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qu’aucune détresse ne se fît sentir. (Id. 54) Car il y avait du pain dans toute l’Égypte. Mais quand la gêne augmenta, le peuple fit entendre ses plaintes à Pharaon, incapable qu’il était de tenir bon plus longtemps : la faim les força de recourir au roi. Remarquez maintenant la reconnaissance de ce monarque. (Id. 55) Mais Pharaon dit aux Égyptiens Allez vers Joseph et faites ce qu’il vous dira. C’est à peu près comme s’il eût dit : Pourquoi tenir vos yeux attachés sur moi ? Ne voyez-vous pas que je ne suis roi qu’en apparence, que c’est Joseph qui vous a tous sauvés ? D’où vient donc que vous le laissez pour accourir auprès de moi ? Allez vers lui, et faites ce qu’il vous dira. (Id. 56) Joseph ouvrit les greniers et il vendait le blé aux Égyptiens. Et comme la famine faisait partout sentir ses rigueurs : Toutes les contrées, dit-il, sont venues acheter du blé en Égypte : car la faim régnait sur toute la terre. Voyez comment, peu à peu, les songes de Joseph commencent à se réaliser. Les ravages de la famine s’étaient étendus jusque sur la terre de Chanaan, où habitait Jacob père de Joseph. Jacob donc ayant appris que l’on vendait du blé en Égypte, dit à ses fils Pourquoi vous abandonner à la nonchalance ? (42, 3) Voici que j’apprends qu’il y a du blé en Égypte. Allez-y, afin de nous acheter quelques provisions qui soutiennent notre vie. (Id. 2) Pourquoi restez-vous inactifs, leur dit-il ? Allez en Égypte et rapportez-nous ce qui est nécessaire pour notre subsistance. Toutes ces choses advinrent, afin que les frères de Joseph servissent au parfait accomplissement de sa vision, afin qu’ils confirmassent par les événements l’interprétation qu’ils avaient faite du songe raconté par Joseph. Les dix frères partirent sans prendre avec eux Benjamin, le frère maternel de Joseph Car son père dit : Je crains qu’il ne lui arrive quelque malheur. Il ménageait cet enfant à cause de son jeune âge. Étant arrivé, ils se prosternèrent devant Joseph, la face contre terre, comme devant le maître de l’Égypte. (Id. 6) Ils agissaient ainsi, ne sachant rien encore. Car le long espace de temps qui s’était écoulé les empêchait de reconnaître leur frère. Il est bien naturel que, parvenu à sa maturité, il eût changé quelque peu d’aspect. Mais, si je ne me trompe, tout avait été arrangé par le Dieu de l’univers, de telle sorte qu’ils ne pussent reconnaître leur frère, ni à son langage, ni à sa figure. En effet, comment auraient-ils pu même concevoir une telle pensée ? Ils croyaient qu’il était esclave chez les Ismaélites, en butte aux souffrances de la servitude chez ce peuple barbare. Bien éloignés par eux-mêmes d’une semblable idée, ils ne reconnurent point Joseph. Mais lui, tout en les voyant, les reconnut : il dissimula pourtant et affecta de se comporter avec eux comme avec des étrangers. Il feignit d’être un étranger pour eux, et leur parla rudement ; il leur dit : D’où venez-vous ? S’il feint une complète ignorance, c’est afin d’être informé de tout avec exactitude : car il désirait avoir des nouvelles de son père et de son frère.
2. Et d’abord il s’enquiert du pays d’où ils viennent : ils répondent qu’ils viennent de Chanaan pour acheter des vivres. La détresse causée par la faim, disent-ils, nous a fait entreprendre ce voyage : et voilà pourquoi nous avons tout laissé pour venir ici : Et Joseph se ressouvint des songes qu’il avait eus.(Id. 9) Se rappelant ces songes, et les voyant se réaliser, il voulait être bien informé de tout. Voilà pourquoi il leur répond tout d’abord avec beaucoup de dureté : Vous êtes des espions, leur dit-il, et vous êtes venus pour reconnaître les passages de la contrée. Ce n’est pas dans de bonnes intentions que vous êtes venus. Vous devez avoir entrepris ce voyage dans quelque dessein perfide et criminel. – Les autres, tout effrayés, répondent : Non, Seigneur. (10) Et voici que d’eux-mêmes ils apprennent à Joseph ce qu’il voulait savoir : Tes serviteurs sont venus pour acheter des vivres. Nous sommes tous fils du même père, nous sommes pacifiques, tes serviteurs ne sont pas des espions. (Id. 11) Jusqu’ici ils se bornent à se justifier tout troublés par la crainte, ils n’ont pas encore dit ce que Joseph brûle de savoir. Aussi persiste-t-il dans son dire : Non, vous êtes venus pour reconnaître les passages de la contrée. (Id. 12) Vous avez beau me parler ainsi : je vois assez, en vous considérant, que c’est un mauvais dessein qui vous a conduits ici. Alors pressés par la nécessité, et voulant toucher son cœur, ils disent à Joseph : Tes serviteurs sont douze frères. (Id. 13) O leurre des paroles ! ils comprennent dans le nombre celui qu’ils ont vendu aux marchands : ils ne disent pas : Nous étions douze, mais : Nous sommes douze frères : Et le plus jeune est avec notre père. Et voilà justement ce qu’il voulait savoir, s’ils n’avaient pas fait subir le même sort