Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 5, 1865.djvu/415

Cette page n’a pas encore été corrigée

jamais eu commerce avec elle, s’il l’avait reconnue. Après nous avoir raconté, en détail, la ruse à laquelle Thamar eut recours, la sainte Écriture nous apprend ensuite quels sont les enfants qu’elle mit au monde. Lorsqu’elle fut sur le point d’accoucher, dit l’Écriture, il se trouva qu’elle avait deux jumeaux dans son sein. Et lorsqu’elle enfanta, l’un présenta la main ; la sage-femme la prit et y attacha un fil d’écarlate, en disant : celui-ci est sorti le premier. Remarquez ici, je vous prie, comme les événements futurs nous sont enseignés et révélés sous le voile du mystère. Car, après que la sage-femme eût attaché un fil d’écarlate à la main du premier-né, pour qu’on pût le reconnaître, alors il retira sa main, et son frère sortit. Il céda le pas à son frère, et celui qu’on regardait comme le second, naquit le premier ; le premier au contraire ne vint au monde que le dernier. Alors la sage-femme dit : Pourquoi la haie a-t-elle été séparée d cause de toi ? Et elle l’appela Pharès. Ce nom signifie séparation, et, pour ainsi dire, partage. Ensuite sortit son frère qui avait le fil d’écarlate sur la main droite, et elle l’appela Zara, ce qui signifie Orient.
Et que ces choses n’arrivèrent point par hasard, qu’elles étaient une image des événements futurs, c’est ce que prouvent les faits eux-mêmes. Ce qui se passa n’est point, en effet, dans l’ordre de la nature. Comment expliquer que, la main une fois liée avec le fil de pourpre, l’enfant se soit écarté pour livrer passage à son frère, sans l’intervention de la puissance divine, qui opéra ce miracle, et montra dans une sorte d’esquisse Zara ou l’Orient (c’est-à-dire l’Église) apparaissant d’abord, puis se retirant après s’être montré un instant, pour laisser l’observation de la Loi personnifiée en Pharès se manifester à son tour et dominer longtemps ; puis le retour de celui qui s’était écarté d’abord, je veux dire de Zara, refoulant de nouveau devant l’Église toute la constitution judaïque. Mais peut-être est-il nécessaire de revenir sur ce sujet en termes plus clairs et plus précis. – D’abord parurent, semblables à Zara avançant la main, Noé et Abraham, ou plutôt avant Noé Abel et Enoch, lesquels furent les premiers qui se préoccupèrent spécialement de plaire à Dieu. – Ensuite lorsque leur multiplication eut accumulé sur leur race de nombreux fardeaux de péchés, comme une petite consolation leur était nécessaire, la loi leur fut donnée, comme une esquisse de l’avenir ; la loi, qui sans effacer les péchés, les signalait du moins, les leur rendait manifestes, de telle sorte que, pareils aux petits enfants à la mamelle, ils pussent arriver sans encombre à la fleur dé l’âge. Ce bienfait fut perdu ; en dépit de la loi qui leur révélait l’énormité du péché, ils recommençaient à s’y plonger de nouveau ; alors le Maître commun descendit ici-bas pour octroyer aux hommes cette spirituelle et parfaite constitution, dont Zara avait été la figure. Voilà pourquoi l’Évangéliste lui-même fait mention de Thamar et de ses enfants, en disant : Et Juda eut Pharès et Zara de Thamar.
3. Gardons-nous donc de parcourir étourdiment le texte des saintes Écritures, gardons-nous d’en lire les paroles avec une attention superficielle : allons au fond, découvrons les richesses qu’elles recèlent, et nous glorifierons notre Maître, qui arrange toutes choses avec une si grande sagesse. En effet, faute de rechercher le but et le motif de chaque chose, non seulement nous accuserons Thamar, comme ayant eu commerce avec son beau-père, mais nous accuserons Abraham lui-même, comme ayant eu l’intention de tuer son fils, et Phinées comme coupable d’un double homicide. Au contraire, si nous considérons avec attention la raison de chaque fait, nous serons conduits à justifier ces personnages, et en même temps, nous retirerons de là une grande utilité. Mais quant à ce qui regarde cette histoire, nous l’avons analysée, comme il nous a été possible devant vos charités.
Maintenant, si vous n’êtes pas fatigués, et que vous y soyez disposés, nous passerons à ce qui suit, et nous reviendrons au récit qui concerne l’admirable Joseph, afin que notre entretien d’aujourd’hui contribue à vous faire comprendre tout ce qu’endura ce noble athlète à la suite des songes qui lui promettaient la royauté et la suprématie sur ses frères, et comment il subit épreuve sur épreuve, tentation sur tentation ; comment néanmoins, malgré les efforts réitérés de la tempête, le pilote ne se laissa point submerger ; comment, quand l’orage redoublait de violence, il restait au gouvernail, et continuait à diriger son navire ; mais il faut entendre le texte lui-même, afin que rien ne nous échappe : Joseph fut mené en Égypte, et le chef de la maison de Pharaon l’acheta des maires des Ismaélites. (Gen. 39,1)