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D’abord en ce qui concerne ses frères, il emploie cette expression vague : J’ai été enlevé de la terre des Hébreux. Il ne mentionne pas davantage la conduite de l’impudique Égyptienne, non plus que l’injuste colère de son maître contre lui ; il se borne à dire : Je n’ai rien fait pour être précipité dans ce souterrain. Que cela nous apprenne, au cas où il nous arriverait d’être persécutés par de pareils scélérats, à ne pas les poursuivre de nos injures, à ne pas nous répandre contre eux en amères accusations, à nous contenter enfin d’établir doucement et tranquillement notre innocence, à l’exemple de ce grand homme, qui, même dans l’infortune, ne voulut pas divulguer dans une simple conversation l’impudicité de l’Égyptienne. Combien ne voit-on pas de gens, qui même en butte à de justes griefs, entreprennent, dans leur extrême effronterie, de prêter aux autres leurs propres méfaits ! et Joseph, qui était plus pur que la lumière du soleil, Joseph, dont toutes les accusations auraient été des vérités, Joseph, qui en dénonçant la fureur de l’impudique, n’aurait fait qu’ajouter à sa propre gloire, Joseph, sur tous ces points, garde le silence. En effet, ce n’est pas la gloire humaine qu’il recherchait : il se contentait de la faveur d’en haut : il voulait seulement que l’œil toujours ouvert ne trouvât rien de blâmable dans sa conduite. Voilà pourquoi, en dépit de son silence, de ses efforts pour tenir tout caché, le bon Dieu le couvrit d’une si grande gloire après qu’il eut vu sa vaillance dans le combat. Maintenant observons dans ce qui suivit la résignation de ce juste ; comment les retards ne purent l’aigrir ni le décourager ; comment, dans sa patience à tout supporter, il ne cessait pas de bénir le Seigneur qui permettait toutes ces choses. – Lorsque le grand panetier eut entendu l’explication donnée par Joseph, pensant que sa vision, à lui, annonçait pareillement quelque chose d’heureux, il en tait à son tour le récit. Mais Joseph, après l’avoir écouté, instruit également parla révélation d’en haut du sens de cette nouvelle vision, lui prédit la mort qui l’attend, en ces termes : Encore trois jours, et Pharaon te coupera la tête, et t’attachera à une croix ; et les oiseaux du ciel dévoreront ta chair. (23) Voilà pourquoi je vous ai prévenus tout d’abord que les prédictions ne venaient pas de moi, mais d’une révélation divine : c’était afin que vous n’eussiez pas l’idée de m’attribuer soit le bien soit le mal que pourraient annoncer vos songes. Ce n’est point ma pensée que j’exprime : je ne fais que vous manifester ce que m’a fait connaître la grâce d’en haut. Mais au jour fixé, les paroles de Joseph furent réalisées, et tous deux eurent le sort qu’il leur avait annoncé : l’un retrouva sa félicité première, l’autre fut livré au supplice. Mais le grand-échanson (celui qui avait été si bien consolé par notre juste) ne se souvint pas de Joseph, et l’oublia. (Id. 23) – Voyez ce juste rejeté, pour ainsi dire, dans l’arène ; voyez-le déployer encore son courage accoutumé, sans éprouver aucune défaillance, aucun trouble, aucune impatience. Un autre, un homme ordinaire, se serait dit sans doute : Eh quoi ! Le grand-échanson, conformément à l’interprétation que j’ai donnée de son rêve, recouvre si promptement sa félicité première, et il ne garde pas souvenir de moi, de ma prédiction ! Et tandis qu’il est délivré de tous ses maux, moi qui suis innocent, je reste enfermé ici avec des assassins, des voleurs sacrilèges, des brigands, des hommes chargés de crimes. Il ne dit, ne pensa rien de pareil : il savait que, si la carrière des épreuves s’allongeait devant lui, c’était pour que, après l’avoir fournie complètement, il ceignît son front d’une éclatante couronne.
3. Voyez en effet : après la réintégration du grand échanson deux années s’écoulent. Il fallait attendre le moment favorable, pour que la délivrance de Joseph fût glorieuse. Si le grand échanson se fût souvenu de Joseph, avant les songes de Pharaon, s’il lui avait alors procuré son assistance pour le faire sortir de prison, la vertu du captif n’aurait pas éclaté aux yeux de la multitude. Mais le Dieu sage et tout-puissant, qui sait, comme un artiste habile, combien de temps il faut laisser l’or au feu et à quel moment il convient de le retirer Dieu, dis-je, permit que le grand échanson ne recouvrât pas la mémoire avant les songes de Pharaon, en sorte que notre juste ne dut qu’à la nécessité la gloire dont il jouit bientôt dans tout le royaume d’Égypte. Après deux ans, Pharaon eut un songe. (41, 1) Le matin arriva, son âme fut troublée ; et il envoya chercher tous les interprètes, tous les savants de l’Égypte, il leur raconta le songe qu’il avait eu : mais aucun ne put le lui expliquer. Remarquez l’attentive providence de Dieu. Il permet que le roi éprouve d’abord l’habileté de tous les hommes réputés sages dans le pays, afin que,