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Ensuite, après que ses frères l’eurent vendu à des barbares, à des hommes inhumains, que ceux-ci l’eurent cédé, à leur tour, au chef de la maison de Pharaon, après qu’il eut passé ainsi par les mains de plusieurs maîtres, lui, élevé dans les bras de son père ; afin que nous ne trouvions pas étrange qu’il ait pu supporter cette dure servitude, lui, jeune, inaccoutumé à un si rude genre de vie, et nourri dans la maison d’un père qui le chérissait, l’Écriture poursuit en disant : Et le Seigneur était avec Joseph, et tout lui réussissait. Qu’est-ce à dire, le Seigneur était avec Joseph ? Cela signifie que la grâce d’en haut était avec lui et lui aplanissait toutes les difficultés. C’est elle qui présidait à tous les événements de sa vie ; elle qui lui conciliait la bienveillance de ces cruels marchands, qui les poussait à le vendre au chef de la maison royale, afin que pas à pas et par degrés, il pût, à travers toutes ces tentations, se frayer un chemin jusqu’au trône. Mais toi, mon très-cher frère, en apprenant qu’il fut l’esclave des marchands, puis l’esclave du chef de la maison royale, demande-toi comment il ne se troublait point, ne se tourmentait pas l’esprit, ne tombait point dans l’incertitude, ne disait pas : Où sont maintenant les songes qui m’abusaient en me promettant une pareille gloire ?
Après de si beaux songes, voici la servitude, une dure servitude : Je change de maître, je passe de l’un à l’autre, de celui-ci à un troisième ; il me faut vivre parmi des gens inhumains. Suis-je donc abandonné ? suis-je négligé par la grâce d’en haut ? Il ne dit, ne pensa rien ne pareil, il endura tout sans plainte et sans murmure. Car le Seigneur était avec Joseph, et tout lui réussissait. Qu’est-ce à dire : Tout lui réussissait ? Oui, la grâce d’en haut lui facilitait, lui aplanissait toutes choses, et cette grâce qui le couronnait était si manifeste que son maître lui-même, le chef de la maison s’en aperçut : Car son maître savait que le Seigneur était avec lui, et qu’il le favorisait et le bénissait dans toutes ses actions.
Et Joseph trouva grâce devant son maître qui l’établit sur toute sa maison, et remit entre ses mains tout ce qui lui appartenait. Voyez-vous ce que, c’est que d’être soutenu par le bras d’en haut ? Voilà un jeune homme, un étranger, un esclave, et son maître lui confie toute sa maison : Et il remit tout entre ses mains. Pourquoi cela ? Parce qu’indépendamment de l’assistance divine il déploya encore les qualités qui lui étaient propres. Il lui était agréable, dit le texte : cela signifie qu’il gérait tout en bon serviteur. Ensuite le bon Dieu qui voulait accroître sa sécurité ne le tire point d’esclavage, ne le met point en liberté. – En effet, c’est sa coutume, de ne pas mettre hors de danger les hommes vertueux, de ne pas les délivrer des tentations, mais de les assister dans les tentations mêmes avec tant d’efficacité, que ces tentations deviennent pour eux un sujet de triomphe. De là ce mot du bienheureux David : Dans la détresse vous m’avez mis au large. (Ps. 4,2) Vous n’avez pas chassé la détresse loin de moi, veut-il dire, vous ne m’en avez pas délivré, pour me mettre en repos, mais, chose admirable et miraculeuse, au milieu des tribulations, vous m’avez procuré la sécurité. Telle est encore ici la conduite de ce bon Maître. Il bénit la maison de l’Égyptien à cause de Joseph. Et le barbare comprit dès lors que ce serviteur était de ceux que Dieu revendique. Et il remit tout ce qui était à lui entre des mains de Joseph, et il ne savait autre chose, sinon le pain qu’il mangeait. (6) Il en fait donc pour ainsi dire le maître de toute sa maison. Et cet esclave, ce captif avait entre les mains tous les biens de son maître. Tel est l’ascendant de la vertu ; partout où elle brille, elle triomphe, et rien ne lui résiste. Comme la lumière en paraissant met en fuite les ténèbres, ainsi l’éclat de la vertu, dès qu’il vient à reluire, met tous les vices en déroute.
4. Mais le diable, cette méchante bête, en voyant la gloire du juste et l’éclat nouveau que lui valaient ses apparentes tribulations, le diable grince des dents, entre en fureur, et ne pouvant se résigner à voir ce juste grandir de jour en jour, creuse devant lui un profond abîme, un précipice où l’attendait, pensait-il, une mort affreuse ; il amasse une tempête capable de lui causer le plus épouvantable naufrage mais il se convainquit bientôt qu’il ne faisait que regimber contre l’aiguillon et travailler contre lui-même. Joseph était beau et charmant de visage. Pourquoi nous parler de cette beauté ? C’est pour nous faire comprendre que la beauté n’était pas seulement dans son âme, qu’elle était en outre répandue sur son corps. Il était jeune, dans la fleur de l’âge, beau, charmant de visage. La divine Écriture prend soin de nous en avertir à l’avance pour nous expliquer comment l’Égyptienne, éprise de la beauté de ce jeune homme,