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et les adresse à son frère, les divisant en plusieurs envois et recommandant de le fléchir par des paroles et de lui annoncer son approche. Dites-lui : Voilà que votre serviteur vous suit de près, en sorte qu’il puisse le fléchir avant de paraître en sa présence. Ensuite, dit le texte, je verrai son visage ; peut-être m’accueillera-t-il. Et il envoya ses présents pour être remis à son frère. (Id. 20, 21) Considérez encore ici l’ineffable bonté de Dieu, et comme elle témoigne bien de l’ordre de sa Providence. A Laban, quand Jacob ne soupçonnait pas le péril et ne savait pas qu’il allait tomber entre les mains de Laban, qui accourait pour se venger de son départ secret, Dieu se montre, réprime sa colère et lui défend d’adresser à Jacob une parole amère : N’adresse à Jacob aucune parole coupable, lui dit-il. Il régla ainsi les choses pour que le juste l’apprît par la bouche de Laban lui-même, afin que, connaissant la providence de Dieu à son égard, il fût plus rempli de confiance. Et maintenant, parce qu’Esaü s’est calmé avec le temps, et que sa colère, son ressentiment contre Jacob se sont apaisés, tandis que celui-ci est rempli d’inquiétude, et frémit de crainte au moment de rencontrer son frère, ce bon Maître ne s’adresse point à Esaü, car celui-ci n’avait nul mauvais dessein contre Jacob ; mais il relève ce juste. Après avoir fait partir les porteurs de ses présents et dormi quelque temps, il se leva cette nuit même, il fit passer le Jaboch à ses deux femmes et à ses enfants : il les prit et les fit passer au-delà du torrent. Jacob reste seul, et un homme lutte avec lui. (Id. 22, 24) O grande bonté de Dieu l Parce que Jacob allait rencontrer son, frère, et afin qu’il eût une preuve sensible qu’il n’éprouverait rien de fâcheux, il daigne lutter avec lui, sous la figure d’un homme. Ensuite, Jacob voyant qu’il avait le dessous, le saisit par la largeur de sa cuisse. (Id. 25) Dieu ne s’abaissait ainsi que pour délivrer de crainte l’âme de ce juste, et lui persuader de n’avoir aucune angoisse à la rencontre de son frère. Jacob l’ayant saisi par la largeur de sa cuisse, la largeur de la cuisse de Jacob s’engourdit en luttant avec lui. (Id) Ensuite, afin que Jacob apprît quelle était la puissance de celui qu’il croyait lutter contre lui, le mystérieux lutteur lui dit : Laisse-moi partir, car le matin se lève. (Id. 26) Ce juste donc s’apercevant quelle était la puissance de celui qui lui parlait, répondit : Je ne vous laisserai point partir que vous ne m’ayez béni. (Id) J’ai été jugé digne de grands bienfaits et au-dessus de mon mérite. Je ne vous laisserai donc point que vous ne m’ayez béni. – Quel est ton nom ? (Id. 27) Voyez encore jusqu’où Dieu s’abaisse. Ne savait-il pas, sans le demander, le nom de ce juste ? Assurément il le savait, mais il veut augmenter sa foi par cette demande et lui apprendre quel est celui qui s’entretient avec lui. Lors donc qu’il eut répondu Dieu lui dit : Tu ne t’appelleras plus mais Israël sera ton nom, parce qu’ayant été fort avec Dieu, tu seras puissant parmi les hommes. (Id. 28) Vous avez compris comment Dieu lui a révélé la cause d’une telle condescendance ; en même temps il enseigne à ce juste, par le nom qu’il lui donne, quel est Celui qu’il a vu et qui a daigné se laisser retenir par lui : Tu ne t’appelleras plus mais Israël. Or, Israël se traduit par voyant Dieu. Puis donc que Dieu a daigné se montrer à toi, autant qu’il est possible à un homme de le voir, je te donne ce surnom, afin que désormais il soit manifeste à tous de quelle vision tu as été honoré. Et il ajoute : Parce que tu as été fort avec Dieu, tu seras puissant parmi les hommes. Ne crains donc plus et n’appréhende plus de mal de la part de personne. Car celui qui a reçu une force telle qu’il puisse lutter avec Dieu, à plus forte raison l’emportera sur les hommes et sera invincible à tous.
3. Le juste à ces paroles, frappé de la grandeur de celui qui s’entretenait avec lui, reprit : Faites-moi connaître votre nom. Et il lui répondit : Pourquoi me demandes-tu mon nom ? Et il le bénit. (29) Comme s’il disait : Demeure dans les bornes qui te conviennent et ne dépasse pas ta mesure. Tu veux obtenir ma bénédiction : eh bien ! je te l’accorde. Il le bénit, dit le texte, et Jacob appela cet endroit : Apparence de Dieu. Car, dit-il, j’ai vu Dieu face à face et nia vie a été sauvée. (Id. 30) Voyez-vous quelle hardiesse lui a donnée cette vision ? Ma vie, dit-il, a été sauvée, vie que la crainte m’avait presque ravie. Puisque Dieu a daigné se manifester à moi face à face, ma vie a été sauvée. Et le soleil se levait, lorsque la vision de Dieu disparut. (Id. 31) Vous avez vu comment Dieu condescend à l’infirmité humaine pour accomplir et gouverner toute chose, et comment il manifeste sa bonté suprême ? Et ne vous déconcertez pas, mon