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gouverneur lui eut remis entre les mains la direction suprême de la prison. Il arriva donc après cela (après qu’il eut été jeté en prison), que le grand échanson et le grand panetier, ayant commis une faute, furent condamnés par le roi à la prison : et le gouverneur de la prison les ayant reçus, les mit en rapport avec Joseph. (1-4) En effet, Joseph n’était plus pour lui un prisonnier, mais un confident, bien plus, un homme capable d’alléger les souffrances des malheureux captifs. Et Joseph les assista. Qu’est-ce à dire, les assista ? Cela veut dire qu’il les consolait, qu’il fortifiait leur âme, leur rendait le courage, ne les laissait pas se consumer dans le chagrin. Ils furent beaucoup de jours en prison, et ils eurent tous deux un songe dans la même nuit, le grand échanson comme le grand panetier. Mais cet admirable Joseph, dans sa sollicitude à les consoler, les voyant inquiets et troublés à cause des songes qui leur étaient apparus, leur dit : Pourquoi vos visages sont-ils sombres aujourd’hui ?
En effet leur physionomie trahissait leur agitation intérieure : d’où cette parole d’un sage : Quand le cœur est en joie, le visage est en fleur ; quand le cœur est en peine, le visage est sombre. (Prov. 15,13). Donc, les voyant fort tristes à la suite de ces visions, il les interrogeait, afin de savoir la cause de leur affliction. Remarquez comment, même en prison, il déployait ses vertus, et s’efforçait d’alléger les peines d’autrui. Mais eux, que répondent-ils ? Nous avons eu un songe, et nous n’avons personne pour nous l’expliquer. (Id. 8) Ils ignoraient la sagesse de celui qui leur parlait : ils le considéraient comme un homme ordinaire : voilà pourquoi, au lieu de raconter ce qu’ils ont vu, ils se bornent à dire qu’ils ont eu un songe, en ajoutant : Nous n’avons personne pour nous l’expliquer. Mais cet homme admirable leur dit : N’est-ce pas à Dieu qu’il appartient de donner l’interprétation des songes ? Racontez-moi donc ce que vous avez vu. Est-ce que j’offre de vous l’expliquer par mes propres lumières ? C’est Dieu qui est l’interprète. – Racontez-moi ce que vous avez vu. Considérez cette prudence, cette humilité profonde. Il ne dit pas : Je vais vous l’expliquer, je vais vous dire ce que ces songes vous annoncent. Il dit : Racontez-les-moi. Dieu est le seul interprète en pareille matière. Et le grand-échanson lui rapporta ce qu’il avait vu. Et Joseph lui dit : Voilà l’interprétation de ton songe. Les trois provins de la vigne marquent trois jours, après lesquels Pharaon se souviendra du service que tu lui rendais. Il te rétablira dans ta première charge, et tu lui présenteras à boire, selon que tu avais accoutumé de le faire auparavant dans le rang que tu tenais. Mais souviens-toi de moi, quand ce bonheur te sera arrivé, prends-moi en pitié, parle dé moi à Pharaon, et tire-moi de ce cachot. Parce que j’ai été enlevé par fraude du pays des Hébreux, et que je n’ai rien fait pour être précipité dans ce souterrain. (Id. 9,12-15) Après lui avoir prédit les heureux événements qui devaient lui arriver, et sa rentrée en grâce auprès du roi, il ajoute : Souviens-toi de moi, lorsque tu auras recouvré ta prospérité ; plaide la cause de celui qui t’a fait cette prédiction, et tu me prouveras ainsi ta compassion.
2. Ne va pas sur ces paroles, mon cher auditeur, accuser ce juste de pusillanimité : bien au contraire, il faut t’étonner du courage, de la résignation avec laquelle il supportait une captivité si pénible. En effet, quelque autorité que lui eût conférée le gouverneur, il ne souffrait pas moins d’être enfermé, et de vivre parmi des hommes sales et déguenillés. Cela même est une nouvelle marque de sa philosophie, qu’il ait tout enduré avec courage, ne cessant de montrer une profonde humilité. – Prends-moi en pitié, parle de moi à Pharaon, et tire-moi de ce cachot. Veuillez observer comment il ne dit pas un mot de cette abominable femme, comment il s’abstient d’accuser son maître, de dénoncer la cruauté de ses frères à son égard, il jette un voile sur tout cela et se borne à dire : Souviens-toi de moi, et fais-moi tirer de ce cachot : Parce que j’ai été enlevé par fraude du pays des Hébreux et que je n’ai rien fait pour être précipité dans ce souterrain. Gardons-nous de passer légèrement là-dessus : considérons la sagesse de cette âme ; admirons comment Joseph, trouvant une pareille occasion, et sachant que le grand-échanson, une fois revenu aux jours de sa prospérité pourrait révéler au roi toute son histoire, éviter d’accuser l’Égyptienne, je le répète, de faire intervenir dans son récit ni son maître, ni ses frères : il ne dit pas pour quel motif il a été condamné à la prison, il ne s’attache pas à montrer l’injustice qui lui a été faite : il s’applique à une seule chose, non point à faire leur procès à ces personnes, mais à plaider sa propre cause.