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entre ses enfants. Car voilà le prétexte qu’on nous oppose aujourd’hui, et souvent celui qui n’a qu’un seul fils travaillé pour amasser un nombre infini de talents d’or, acheter des champs et élever de somptueux édifices. Et plût à Dieu que ce soit par des travaux légitimes et sans injustice qu’il ait amassé toutes ces richesses ! mais ce qui est intolérable, ce qui est surtout terrible, c’est que la rapine et la fraude fait de toutes parts passer entre ses mains la fortune d’autrui. Et si on lui demande : pourquoi donc cette fureur d’amasser ? il objecte aussitôt son fils et dit qu’il fait tout cela par amour pour lui. Mais bien qu’il se couvre de ce prétexte pour consacrer ses injustices, c’est en vain qu’il s’efforce de le faire. Et il en est qui, n’ayant pas même d’enfants, sont possédés de la fureur d’amasser et aimeraient mille fois mieux subir des maux sans remède que de donner une obole à l’un de ceux qui la leur demandent.
Ce juste n’avait point cette préoccupation, il n’y songeait pas, mais, lorsqu’il eut besoin d’acheter un modeste champ, il donna cent agneaux, et acquit ainsi de Hémor, père de Sichem, une portion de terrain. Et voyez la piété de Jacob et pour quel motif il souhaitait acquérir un champ. Et il y établit un autel, et il invoqua le Dieu d’Israël. Il n’a acheté cette portion de terrain que pour rendre ses actions de grâces au Maître de l’univers. Tous devraient se faire les émules de cet homme vivant selon la grâce avant que l’a loi fût donnée, et non se livrer ainsi à la fureur d’amasser des richesses. Car, dites-moi, pourquoi amasser sur soi des fardeaux d’épines ? et ne sentez-vous pas que vous laissez à vos enfants la matière et l’occasion du vice ? Ne savez-vous pas que vous devez veiller sur vous plus que sur votre enfant, et qu’en lui témoignant une prévoyance exagérée, vous vous attachez à lui laisser toute facilité pour perdre son âme dans l’abîme ?
Ne savez-vous pas que la jeunesse est par elle-même disposée à succomber et qu’elle incline au mal ? Lorsqu’elle se voit en possession d’abondantes richesses, la pente vers le vice est pour elle bien plus glissante. Car, de même que le feu, s’il reçoit des aliments, lance une flamme plus ardente ; de même aussi la jeunesse, recevant cette matière – inflammable des richesses, allume dans l’âme un brasier qui la consumera tout enture. Comment donc un homme ainsi tenté pourra-t-il s’adonner à la tempérance, fuir la débauche et embrasser les travaux de la vertu ou quelque couvre spirituelle ?
2. N’entendez-vous pas le Christ nous dire : Les soins de ce siècle et la séduction des richesses étouffent le jugement, et il devient stérile. (Mt. 13,22) Ces soins et ces séductions sont ce qu’il nomme les épines, quand il dit qu’une partie de la semence tomba parmi les épines ; et il interpréta ensuite à ses disciples, ce qu’étaient ces épines en leur disant : Les soins de ce siècle et la séduction des richesses étouffent le jugement et il dévient stérile. C’est une belle comparaison que celle des soins de ce siècle aux épines. De même en effet qu’elles ne permettent pas au blé de s’élever, mais étouffent en le pressant celui qu’on a semé ; de même les soins de la vie ne laissent porter aucun fruit à la semence spirituelle répandue dans l’âme ; elles la consument et l’étouffent à la façon des épines et ne laissent point pousser la semence spirituelle. La séduction des richesses. Oui, elle est bien nommée, car c’est réellement une séduction. Est-il en effet besoin de tant d’or et de richesses ? Oui, dira-t-on, la possession des biens cause une grande joie. Quelle joie ? et pourquoi l’appeler joie ? N’est-ce pas plutôt là une cause d’abattement inexcusable et de mille chagrins ? Et je ne parle pas encore du châtiment suspendu sur la tête des coupables, mais seulement des maux de la vie présente, quand je dis que les affaires ne peuvent causer de plaisir, mais plutôt des troubles et des chagrins continuels. Les vagues soulevées de la mer ne sont qu’une image imparfaite de l’âme ainsi pressée par le raisonnement et la passion, et mal disposée envers tous, étrangers et proches. Et si – quelque jour on dérobe à ces hommes quelque, portion de leur richesse (et combien ne voit-on pas d’accidents de toute sorte, de ruses pour ravir les biens, de crimes chez les serviteurs, de violences chez les puissants), alors vous les verrez persuadés que la vie leur est intolérable. Combien donc n’est-il pas lamentable le sort de ces hommes qui mettent tant d’ardeur à se nuire de toute façon et qui se plaisent à ajouter tant de maux à la perte de leur âme !
Mais laissons-les de côté, s’il vous plaît, et revenons à l’histoire de ce juste ; voyons-en la suite : Jacob éleva un autel dans cette portion de terrain, et il invoqua le Dieu d’Israël, et il