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chaque jour méditaient de le faire périr ; de même Caïn, voyant que les présents de son frère étaient plus agréables à Dieu, forma le projet de le tuer, et il lui dit : Allons dans les champs.
Voyez-vous combien Abel, lui aussi, est loin d’avoir aucun soupçon, quelle confiance il a en son frère, et comment il l’accompagne et se livre lui-même aux coups de sa main criminelle ? Il en est de même de Joseph : cet enfant admirable, ne connaissant pas les mauvais desseins de ses frères, leur parle comme à des frères, et leur raconte les songes par lesquels Dieu lui avait révélé sa future grandeur et en même temps l’assujettissement de ses frères Joseph ayant eu un songe, dit l’Écriture, le récita à ses frères, et leur dit : Écoutez le songe que j’ai eu. Il me semblait que nous liions des gerbes au milieu d’un champ, que ma gerbe se leva et se tint debout, et que vos gerbes l’environnèrent, et se prosternèrent devant ma gerbe. Alors ses frères lui dirent : Régnerais-tu donc sur nous, et serais-tu notre maître ? Et ils le haïrent encore plus ci cause de ses songes et de ses paroles. L’Écriture s’est hâtée de nous apprendre que leur haine contre Joseph s’était déjà manifestée auparavant, afin que nous ne croyions pas que ce songe seul ait donné naissance à leurs dispositions hostiles. Et ils le haïrent encore plus, c’est-à-dire ils nourrirent contre lui une haine et une inimitié beaucoup plus violentes. Voyez à quel degré d’aveuglement ils en sont venus ; ce sont eux-mêmes qui expliquent le songe. Ainsi on ne peut pas dire qu’ils étaient jaloux de leur frère par ignorance de l’avenir ; car quoique ce songe leur eût révélé les événements futurs, leur haine s’accrut encore. O comble de la folie ! Ainsi instruits ils auraient dû plutôt témoigner de la bienveillance envers Joseph, supprimer tout motif de haine, et bannir de leur cœur toute jalousie ; mais leur raison était obscurcie par les ténèbres, ils ne comprirent pas qu’ils agissaient contre leurs propres intérêts, et ils furent enflammés d’une haine encore plus vive. – Pourquoi, ô malheureux, ô misérables, montrez-vous une si grande jalousie, pourquoi ne songez-vous pas aux liens du sang et ne reconnaissez-vous pas que l’explication de ce songe fait éclater la bienveillance de Dieu à l’égard de Joseph ? Ne croyez pas qu’il soit possible de renverser les décrets de Dieu. Vous avez vous-mêmes interprété ce songe ; eh bien ! il s’accomplira dans peu de temps, quand même vous voudriez y apporter mille obstacles. Car le Dieu de l’univers est habile et sage ; et quand il veut prouver l’étendue de son pouvoir, il permet souvent que l’on arrête par de nombreux obstacles l’exécution de ses desseins, afin que leur accomplissement fasse éclater toute la grandeur de sa puissance. Mais tel est l’envieux : sa passion ne lui permet pas de faire aucune de ces réflexions, elle le tient, pour ainsi dire, sous le joug ; et il agit même contre son propre salut.
Ainsi le récit de ce songe augmenta leur haine ; quant à Joseph, cet enfant admirable, il eut un autre songe et le raconta en ces termes, non seulement à ses frères, mais encore à Jacob : Il me semblait que le soleil et la lune et onze étoiles se prosternaient devant moi. Son père le reprit et lui dit : Que signifie ce songe que tu as eu ? Faudra-t-il que nous venions, moi, ta mère et tes frères nous prosterner en terre devant toi ? Et ses frères eurent de l’envie contre lui, mais son père retint ses discours. Jacob reprit Joseph, parce qu’il connaissait l’envie que ses autres fils portaient à cet enfant ; puis, il expliqua lui-même le songe, et devinant que cette révélation venait de Dieu, il retint ses discours. Mais telle ne fut pas la conduite de ses fils. Qu’arriva-t-il ? Ils le haïrent encore davantage. Quelle est votre folie ? Pourquoi vous conduisez – vous comme des insensés ? Ne comprenez-vous pas que ce second songe ne lui a été envoyé, ni sans motif, ni par un effet du hasard ? C’était pour que vous appreniez que ces événements s’accompliraient entièrement, pour que vous mettiez un terme à vos projets sanguinaires, en considérant que vous tentiez l’impossible. Vous auriez donc dû songer aux liens de la nature, montrer des sentiments vraiment fraternels et regarder comme vôtre l’illustration future de votre frère. Mais puisque cette pensée ne vous est pas venue à l’esprit, il eût été naturel de considérer que la querelle n’était plus entre vous et Joseph, mais entre vous et le Maître de toutes choses, qui lui avait déjà révélé l’avenir. Mais ceux-ci, comme je me suis hâté de le dire, sans respecter les liens du sang, sans réfléchir que la protection d’en haut entourait Joseph, donnaient chaque jour de nouveaux aliments à leur haine et allumaient dans leur cœur cette flamme secrète, tandis que, ni leur père, ni leur jeune frère