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à son frère qu’à lui-même. Le plus jeune est avec notre père : et l’autre n’est plus au monde. Ils n’indiquent point clairement la raison, ils disent simplement : Il n’est plus au monde. Alors venant à craindre qu’ils n’eussent traité Benjamin comme lui-même, il reprend : Ce que j’ai dit est la vérité, vous estes des espions. (Id. 14) Vous ne sortirez pas d’ici que votre jeune frère ne soit venu. (Id. 15) C’est lui que je veux voir : je brûle de considérer celui qui est sorti du même sein que moi : car je soupçonne, d’après votre conduite envers moi, vos sentiments fraternels. Ainsi donc, si vous le voulez : Dépêchez un d’entre vous, et amenez-le (Id. 16) ; quant à vous, restez en prison, jusqu’à son arrivée. Sa présence me fera voir la vérité de vos rapports, et vous affranchira de tout soupçon. Sinon, il sera évident que vous êtes des espions, et que tel est le motif de votre venue. A ces mots, il les fit mettre en prison. (Id. 17) – Voyez-vous comment il les éprouve, comment sa conduite envers eux témoigne de sa tendresse pour son frère ? Mais au bout de trois jours, les ayant appelés, il leur dit : Faites ce que je vais vous dire, et vous vivrez : car je crains Dieu. (Id. 18) Si vous êtes des hommes de paix, qu’un d’entre vous reste détenu dans la prison : que les autres partent, emportent le blé qu’ils auront acheté (Id. 19), et me ramènent leur jeune frère : et j’ajouterai foi à vos paroles : autrement, vous mourrez.
Considérez son intelligence ; voulant à la fois montrer son amour pour aces hommes, soulager la détresse de son père et savoir au sujet de son frère la vérité, il fait retenir un des fils de et prescrit aux autres de partir. Mais voyez agir maintenant l’incorruptible juge, la conscience des coupables qui se soulève, et les contraint, sans que personne les accuse ou les mande en justice, de devenir leurs propres accusateurs. (Id. 21) Et ils se disaient l’un à l’autre : C’est justement parce que nous avons péché contre notre père, que nous n’avons pas été émus par la douleur de son âme lorsqu’il implorait notre pitié, que nous ne l’avons pas écouté, c’est pour cela que nous sommes tombés dans celle affliction. Voilà ce que c’est que le péché ; lorsqu’il est commis, réalisé, il révèle sa propre énormité. Un homme ivre, tant qu’il boit coup sur coup, n’a aucun sentiment des maux qu’engendre l’ivresse ; c’est plus tard que l’expérience lui fait connaître la grandeur de ce fléau ; il en est ainsi du péché : tant qu’il n’est pas consommé, il aveugle l’esprit et répand d’épaisses ténèbres sur la vue intérieure ; mais ensuite la conscience se soulève comme un accusateur inexorable pour déchirer l’âme et lui dénoncer l’énormité de sa faute. Voici que les fils de Jacob reviennent à eux, et c’est au moment où le plus grand péril est suspendu sur leur tête, qu’ils font l’aveu de leur conduite, et disent : C’est justement, parce que nous avons péché, parce que noirs n’avons pas été émus de la douleur de son âme. Ce n’est pas sans motif que nous sommes ainsi traités, c’est justement, bien justement ; nous sommes punis de l’inhumanité et de la cruauté que nous avons montrées à l’égard de notre frère : Parce que nous n’avons pas été émus de la douleur de son âme, lorsqu’il implorait notre pitié, et que nous ne l’avons pas écouté. C’est parce que nous avons été sans charité, sans humanité, que nous éprouvons le même traitement à notre tour. C’est pour cela que nous sommes tombés dans celle affliction.
3. Ils se parlaient de la sorte entre eux, croyant n’être pas entendus de Joseph. En effet, comme s’il ne les eût pas connus et qu’il eût ignoré leur langue, il avait fait venir un interprète, pour leur transmettre ses paroles et lui expliquer leurs réponses. (Id. 22) Or, entendant cela, Ruben leur dit : N’est-il pas vrai que je vous ai dit : Ne faites pas de mal à cet enfant, et que vous ne m’avez pas écouté ? Et voici que Dieu nous redemande son sang. Ne vous ai-je pas conseillé, conjuré alors, de ne commettre aucune iniquité à son égard ? Aussi maintenant Dieu vous redemande son sang. Car, d’intention, vous l’avez tué ; si vous n’avez pas enfoncé le glaive dans sa gorge, vous l’avez vendu à des barbares, vous avez imaginé pour lui une servitude pire que la mort ; voilà pourquoi Dieu vous redemande son sang. Représentez-vous ce que c’est d’être accusé par sa conscience, que d’être en proie perpétuellement aux obsessions de cette voix sévère et formidable qui nous rappelle nos fautes. (Id. 23) Et Joseph entendit cela ; mais eux, ils ne s’en doutèrent point, vu qu’il se servait d’un interprète. Mais Joseph ne peut plus se contenir, la force du sang, la tendresse fraternelle le trahissent Et s’étant détourné d’eux, il pleura (Id. 24), de manière à n’être point reconnu. Il revint auprès d’eux et leur parla de nouveau. (Ibid, 25) Et ils lui livrèrent Siméon qu’il lia devant eux.