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mes femmes et mes enfants, pour lesquels je vous ai servi. (30, 25-6) Admirez la douceur et la modestie du juste ; il voit clairement la faveur dont il est l’objet de la part de Dieu, et néanmoins il ne s’enorgueillit point contré Laban, mais il lui dit avec douceur : Laissez-moi aller, afin que je m’en retourne. Vraiment, rien n’est plus fort que la douceur, rien n’est plus puissant qu’elle. Considérez en effet comment, ayant prévenu Laban par sa douceur, il en obtint une réponse bienveillante. Laban, dit l’Écriture, lui répondit : Si j’ai trouvé grâce devant vous, et je dois le penser, car Dieu m’a béni à cause de votre venue, déterminez la récompense que vous souhaitez de moi et je vous la donnerai. (30, 27-8) le n’ignore pas, disait-il, que, par suite de votre présence, j’ai joui de la faveur de Dieu. Puis donc que j’éprouve de tels bienfaits par l’effet de votre présence, faites-moi connaître la récompense que vous voudrez et je suis prêt à vous la donner. – Voyez ce que peut la douceur ! ne passons pas légèrement sur ces paroles ; observez que le juste n’a pas demandé la récompense de ses travaux, qu’il n’en a pas même fait mention, il n’a dit que ceci : Remettez-moi mes femmes, et mes enfants, pour lesquels je vous ai servi, afin que je m’en retourne, et Laban, plein de respect pour la grande douceur de ce juste, lui dit : faites-moi connaître la récompense que vous désirez de moi, et je suis tout prêt à vous l’accorder.
Ses femmes et ses enfants n’étaient-ils pas avec lui ? Pourquoi donc disait-il : Remettez-moi mes femmes et mes enfants ? C’est qu’il rendait à son beau-père l’honneur qu’il lui devait ; c’est qu’il montrait en toute chose la convenance de ses procédés, c’est qu’il voulait que cette séparation s’opérât avec la permission de Laban. Considérez donc comment, par ces paroles, Laban fut entraîné à lui promettre une récompense et à lui en remettre le choix. Et que fait ce juste ? Voyez jusqu’où il pousse la douceur et comment il évite de devenir, à cette occasion, onéreux et incommode pour Laban. Comment ? Il le prend de nouveau à témoin de sa loyauté et de l’affection qu’il lui a montrée tout le temps qu’il l’a servi. Vous savez, lui dit – il, comment je vous ai servi et ce qu’étaient vos troupeaux entre mes mains. Car je les ai trouvés peu nombreux, et ils se sont multipliés grandement, et le Seigneur vous a béni à mon arrivée ; maintenant ne me ferai-je pas aussi une maison? (30, 29-30) Je vous prends vous-même à témoin de mes travaux. Vous savez quelle affection je vous ai montrée en tout et comment, ayant reçu de faibles troupeaux, mes soins et mes veilles vous en ont fait des troupeaux nombreux. Montrant ensuite sa piété, il ajoute : Le Seigneur vous a béni à mon arrivée ; maintenant ne me ferai-je pas aussi une maison ? Vous savez vous-même que c’est depuis mon arrivée chez vous que la grâce d’en haut a donné à votre richesse ces grands accroissements. Maintenant donc, puisque je vous ai montré en tout mon entière affection, durant le temps de mon service, et que l’assistance de Dieu est manifeste ; il est juste que je me fasse une maison. Et que veut-il dire par ces mots : Se faire une maison ? Il entend : vivre désormais dans l’indépendance et la liberté, et prendre soin d’une maison qui lui appartienne. Et alors Laban lui dit : Que vous donnerai-je ? (Id. 31) Que souhaitez-vous recevoir de moi ? parlez, car je le reconnais et je ne voudrais pas le nier, tout ce que j’ai reçu de Dieu, toutes les bénédictions dont il m’a comblé, c’est à votre présence que je les dois. Jacob lui répondit : Vous ne me donnerez rien, et si vous faites ce que je vais dire, je paîtrai encore vos troupeaux. Je ne veux rien recevoir de vous à titre de salaire, mais j’accepte seulement ce que je vais dire, et je paîtrai encore vos trou peaux. Ce que je veux, le voici : Considérez le juste, parce qu’il a confiance dans la protection de Dieu, voici la proposition qu’il fait à Laban : Que vos troupeaux, dit-il, passent aujourd’hui devant vous, mettez à part toutes les brebis à toisons noirâtres, et tout ce qui est mêlé de blanc et tacheté parmi les chèvres sera ma récompense. Et ma justice se manifestera dans la suite parce que ma récompense sera facile d discerner. Tout ce qui ne sera pas tacheté et mêlé de blanc parmi les chèvres, et noirâtre parmi les agneaux, sera reconnu vous appartenir. (Id. 32, 33)
2. Remarquez la prudence du juste ; con fiant dans la protection d’en haut, il pose lui même des conditions qui, selon l’ordre de la nature, devaient rendre, sinon impossible, du moins très-difficile, sa juste rémunération ; la couleur variée se rencontre en effet très-rarement dans les agneaux qui viennent de naître, et néanmoins Jacob ne demande pour lui que ceux-là ; aussi Laban s’empresse-t-il d’acquiescer a sa demande, et il lui dit : Qu’il soit fait conformément à votre parole. Et il sépara en ce jour les boucs tachetés et mêlés de blanc, et les chèvres tachetées et mêlées de blanc, et tout ce qui était blanc parmi eux, et tout ce qui était, de toison noire, et il remit aux mains de ses fils cette part, et il mit une distance de trois jours entre ces troupeaux et ceux de Jacob. (XXX, 34-36) Il divisa, dit l’Écriture, ses troupeaux suivant la proposition de et les remit à ses fils. Et Jacob paissait les troupeaux de Laban qui restaient, c’est-à-dire ceux dont la toison n’était point de couleur mêlée. Tout cela s’est fait afin que le juste apprît par l’événement le grand soin que Dieu avait de lui, et que Laban vît de quelle assistance d’en haut jouissait Jacob. Jacob, dit le texte, prit des baguettes de styrax, d’amandier et de platane encore vertes ; il en enleva une partie de l’écorce verte, de manière que les endroits d’où l’écorce avait été enlevée parurent