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de sa femme. Et ceux entre lesquels devait subsister indissoluble le lien de la concorde, ceux qui doivent être une seule chair ( car, dit l’Écriture, ils seront deux en une seule chair Gen. 2,2), seront divisés comme s’ils étaient séparés par le fer. Le démon, entrant chez eux, y exerce de tels ravages, que des guerres et des combats journaliers s’ensuivent, et que leurs maux ne trouvent aucune trêve. Et qui pourrait exprimer les mépris des serviteurs, le rire des voisins, les indignités qui se produisent. Comme dans la discorde des pilotes, les passagers partagent les périls, et le navire doit sombrer avec tous ceux qu’il porte, de même ici, lorsque l’époux et l’épouse sont en lutte, le reste de la maison doit partager leurs maux. Ces maux, je vous conjure donc de les prévoir, afin de ne pas vous laisser conduire par la coutume ; car je sais que beaucoup s’en font une excuse contre nous et ne peuvent supporter nos discours ; mais nous devons pourtant vous dire ce qui est salutaire, pour vous sauver des châtiments à venir. Là où l’âme éprouve un tel dommage pourquoi m’objecter la coutume ? Et moi aussi je vous objecte une coutume meilleure, celle des temps primitifs, où pourtant la vraie religion était moins répandue. Et ne croyez pas que je parle du juste Jacob ; pensez à Laban encore adonné au culte des idoles, ignorant la religion, et qui cependant montre une telle sagesse. Cette louable conduite, en effet, n’est pas celle du futur époux, mais du père qui lui donne sa fille. Aussi en abordant ce discours, ai-je voulu m’adresser moins aux époux qu’aux parents, au père de l’époux et à celui qui lui donne sa fille. N’est-il pas absurde que nous, chrétiens, objets d’une telle bonté de la part de Dieu, nous, appelés à des mystères redoutables et ineffables, nous soyons au-dessous de Laban, qui servait encore les idoles ? N’entendez-vous pas Paul nous dire que le mariage est un mystère et l’image de la charité que le Christ a témoignée à son Église ? Ne nous dégradons pas nous-mêmes et ne flétrissons pas la dignité du mariage. Si mon conseil est bon et utile, fût-il contraire à la coutume, suivez-le ; si ce que vous pratiquez est nuisible et désastreux, fût-ce la coutume, qu’il disparaisse. Si nous cédions à l’autorité de la coutume, le voleur, le plus infâme débauché, celui qui fait profession d’un vice quelconque nous alléguerait cette autorité. Mais l’on n’en tirera nul avantage et l’on n’obtiendra nulle indulgence ; on sera sévèrement repris de n’avoir pas su s’élever au-dessus d’une coutume perverse.
2. Si nous voulons veiller sur nous-mêmes et nous préoccuper grandement de notre salut, nous saurons nous tenir éloignés des mauvaises coutumes et en acquérir de bonnes. Nous léguerons ainsi à ceux qui nous suivront une grande facilité pour entrer dans la même voie, et nous-mêmes nous recevrons une récompense pour leurs bonnes actions. Car – celui qui ouvre l’entrée de la bonne voie sera la cause du bien accompli par d’autres, et il recevra double récompense pour le bien qu’il aura fait lui-même et pour avoir conduit les autres à la pratique de la vertu. Ne m’opposez pas ces froids et ridicules discours, que telle est la loi du monde et qu’il faut la suivre. Ce n’est point la ce qui fait un mariage légitime ; ce qui le fait, c’est de s’unir, conformément aux lois divines, avec modestie et dignité ; c’est de se tenir attachés 'par la concorde. Les lois humaines ne l’ignorent pas ; écoutez ceux qui sont versés dans cette science vous dire que c’est la communauté habituelle de vie qui constitue le mariage. Ne violons donc pas à la fois les lois de Dieu et celles des hommes ; ne leur préférons pas ces lois diaboliques et cette coutume funeste ; car cette loi a pour auteur celui qui se réjouit toujours de notre perte. Quoi de plus ridicule que cette coutume de soumettre le mari et sa femme aux quolibets, aux railleries sans fin de serviteurs et de misérables, sans que personne les reprenne, mais de donner pleine licence à chacun, durant la soirée des noces, de tout dire et d’accabler d’indécentes plaisanteries les nouveaux époux ? Un autre jour, si quelqu’un tentait de les injurier, il y aurait pour lui des tribunaux, des prisons, des jugements ; mais dans un moment où la pudeur, la décence, la pureté devraient surtout être respectées, c’est alors que l’impudeur règne partout ; ce, sont bien les ruses du démon qui ont produit cette coutume. Mais ne vous offensez pas, je vous en conjure. Ce n’est pas sans motif que j’ai fait cette digression, c’est par zèle pour votre salut, et pour la décence ; je veux que vous soyez les auteurs d’une heureuse révolution, les introducteurs d’une noble coutume, Que l’on donne seulement l’impulsion et que la voie soit ouverte ; peu à peu, l’un étant noblement et louablement jaloux de l’autre, vous deviendrez l’objet des