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aujourd’hui, que, lorsque le Maître de l’univers veut nous témoigner sa tendresse vigilante, il sait rendre plus doux que des brebis ceux qui ont des sentiments hostiles à notre égard. Considérez quel changement Esaü témoigne : Il accourut à sa rencontre, le prit dans ses bras et lui donna un baiser, et ils pleurèrent tous deux. A peine le juste a-t-il pu respirer et secouer sa crainte ; à peine est-il délivré de son inquiétude et s’est-il enhardi : Esaü, dit l’Écriture, ayant levé les yeux, vit les femmes et les enfants, et dit : Sont-ils à toi ? (Id. 5) A la vue des richesses de son frère, il fut frappé d’étonnement ; aussi voulut-il l’interroger. Et que lui dit le juste ? Ce sont les enfants que la miséricorde de Dieu a donnés à ton serviteur. (Id) Voyez quelle est la force de la douceur et comment, par l’humilité de ses paroles, il contenait la colère d’Esaü : Les servantes et les enfants s’approchèrent ; Lia et Rachel s’inclinèrent, et il dit : Sont-ils tous à toi, ces camps que j’ai rencontrés ? Et Jacob répondit : c’était pour que ton serviteur trouvât grâce devant toi. (Id. 6-8)
Voyez, je vous prie, comment son extrême humilité l’a rendu maître de son frère, et comment celui qu’il pensait être rempli d’une brutale inimitié contre lui, il l’a trouvé si doux qu’il veut mettre à son service tout ce qui lui appartient. Esaü lui dit : Je suis riche, mon frère, garde ce qui t’appartient. (Id. 9) Mais Jacob ne le souffrit pas, et montrant combien il avait d’empressement à posséder ses bonnes grâces, il reprit : Si j’ai trouvé grâce devant toi, accepte des présents de mes mains, car j’ai vu ton visage, comme on verrait le visage de Dieu. (Id. 40) Accepte, lui dit-il, les présents qui te sont offerts de ma part. Car j’ai eu à voir ton visage une joie semblable à celle qu’on aurait en voyant celui de Dieu. Ces paroles, le juste les disait par déférence, pour l’adoucir et l’amener à l’amitié d’un frère. – Et tu m’aimeras, voulant dire : Tu feras à mon égard ce qu’il convient que tu fasses. Reçois donc ces bénédictions que je t’ai apportées, parce que Dieu a eu pitié de moi et que rien ne me manque. (Id. 11) Ne refuse pas de l’accepter, lui dit-il, car tout cela m’a été donné par Dieu ; c’est lui qui m’a fait obtenir tout cela. Ainsi Jacob instruisait doucement son frère des soins que la Providence divine daignait avoir de lui, et le préparait à lui témoigner un grand respect. Et il l’obligea d’accepter ses présents. (Id)
Voyez ensuite quel changement. Esaü dit : Partons et marchons devant nous. ( 12) Comme s’il eût dit : Désormais nous voyagerons ensemble. Mais Jacob lui fait une demande fondée sur un motif plausible Mon seigneur sait que les enfants sont plus délicats que nous, les brebis et les vaches mettent bas ; si donc je les presse durant un jour, ils mourront. (Id. 13) Je ne puis, dit-il, abréger mon voyage, mais je suis contraint de marcher lentement et à petites journées, à cause de mes enfants et de mes troupeaux, afin qu’ils ne succombent pas à un excès de fatigue. Marche donc toi-même, et moi, diminuant la fatigue de mes enfants et de mes bestiaux, j’irai te rejoindre à Séir. (Id. 14) Son frère alors lui dit : Si tu le veux, je vais te laisser quelques-uns de ceux qui m’accompagnent (Id. 15), lui témoignant son respect et sa com plaisance. Mais Jacob n’accepte pas même cette offre : Il me suffit, lui dit-il, d’avoir pleinement trouvé grâce devant toi. (Id) Ce que je désirais avec empressement, c’était de te trouver favorable. Puisque je l’ai obtenu, je n’ai plus besoin d’autre chose. Et Jacob partant de là, alla camper avec ses troupeaux ; et il appela ce lieu : les Tentes. (Id. 17)
5. Écoutons ces paroles, imitons le juste montrons une humilité semblable à la sienne ; et, s’il est des hommes dont les dispositions soient fâcheuses à notre égard, n’enflammons pas davantage leur colère, mais apaisons leur haine par la ; douceur et l’humilité de notre langage et de nos actions ; portons remède au mal de leur âme. Voyez la sagesse de ce juste, voyez comment la courageuse patience de son langage a si bien adouci Esaü, qu’il cherche à lui témoigner de la déférence et veut de toute façon lui faire honneur. Le fait d’une grande vertu, ce n’est pas de s’appliquer à chérir ceux qui sont envers nous ce qu’ils doivent être, mais d’attirer à nous, par notre grande indulgence, ceux qui veulent nous offenser. Rien n’est plus énergique que la douceur. Comme souvent un bûcher ardent s’éteint si l’on y jette de l’eau, de même la colère, plus enflammée qu’une fournaise, s’éteint devant un langage formulé avec douceur, et nous obtenons un double avantage, celui de témoigner de la douceur et celui de délivrer de trouble, en apaisant son irritation, la raison de notre frère. Eh ! quoi