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au jour. C’est en effet de cet astre que le jour emprunte ses clartés, et c’est de ses rayons et de sa splendeur qu’il ruisselle lui-même d’éclat et de lumière. Chaque jour il déploie à nos regards sa ravissante beauté, et dès qu’il paraît à l’horizon, il invite tous les hommes à reprendre leurs travaux.
Le saint roi David, parlant de cette beauté du soleil, compare cet astre à un époux qui sort de son lit nuptial. Il s’élance, dit-il encore, comme un géant dans sa carrière ; il part des extrémités de l’aurore et il s’abaisse aux bornes du couchant. (Ps. 18,6-7) Quelle sublime image de la splendeur du soleil et de la rapidité de sa course ! Car en nous disant qu’il part des extrémités de l’aurore et qu’il s’abaisse aux bornes du couchant, le Psalmiste nous marque qu’il parcourt l’univers comme en un instant et qu’il répand sa lumière et ses bienfaits d’une frontière du monde à l’autre. Tantôt il échauffe la terre et en dissipe l’humidité, et tantôt il la dessèche et la brûle ; en un mot, les services qu’il nous rend sont aussi nombreux que variés, et telle est l’excellence de ce corps céleste que nous ne saurions le louer dignement. Mais ni mes paroles, ni ce pompeux éloge n’ont pour but de concentrer votre admiration sur cet astre. Je veux, au contraire, mes chers frères, que vous vous éleviez plus haut, et que de la créature vous remontiez jusqu’au Créateur. Car plus le soleil est brillant, et plus est excellent Celui qui a créé le soleil.
4. Mais les Gentils, qui admiraient comme nous cet astre, n’ont point porté leurs vues plus haut et n’ont point loué le Créateur ; ils se sont arrêtés à la créature et lui ont rendu les honneurs divins. C’est pourquoi l’Apôtre a dit : Qu’ils ont adoré et servi la créature plutôt que le Créateur. (Rom. 1,25) C’étaient de véritables insensés qui n’ont pu reconnaître le Créateur en ses créatures, et qui sont tombés dans un si étrange égarement qu’ils ont mis la créature à la place du Créateur.
C’est pourquoi l’Esprit-Saint, qui savait combien l’homme est enclin à l’erreur, vous enseigne que le soleil n’a été créé que le troisième jour ; mais déjà la terre avait fait germer ses diverses productions et s’était revêtue de ses riches ornements : et Dieu l’avait ordonné, afin qu’on ne pût dire plus tard que les moissons et les fruits ne sauraient mûrir sans le soleil. Ainsi l’Écriture vous apprend qu’avant la création du soleil, les plantes et les fruits existaient, de peur que vous ne lui attribuiez cette heureuse fécondité ; elle appartient tout entière au divin Ouvrier qui, dès le commencement, prononça cette parole : Que la terre produise les plantes verdoyantes. Direz-vous que la coopération du soleil favorise la maturité des fruits et des moissons ? je ne le nie point. Car, quoique le laboureur aide à la fécondité de la terre, il ne s’ensuit pas qu’il soit l’auteur de cette fécondité ; out au contraire, quand il multiplierait même ses soins et ses travaux, il se fatiguerait inutilement, si le Seigneur, dont la parole rendit dès le commencement la terre propre à produire les fruits, ne lui continuait cette merveilleuse disposition ; oui, ni les travaux du laboureur, ni l’influence du soleil et de la lune, ni le concours des saisons ne nous seraient d’aucune utilité si la main du Seigneur ne leur prêtait son puissant secours. Mais lorsque Dieu leur donne sa bénédiction, les éléments eux-mêmes contribuent beaucoup à la fertilité de la terre. Imprimez donc profondément ces vérités dans votre mémoire, et en retenant ceux qui voudraient encore s’égarer, ne leur permettez pas de rendre aux créatures l’honneur qui n’appartient qu’au Créateur.
Observez, en effet, que la sainte Écriture, qui nous dépeint la beauté du soleil, sa grandeur et son utilité sous cette belle image : Semblable à un époux, il s’élance comme un géant dans sa carrière, nous parle aussi de sa faiblesse et de ses défaillances : Quoi de plus brillant que le soleil, dit-elle, et cependant le soleil s’éteindra. (Sir. 17,30) C’est comme si elle nous disait : Ne vous laissez point séduire par cet admirable spectacle ; car si le Créateur l’ordonnait, cet astre si beau disparaîtrait à l’instant et rentrerait dans le néant. La connaissance de ces vérités eût préservé les païens de leurs monstrueuses erreurs, et ils eussent compris que la vue des créatures devait les élever jusqu’au Créateur. Le soleil ne fut aussi créé que le quatrième jour, afin que l’homme ne le considérât point comme l’auteur et le principe de la lumière. Car, ce que j’ai dit de la production des plantes, je puis bien le redire de la lumière, savoir que trois jours ont précédé la création du soleil. Le Seigneur a voulu seulement que cet astre augmentât la clarté du jour ; il faut en dire autant de la lune, qui est un corps lumineux moins