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C’est chose familière au vice, que d’essayer de noircir la vertu, son éternelle rivale, en lui prêtant ses propres misères ainsi fit-elle, en accusant Joseph de libertinage, tandis qu’elle se couvrait elle-même du masque de la chasteté, expliquant de cette manière comment il avait abandonné ses vêtements, comment elle-même les avait gardés entre ses mains. Et le Dieu de bonté tolérait, endurait tout cela, voulant ne rien négliger pour assurer plus de gloire à son serviteur. En effet, son mari venu, elle répète toutes ces calomnies perfides, elle accuse Joseph en disant : Le jeune hébreu que tu as introduit chez nous, est venu vers moi, afin de m’insulter. (Id. 17) Malheureuse, misérable femme ! Ce n’est pas lui qui a introduit Joseph pour qu’il (insultât, c’est le diable qui t’a induite toi-même, non seulement à l’adultère, mais encore, autant qu’il a dépendu de toi, à l’homicide. Et là-dessus elle montrait, à l’appui de ses paroles ; les vêtements du jeune homme.
Considérez ici, je vous prie, la bonté du Maître commun de tous les hommes. Il l’avait arraché à ses frères qui voulaient le faire mourir : il avait pourvu à ce que d’abord, selon le conseil de Ruben, Joseph fût descendu dans la citerne, puis, selon le conseil de Juda, vendu aux marchands, afin que l’accomplissement des songes fît voir au juste la vérité de ce qui lui avait été annoncé : et maintenant c’est encore le bras d’en haut qui retient ce barbare, qui l’empêche de consommer le meurtre sur-le-champ. Qu’est-ce qui pouvait l’arrêter, en effet, une fois averti de la tentative d’adultère ? Mais Dieu, qui peut tout, le disposa à montrer tant de clémence, afin que, jeté en prison, et donnant là de nouvelles preuves de sa vertu, Joseph s’élevât de cette manière au premier rang du royaume. Son maître se mit en colère (Id. 19), et fit jeter Joseph dans la prison, où l’on gardait les prisonniers du roi. (Id. 20) S’il n’avait pas foi au rapport, il ne fallait pas mettre Joseph en prison : si, au contraire, il ajoutait foi aux paroles de l’Égyptienne, dans ce cas encore, Joseph ne méritait pas la prison, il méritait le dernier supplice, la décapitation. Mais, dès que le bras d’en haut manifeste sa providence, tout devient aisé et facile, et les plus farouches s’adoucissent. Or, c’est quand nous avons fait preuve nous-mêmes d’une grande vertu que la grâce d’en haut nous est surtout prodiguée. – Joseph avait lutté vaillamment : il fut magnifiquement récompensé. – Après un si noble exploit, il est conduit en prison ; il subit tout en silence. Vous n’ignorez pas que les innocents qui se voient condamner comme s’ils étaient coupables, se donnent libre carrière pour se révolter, s’insurger contre ceux qui les ont frappés d’un injuste arrêt. Rien de pareil chez Joseph : il reste muet, il endure tout sans se plaindre, il attend la grâce divine dans une résignation parfaite. Et voici qu’au fond de sa prison il reçoit de nouveau plein pouvoir de son geôlier. Faut-il s’en étonner ? Le Seigneur était avec Joseph, et répandait sur lui sa miséricorde. (Id. 21) Qu’est-ce à dire, Répandait sur lui sa miséricorde ? C’est-à-dire qu’il inclina vers la pitié l’âme du gouverneur, et le disposa à témoigner une grande bienveillance à Joseph. Il lui fit trouver grâce devant le gouverneur. En vérité, rien de plus heureux que l’homme protégé d’en haut. Le gouverneur remit la prison entre les mains de Joseph. Voyez comme ce gardien lui cède la place, lui donne un pouvoir absolu, remet en sa discrétion tous les prisonniers. Et le gouverneur ne savait rien de ce qui se passait : car tout était dans les mains de Joseph, parce que le Seigneur était avec lui et que le Seigneur bénissait tout ce qui passait par ses mains. (Id. 23) Remarquez à quel point la grâce d’en haut lui était fidèle, comment elle abondait dans toutes ses actions.
Efforçons-nous donc, nous aussi, d’avoir toujours le Seigneur avec nous, et tâchons qu’il bénisse toutes nos actions. Celui qui a été jugé digne d’une pareille assistance, jusqu’au milieu des calamités, bravera toutes les épreuves, les comptera pour rien, parce que le Maître de l’univers, le créateur, l’ordonnateur de toutes choses, lèvera devant lui tous les obstacles et lui aplanira toutes les difficultés. Mais comment faire pour avoir le Seigneur avec nous, et pour qu’il bénisse toutes nos entreprises ? Il faut être circonspects, vigilants, imiter la chasteté de ce jeune homme, ses autres vertus, la générosité de son âme, songer que c’est seulement en nous conformant exactement à ce modèle que nous échapperons à la sévérité des jugements divins, être bien convaincus que nul ne saurait échapper à l’œil toujours ouvert, et que le pécheur ne peut manquer d’être puni. Gardons-nous de craindre les hommes plus que la colère divine, et rappelons-