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bien-aimé, de la grandeur de cet abaissement ; mais souvenez-vous qu’au temps du patriarche Abraham, lorsqu’il était assis au pied du chêne, le Seigneur a, sous la forme d’un homme, reçu avec les anges l’hospitalité du, juste, nous annonçant ainsi de loin et dès l’origine, qu’il prendrait la forme d’un homme pour délivrer la nature humaine tout entière de la tyrannie du démon et pour la conduire au salut.

Comme ce n’était alors que le principe et le prélude de l’Incarnation, il ne se manifestait à chaque patriarche que sous une forme apparente, comme lui-même le dit parle Prophète : J’ai multiplié les visions, et des images de moi se sont produites sous la main des prophètes. (Ose. 12,10) Mais quand il a daigné prendre la forme d’un esclave et entreprendre notre régénération, ce n’est point sous une forme apparente et fantastique, c’est en réalité qu’il s’est revêtu de notre chair. Aussi, a-t-il consenti à embrasser notre condition, tout entière, à naître d’une femme, à être petit enfant, à être enveloppé de langes, à être allaité, à supporter toutes nos misères, afin de bien établir la foi en la réalité de l’Incarnation, et de fermer la bouche aux hérétiques. C’est pour cela qu’il dort sur la barque, qu’il voyage et se fatigue, qu’il supporte toutes les misères humaines, afin de pouvoir confirmer pleinement par des faits la foi de chacun. C’est pour cela qu’il comparaît au tribunal, qu’il est mis en croix, qu’il souffre une mort infamante et qu’il est mis dans le tombeau, afin que le mystère de l’Incarnation soit prouvé jusqu’à l’évidence. Car, s’il n’avait pris en réalité notre chair, il n’eût pas été crucifié, ne serait pas mort, n’eût pas été enseveli et ne serait pas ressuscité. Et, s’il ne fut pas ressuscité, toute la doctrine de l’Incarnation serait bouleversée. Voyez-vous dans quelle absurdité tombent ceux qui ne veulent pas adopter la règle suprême de l’Écriture divine, mais tout soumettre à leurs propres raisonnements ? Mais de même que la vérité est ici manifeste, de même au temps de ce juste, il n’y en avait qu’une figure qui devait confirmer sa croyance en la Providence dont il était l’heureux objet, sa croyance qu’il était invincible à quiconque voudrait lui dresser des embûches. Ensuite, afin que personne à l’avenir n’ignorât la vision qu’il avait eue, il boita de la cuisse. Et, c’est à cause de cela que, jusqu’à ce jour, les enfants d’Israël, ne mangent pas du nerf de la cuisse qui s’est engourdi, parce que Jacob a touché la largeur de la cuisse, qui s’est engourdie. (Id. 32,33) Parce que ce juste, après avoir rempli sa carrière, devait quitter la vie, il fallait que la tendresse vigilante de Dieu envers lui et cet abaissement immense fussent connus de toutes les générations ; c’est pourquoi il dit : Que les enfants d’Israël ne mangent point ce nerf de la cuisse qui s’est engourdi. Connaissant toute leur ingratitude et leur oubli des bienfaits divins, il a employé ce moyen de conserver en eux la perpétuelle mémoire de ses bienfaits ; il leur en a fait conserver des monuments dans ses observances : c’est ce que l’on trouve partout dans l’Écriture. Et telle est surtout la cause du plus grand nombre des observances : il a voulu que les générations qui se succèdent ne cessassent jamais de méditer les bienfaits divins et ne revinssent point, par l’oubli qu’ils en feraient, à l’égarement qui leur était naturel ; car telle était surtout la coutume de la race des Juifs. Ce peuple, qui montra si souvent son ingratitude pour les bienfaits, eût, bien davantage encore, éloigné de sa pensée ce que Dieu avait fait pour lui, s’il n’en eût point été ainsi. Mais, voyons la suite, voyons comment s’opéra la rencontre de Jacob avec son frère.

Ayant donc reçu un suffisant encouragement ; ainsi que l’assurance qu’il serait fort et puissant parmi les hommes : Jacob leva les yeux, dit le texte, et il vit Esaü, son frère, et quatre cents hommes avec lui. Et il partagea ses enfants entre Lia, Rachel et les deux servantes. Il mit en première ligne les deux servantes et leurs enfants, puis Lia et les siens, enfin Rachel et Joseph. Et lui-même marcha en avant et s’inclina sept fois vers la terre, jusqu’à ce qu’il se fût approché de son frère. (Gen. 33,1-3) Voyez comment, après cette division, il va le premier à la rencontre d’Esaü. Et il s’inclina sept fois vers la terre, jusqu’à ce qu’il se fût approché de son frère, entraînant Esaü par son attitude et ses profondes salutations à se montrer amical envers lui ; ce qui arriva en effet. Esaü, dit le texte, accourut, le prit dans ses bras et lui donna un baiser, et il s’inclina sur son cou, et ils pleurèrent tous deux. (Id. 4)

4. Voyez comment Dieu gouverne toutes choses : Ce que je vous disais hier, je le dis encore