Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 5, 1865.djvu/385

Cette page n’a pas encore été corrigée

blancs et les autres demeurèrent verts. Ainsi ces baguettes devinrent de couleur variée. Et il plaça les baguettes ainsi écorcées, dans les canaux des abreuvoirs, afin que les brebis, quand elles iraient s’abreuver, les eussent devant les yeux en buvant, et conçussent des petits de couleur analogue. Elles conçurent effectivement ainsi, et mirent bas des petits à toison mêlée de blanc, variée et tachetée de couleur de cendre. (30, 37-39) Voilà ce que fit le juste, non de son propre mouvement, mais par la grâce d’en haut qui inspirait sa pensée. Car cela ne se faisait point selon l’ordre de la nature, mais c’était quelque chose de miraculeux et qui dépassait l’ordre naturel. Et il partagea les agneaux, et il plaça devant les brebis un bélier à toison mêlée de blanc, et tous les agneaux de couleur mélangée, et il mit à part son troupeau, et ne le mêla point avec les brebis de Laban. (30, 40) Lorsque désormais des agneaux de cette sorte naissaient, il les ajoutait à son troupeau ; il les mit à part, et il eut un troupeau séparé. Et il arriva qu’au temps où les brebis concevaient, Jacob plaça ces baguettes devant elles, pour qu’elles conçussent des petits de couleur analogue. Et quand elles mettaient bas, il ne plaçait plus les baguettes. Ce qui ne portait point de marque était à Laban, et ce qui en portait à et il s’enrichit fort grandement. (30, 41-43) Pourquoi cette expression redoublée ? pour montrer sa grande richesse, parce qu’il ne s’enrichit pas grandement, mais fort grandement. Car, dit le texte, il eut des troupeaux nombreux, et des bœufs, et des serviteurs, et des servantes.
Mais considérez encore l’envie qui naît de là contre lui. Laban entendit les discours de ses fils qui disaient : Jacob a pris toute la richesse de notre père, et c’est du bien de notre père qu’il s’est ainsi élevé. (30, 1) Voyez comment la jalousie les a conduits à l’ingratitude, et lion lias seulement eux, mais Laban lui-même. Jacob, dit l’Écriture, vit le visage de Laban, et voilà qu’il n’était point envers lui comme la veille et l’avant-veille. Les paroles de ses enfants avaient agité son âme, et lui faisaient oublier ce qu’il avait auparavant dit à Le Seigneur m’a béni à cause de votre venue. Il avait rendu grâces au souverain Maître, parce qu’il avait fait croître sa richesse à cause de la présence du juste ; et maintenant les propos doses fils ont changé son cœur ; l’envie s’est allumée en lui, et apparemment parce qu’il a vu le juste dans une grande abondance, il ne veut plusse montrer pour lui tel qu’auparavant dit l’Écriture, vit le visage de Laban, et voilà qu’il n’était point envers lui comme là veille et l’avant-veille. Voyez-vous la douceur du juste, et l’ingratitude de ses beaux-frères ? ne sachant contenir leur jalousie, ils ont troublé l’esprit de leur père. Considérez maintenant l’ineffable bonté de Dieu, et de quelle condescendance il use, quand il voit que nous faisons ce qui dépend de nous.
Voyant en effet le juste exposé à leur envie, il dit à Jacob : Retourne dans le pays de ton père, et dans ta famille, et je serai avec toi. (4) C’est assez demeurer sur la terre étrangère. Ce que je t’avais promis en te disant : Je te ramènerai dans ton pays, je vais maintenant l’accomplir. Retourne donc saris rien craindre, car je serai avec toi. Afin que le juste n’hésitât pas à faire ce voyage, mais se mît hardiment en chemin vers sa patrie, il lui dit : Je serai avec toi, moi qui jusqu’à présent ai gouverné tes affaires, qui ai fait croître ta famille, c’est moi qui, dans la suite encore serai avec toi. Le juste ayant entendu ces paroles de Dieu, ne tarda point, mais se prépara aussitôt à lui obéir. Il envoya, dit l’Écriture, Rachel et Lia dans la plaine où il faisait paître ses troupeaux[1] et leur dit. – Il veut faire connaître il à ses femmes le voyage qu’il a résolu, et leur communiquer l’ordre de Dieu, ainsi que la jalousie de leur père contre lui. – Il leur dit : Je vois que le visage de votre père n’est point envers moi comme hier et avant-hier. Mais le Dieu de mon père était avec moi. Vous savez vous-mêmes que j’ai servi votre père de tout mon pouvoir. Votre père a même usé envers moi de tromperie ; il a changé ma récompense en dix agneaux, mais Dieu ne lui a point permis de me faire du mal. Quand il nie disait : Les animaux de couleur mêlée seront votre récompense, tous ceux qui naissaient étaient variés ; et quand il me disait : les animaux blancs seront votre récompense, tous ceux que mettaient bas les brebis étaient blancs, et Dieu a enlevé le bétail de votre père et me l’a donné. (5-9)
3. Voyez comme il les instruit de l’ingratitude de leur père à son égard, et du dévouement

  1. Telle est la seule traduction possible de la leçon suivie par l’auteur ; mais l’hébreu, la vulgate et les autres textes portent : Il a dix fois changé ce que je devais avoir pour récompense  ; ce qui offre un sens beaucoup plus clair et beaucoup plus satisfaisant.