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dur esclavage, et cela chez des barbares, qui ne sont pas meilleurs que des bêtes sauvages. Mais c’était le Maître du monde qui les rendait doux envers lui, et armait Joseph d’une patience à toute épreuve. Et ses frères, après l’avoir vendu, croyaient avoir mené à bonne fin leur résolution, parce qu’ils s’étaient débarrassés de celui à qui ils portaient envie. Mais Ruben, dit l’Écriture, retourna vers la fosse, et il n’y vit plus Joseph. Alors il déchira ses vêtements, et retourna vers ses frères et dit : L’enfant ne se trouve point, et moi, moi, où irai-je désormais ? En effet, la sainte Écriture nous a appris plus haut que Ruben leur avait donné le conseil de jeter leur frère dans cette fosse, afin de l’arracher à leurs mains homicides, et de le rendre à son père ; mais maintenant, ajoute-t-elle, quand il voit que son projet a échoué, il déchire ses vêtements et dit : L’enfant ne se trouve point, et moi, moi, où irai-je désormais ? Comment, dit-il, comment pourrons-nous nous justifier, et surtout moi qui semble marcher à votre tête ? Il croyait que Joseph avait été tué. Mais après qu’ils eurent accompli le crime qu’ils méditaient, après qu’ils eurent envoyé l’objet de leur haine sur la terre étrangère et qu’ils eurent ainsi calmé leur jalousie, ils inventent une ruse pour tromper leur père et l’empêcher de découvrir leur abominable complot. Ils tuèrent, dit l’Écriture, un bouc d’entre les chèvres, trempèrent sa robe dans le sang et l’apportèrent à leur père, en lui disant : Reconnais si c’est la robe de ton fils ou non. Pourquoi vous abusez-vous vous-mêmes, ô insensés ? Quand même vous pourriez tromper votre père, vous n’échapperez pas à cet œil qui ne dort jamais, et que vous deviez craindre par-dessus tout. Mais telle est la nature humaine, ou plutôt telle est l’insouciance du plus grand nombre ; ne craignant que les hommes et ne tenant compte que de l’infamie qui peut rejaillir sur eux dans le moment présent, ils ne songent pas à ce tribunal terrible et à ces souffrances intolérables, et ils ne cherchent qu’à éviter le blâme des hommes ; c’est ainsi que les fils de Jacob se sont conduits en essayant de tromper leur père dit l’Écriture, reconnut la robe et dit : C’est la robe de mon fils, une bête féroce l’a dévoré, une bête féroce a déchiré mon fils Joseph. Et certes il avait été traité d’une façon aussi cruelle que s’il était tombé au pouvoir des bêtes féroces. Jacob déchira ses vêlements, il mit un sac sur ses reins et pleura son fils plusieurs jours. Que de larmes ils auraient méritées eux-mêmes, non seulement pour avoir vendu leur frère à des barbares, mais encore pour avoir causé un si grand deuil à leur père déjà avancé en âge. Et tous ses fils, et toutes ses, filles, dit l’Écriture, vinrent pour le consoler, mais il rejeta toute consolation et il dit : Je descendrai vers mon fils dans le sépulcre en pleurant.
5. Mais ils ressentirent encore un autre coup. Car ils voyaient leur père témoigner l’amour le plus ardent pour celui qui n’était plus, et qu’il croyait dévoré par des bêtes féroces, et ils étaient consumés par une jalousie plus violente encore. Or ces hommes qui se sont montrés si cruels envers leur frère et leur père, ne méritent aucun pardon ; les Madianites du moins servent lés vues de la Providence, et à leur tour vendent Joseph à Petephra, le chef de cuisine de Pharaon. Voyez-vous comment le jeune hébreu s’avance peu à peu, voyez-vous quelle vertu et quel courage il montre en toute circonstance, afin que, semblable à un athlète qui a vaillamment combattu, il ceigne un jour la couronne royale, et que l’accomplissement de ses songes enseigne et prouve à ceux qui font vendu, qu’une si grande perfidie leur a été inutile ? Car telle est la puissance de la vertu, qu’elle sort toujours de la lutte plus éclatante encore. Rien ne peut l’emporter sur elle, rien ne peut en triompher ; ce n’est pas qu’elle trouve cette force en elle-même, mais c’est que l’homme vertueux jouit aussi du secours d’en haut ; or celui qui jouit de la protection divine et qui mérite l’aide du Ciel, aura une force invincible, et ne se laissera dompter ni par les embûches des hommes, ni par les pièges du démon. Puisque nous sommes ainsi avertis ; u craignons pas la souffrance mais le mal ; car le mal est une véritable souffrance. Celui qui essaye de maltraiter son prochain, ne lui nuit absolument en rien ; et, quand même il lui nuirait un peu, il ne peut le faire que dans le siècle présent ; mais aussi il s’amasse pour lui-même des châtiments éternels et des souffrances intolérables, que nous ne pouvons nous-mêmes éviter que si nous nous montrons prêts à tout souffrir, et si, suivant le précepte du Seigneur nous prions pour ceux qui nous font du mal. Une telle conduite nous vaudra une magnifique récompense et nous rendra dignes du royaume des cieux ; puissions-nous tous l’obtenir,