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éloges de chacun, et non seulement les habitants de la ville imiteront cette heureuse nouveauté, mais vous attirerez à votre suite ceux qui habitent au loin, vous leur inspirerez le zèle de vous imiter, et vous obtiendrez de Dieu de nombreuses couronnes, parce que, par la crainte et l’obéissance à ses commandements, vous aurez triomphé de cette coutume satanique. Oui, vous embrasserez avec ardeur ce conseil que je vous donne et vous le mettrez en pratique, j’en ai la ferme conviction. Quand en effet je vous vois écouter avec tant de plaisir mes paroles, je conjecture, d’après vos applaudissements et vos louanges, que vous poursuivrez une réforme effective. Je n’en dirai pas sur ce point davantage et je reprends mon sujet. Et le soir étant venu, Laban prit Lia sa fille et l’introduisit auprès de Jacob.
Ne passons pas non plus légèrement sur ces paroles ; elles nous enseignent plusieurs choses : d’abord la bonne foi de et comment, étranger à toute malice, il fut lésé par Laban ; puis, que tout se passa avec une grande décence, sans flambeaux, ni chœurs de danse, ni luxe de lumière, en sorte que la ruse de Laban put réussir. On y peut aussi reconnaître l’attachement de Laban pour Jacob ; car il machina cette ruse pour retenir ce juste plus longtemps auprès de lui. Sachant qu’il brûlait pour Rachel et que, s’il obtenait l’objet de ses vœux, il ne consentirait pas à servir ensuite pour Lia et à demeurer pour ce motif auprès de lui, Laban, qui considérait la vertu de cet homme et comprenait qu’il ne réussirait pas autrement à le dominer et à le persuader, employa la ruse et lui donna Lia, avec Zelpha pour servante. Lorsque le juste lui fit ensuite des reproches et lui demanda pourquoi il l’avait trompé ainsi, il lui donna une excuse spécieuse. Car Jacob lui ayant dit : Pourquoi m’avez-vous fait cela ? n’est-ce pas pour Rachel que je vous ai servi ? pourquoi m’avez-vous trompé? (29,25) Que lui répondit Laban ? Ce n’est pas la règle dans cette contrée de marier la cadette avant l’aînée. Accomplissez donc aussi sept années pour elle, et je vous la donnerai pour récompense des travaux que vous aurez encore accomplis pendant sept ans. (26-27) Vous le voyez, sa ruse lui réussit. Voyant l’amour de Jacob pour cette jeune fille, il lui dit : Ne pensez pas que je vous aie fait tort. C’est, dans notre pays, la coutume de marier d’abord l’aînée ; c’est pourquoi la chose s’est passée ainsi. Vous obtiendrez celle que vous souhaitez, si vous me servez pour elle le même nombre d’années. Le juste ayant entendu ce langage accepta tout de bon cœur, et, après ces sept années[1], Laban lui donna sa fille Rachel pour femme.
3. Vous voyez que, là encore, les noces s’accomplissent avec une parfaite convenance. Ne vous troublez pas si vous entendez qu’il reçut l’aînée, puis la cadette, et ne jugez pas ce qui se passait alors par ce qui a lieu aujourd’hui. Alors, en effet, à l’origine du monde, il était toléré d’avoir deux ou trois épouses et même davantage, afin de multiplier le genre humain ; mais maintenant, depuis que, par la grâce de Dieu, il s’est multiplié, la vertu aussi a reçu sa croissance. Le Christ est venu ; il a implanté la vertu parmi les hommes ; il les a faits, en quelque sorte, d’hommes devenir anges, et il a aboli cette ancienne coutume. Voyez-vous maintenant qu’il ne faut pas objecter une coutume ancienne, mais chercher en tout ce qui est salutaire ? Vous le voyez, on abolit une coutume fâcheuse : il n’est plus permis de l’objecter. Ne vous obstinez donc jamais, je vous en conjure, à suivre une coutume, mais cherchez ce qui est salutaire et ne nuit point à vos âmes ; que ce qui est honnête se pratique parmi vous, quand ce ne serait pas la coutume ; et s’il y a quelque chose de funeste, fût-ce un usage, il faut s’en détourner et le fuir.
Et il donna à Jacob Rachel avec Balla pour servante. Vous avez compris cette sublime simplicité de mœurs ? Point de troupeaux d’esclaves : point de codicilles, ni de contrats, point de ces ridicules précautions : si telle chose arrive, si telle chose se produit. Chez nous, avant même d’être unis, ceux qui ne savent pas s’ils vivront seulement jusqu’au soir, se hâtent de consigner par écrit ce qui devra se faire dans un avenir éloigné : si le conjoint meurt sans enfants, s’il meurt ayant des enfants, et autres stipulations semblables. Rien de pareil ici : le père a marié ses filles, en donnant une servante à chacune.
Or dit l’Écriture, Jacob aimait Rachel plus que Lia, et il servit Laban sept années encore. Parce que dès l’abord il l’avait aimée à cause

  1. Il semble que l’orateur ait été trompé par sa mémoire, lorsqu’il dit que Laban ne donna Rachel à Jacob qu’après les sept autres années de service. Le texte hébreu, la Vulgate et les Septante, portent que Rachel fut donnée pour épouse à Jacob sept jours après sa sœur Lia, à la condition qu’il servirait son beau-père pendant encore sept ans.