheur en apprenant à l’homme que vous aviez un frère ? Pourquoi avez-vous fait mon malheur ? (Id. 6) Pourquoi m’avoir causé ces maux ? Si vous n’aviez rien dit, je n’aurais pas été privé de Siméon, et l’on n’aurait point mandé celui-ci. Ils lui répondirent L’homme nous a demandé si notre père vivait, si nous avions un frère, et nous lui avons répondu. Savions-nous qu’il nous dirait : Amenez votre frère ? (Id. 7) N’allez pas croire que nous ayons déclaré de nous-mêmes au gouverneur l’état de notre famille. Comme il nous retenait en prison, voyant en nous des espions, et qu’il s’informait en détail de nos affaires, nous avons parlé ainsi afin de le renseigner surtout avec véracité. Et Juda dit encore à son père : Envoie le jeune enfant avec moi, et mus nous mettrons en route, afin d’avoir de quoi vivre. (Id. 8) Confie-le-moi, afin que nous partions sur-le-champ. Car il ne nous restera plus aucun espoir de salut si nous laissons nos provisions s’épuiser, et que nous ne cherchions pas des soulagements ailleurs. Je le reçois de tes mains ; si je ne te le remets pas, si je ne le ramène pas en ta présence, que je reste coupable envers toi le reste de mes jours. Si nous n’avions pas différé nous serions déjà revenus deux fois. (Id. 9, 10) Ton attachement à cet enfant va causer notre mort à tous. La faim nous aura bientôt fait périr, si tu ne veux pas lui permettre de nous suivre. Observez ici, mon cher auditeur, comment la détresse causée par la famine triompha de la tendresse de ce père. Voyant qu’on ne trouvait pas d’autre moyen de soulagement, et que la disette augmentait, il dit enfin : S’il en est ainsi, s’il le faut absolument, et que vous ne puissiez partir sans lui, vous devez porter en même temps des présents au gouverneur. Emportez l’argent que vous avez trouvé dans vos sacs, outre celui qui vous est nécessaire pour l’achat.
Prenez avec vous votre frère, levez-vous et partez. (Id. 13) Que mon Dieu vous fasse trouver grâce devant cet