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fait agir comme des brebis. Et ceci on peut le voir, non dans les bêtes féroces seulement, mais dans les éléments eux-mêmes. Lorsqu’il le veut les éléments se dépouillent de leurs propriétés et le feu n’a plus les effets du feu. On peut l’apprendre par l’histoire des trois enfants et de Daniel. Celui-ci, environné de lions, n’éprouve pas plus de mal que s’il était entouré de brebis, parce que la volonté d’en haut contient leur naturel féroce. Ces animaux demeurèrent sans témoigner leur cruauté, comme les faits le prouvèrent à ceux qui étaient plus féroces que des animaux sans raison.
5. Et cela s’est fait pour flétrir davantage ceux qui, honorés du don de la raison, ont dépassé des brutes en cruauté. Ils ont appris par l’événement que la providence du souverain Maître a fait respecter le juste par les animaux féroces, qui n’ont pas osé le toucher ; tandis qu’eux-mêmes étaient pour lui pire que ces animaux. Et ils n’ont pu penser que c’était un simple caprice, en voyant ce qui arrivait aux hommes jetés depuis dans la fosse ; ils ont vu que si, à l’égard du juste, les lions avaient imité la douceur des brebis et dissimulé leur naturel, ils montraient leur férocité envers ceux qu’on y jeta ensuite. De même, dans la fournaise ardente. Les trois Hébreux qui s’y trouvèrent au milieu du feu furent respectés par cet élément dont l’activité était suspendue et comme entravée, en sorte qu’il laissait intacts les corps de ces enfants et n’osait toucher même à leurs cheveux, comme s’il eût reçu défense de laisser voir son action naturelle ; et cependant il dévora ceux qui étaient hors de la fournaise, montrant par ces deux effets la puissance infinie de Dieu, en épargnant ceux qu’il enveloppait et atteignant les autres. Ainsi, lorsque nous sommes soutenus par la force d’en haut, non seulement nous échappons aux embûches de ceux qui nous veulent nuire, mais, quand nous tomberions entre les griffes de bêtes féroces, nous n’éprouverions point de mal. Car la main de Dieu a une force supérieure à tout ; elle nous environne d’une défense assurée et nous rend invincibles, comme il arriva à ce juste.
En effet, Laban, qui souhaitait avec tant de passion d’atteindre Jacob et de tirer vengeance du départ de cette famille, non seulement ne lui adresse pas une parole rude et haineuse, mais s’entretient avec lui comme un père avec son enfant et lui tient un discours plein de douceur, en lui disant : Pourquoi agir ainsi ? Pourquoi vous enfuir secrètement ? (31, 26-27) – Considérez quel changement, et cour ment celui qui avait la fureur d’une bête sauvage imite la douceur des brebis. – Pourquoi vous enfuir secrètement, me dépouiller, m’enlever mes filles comme des captives conquises par l’épée. Pourquoi, lui dit-il, agir ainsi ? quelle a été votre pensée ? pourquoi ce départ furtif ? Car si vous m’en aviez informé, je vous aurais escorté avec honneur et avec joie pour prendre congé de vous ; si je l’avais su, je vous aurais fait, au départ, accompagner par des musiciens avec des tambours et des cithares. Vous ne m’avez pas jugé digne d’embrasser mes filles ; vous venez d’agir sans sagesse. (27-28) Voyez comme ensuite il se condamne et avoue de sa propre bouche qu’il se préparait à faire du mal au juste, mais que la providence de Dieu a brisé sa fougue. Ma main, dit-il, est assez forte pour vous faire du mal ; mais le Dieu de votre père m’a dit hier : Garde-toi de jamais tenir à Jacob des discours mauvais. (31, 29) Comprenez bien quelle consolation ces paroles apportèrent à ce juste, et considérez comment son beau-père lui confessa ce qu’il avait médité contre lui, dans quel dessein il avait voulu l’atteindre, et comment la crainte de Dieu l’empêchait d’effectuer ses desseins hostiles. «  Le Dieu de votre père », dit-il. Voyez combien Laban lui-même tire avantage de cet événement, puisqu’il reconnaît la manifestation souveraine de la puissance de Dieu aux paroles qu’il lui a adressées. Mais, dit-il, puisque vous avez eu ce dessein et que Dieu prend de vous un tel soin. Vous voilà parti, car vous avez désiré d’un grand désir retourner dans la maison de votre père. Mais pourquoi m’avez-vous dérobé mes dieux ? (30) Soit, dit-il, vous avez jugé convenable, voue avez résolu de retourner dans la maison de votre père ; mais pourquoi me dérober mes dieux ? O comble de la démence ! tes dieux sont-ils tels qu’ils puissent être dérobés ? N’as-tu pas honte de dire : Pourquoi m’avez-vous dérobé mes dieux! Voyez quel excès d’égarement, il adore du bois et de la pierre, comme si la raison leur pouvait rendre un culte. Et tes dieux, Laban, ne pouvaient se défendre quand on les allait dérober ! Comment, en effet, l’auraient-ils pu, puisqu’ils étaient de pierre ? Mais le Dieu du juste, et sans que le juste le sût lui-même, a arrêté ta fougue. Et tu ne comprends