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ce qui lui appartenait et l’équipage qu’il s’était procuré en Mésopotamie et tout ce qui était à lui, pour s’en retourner vers Isaac son père. (16-18)
4. Examinez la force d’âme de ce juste et comment, mettant de côté toute crainte et toute alarme, il obéit à l’ordre du souverain Maître. Car, lorsqu’il a vu que les sentiments de Laban étaient mauvais, il ne s’est plus préoccupé de l’interroger comme auparavant, mais d’accomplir l’ordre du souverain Maître, et, prenant ses femmes et ses enfants, il s’est mis en route. Laban, dit l’Écriture, était allé tondre ses brebis. Et Rachel déroba les idoles de son père. (31, 18) Ce n’est point sans raison que ces mots sont ajoutés, mais afin que nous sachions comment elles tenaient encore à la coutume de leur père, et montraient une grande vénération pour les idoles. Comprenez cette passion de Rachel qui n’enlève de chez son père rien autre chose que les idoles, et cela à l’insu de son mari, car il ne le lui eût point permis. Jacob, dit l’Écriture, se cacha de Laban le Syrien[1], et ne lui fit point connaître qu’il s’enfuyait il s’enfuit avec tout ce qu’il possédait et passa le fleuve, et se hâtait d’arriver aux monts de Galaad. (20-21) Admirez ici encore la providence de Dieu, qui jusqu’à ce que ce juste fût bien éloigné, n’a point permis que le départ de Jacob vînt à la connaissance de Laban. Trois jours s’étant passés, dit le texte, Laban en eut connaissance. Et prenant avec lui tous ses frères, il le poursuivit durant sept jours et l’atteignit dans les monts de Galaad. (22-23)
Voyez encore le soin ineffable que Dieu prend de Jacob. Il lui a dit : Retourne dans ton pays, et je serai avec toi, et maintenant il lui montre une providence spéciale. Sachant que Laban poursuit ce juste avec une grande indignation et veut faire justice de cette retraite furtive, il se manifeste à Laban, la nuit, pendant son sommeil. Dieu, dit l’Écriture, vint à Laban le Syrien, durant la nuit, et lui dit. Voyez la condescendance de Dieu, et comment, par le soin qu’il prend de ce juste, il s’adresse à Laban, afin de jeter la terreur en son âme et de le détourner de ses projets contre Jacob. Garde-toi de tenir jamais à Jacob des discours mauvais. (Id) La bonté du souverain Maître est bien grande. Comme il a vu qu’il courait au combat et voulait s’élever contre ce juste, il l’arrache en quelque sorte à sa résolution par cette parole : Garde-toi de tenir jamais à Jacob des discours mauvais. Ne tente pas, même en paroles, d’affliger mais veille sur toi, contiens ta coupable impétuosité, apaise son cœur, réprime tes sentiments de colère, et abstiens-toi de l’affliger, même en paroles. Considérez donc l’amour de Dieu pour l’homme. Il n’a point ordonné à Laban de s’en retourner chez lui ; il lui a seulement prescrit de ne rien dire à ce juste de pénible et de haineux. Pourquoi et dans quel but ? afin que ce juste apprît par les effets et les actes de quelle tendresse il était jugé digne de la part de Dieu. Si en effet Laban fût retourné, comment Jacob et ses femmes eussent-ils connu ce fait ? Laban lui permet de s’éloigner, après avoir confessé de sa propre bouche ce que Dieu lui a dit, afin que le juste ait une plus grande ardeur pour son voyage et une confiance plus ferme ; et que ses femmes, en apprenant quelle tendresse Dieu accorde en tout à soient enlevées à l’erreur de leur père, imitent avec zèle le juste, et soient suffisamment instruites de la connaissance de Dieu. Car les discours de Jacob étaient moins persuasifs pour elles que ceux de Laban, encore plongé dans les ténèbres de l’idolâtrie. En effet les témoignages des incrédules et des ennemis de la religion ont toujours bien plus de force pour en faire reconnaître la vérité. Et c’est l’œuvre de la sagesse industrieuse de Dieu, quand il fait, des ennemis de la vérité, les témoins de la vérité, et que leur propre bouche devient l’auxiliaire de notre cause.
Laban atteignit Jacob. Jacob dressa sa tente dans la montagne, et Laban plaça ses frères dans les monts de Galaad. Et Laban dit à Jacob : pourquoi avez-vous fait cela ? (31, 25-26) Considérez comme l’ordre de Dieu a calmé l’ardeur de sa colère et mis un frein à son cœur. C’est pour cela qu’il lui parle avec une grande douceur, lui faisant presque des excuses et lui témoignant une tendresse paternelle. Car, lorsque nous sommes favorisés par la Providence, non seulement nous pouvons éviter les machinations des méchants, mais les bêtes féroces elles-mêmes, si nous en rencontrons ne peuvent nous nuire. En effet le Maître de toutes choses, montrant sa puissance souveraine, transforme la nature des animaux féroces et leur donne la douceur des brebis ; non qu’il leur ôte leur humeur farouche, mais, en les laissant à leur propre nature, il les

  1. C’est-à-dire de Mésopotamie, la Syrie des eaux.