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d’Esaü contre Jacob. Rébecca dit ensuite à Isaac : La vie m’est devenue à charge, à cause des filles de Chet qu’Esaü a épousées ; si Jacob épouse une fille de ce pays-ci, que me fait la vie ? (Id. 46)
3. Voyez comme elle trouve habilement un prétexte honnête. C’est que, quand la grâce d’en haut travaille avec nous, le difficile devient facile ; ce qui était lourd, devient léger. Rébecca avait Dieu pour elle, et c’est lui qui inspirait à cette mère tout ce qui pouvait servir à l’établissement futur, au salut de son fils. La vie, dit-elle, m’est devenue à charge à cause des filles de Chet, qu’Esaü a épousées ; si Jacob épouse une fille de ce pays-ci, que me fait la vie ? Ces paroles me semblent flétrir les mœurs des épouses d’Esaü, qui étaient pour la famille du patriarche, un grand sujet de chagrin. En effet, la divine Écriture, parlant d’Esaü, nous a dit plus haut, qu’ il avait pris des épouses parmi ceux de Chet et d’Eva ; ces femmes querellaient Isaac et Rébecca. (Gen. 26,31, 35) Elle veut donc lui rappeler ces causes d’ennui ; c’est comme si elle lui disait : Vous savez combien les épouses d’Esaü m’ont rendu la vie amère ; quelle aversion j’éprouve, à cause d’elles, pour toutes les filles du pays de Chet ; à cause d’elles, toute cette nation m’est odieuse ; donc, s’il arrive que à son tour, prenne une épouse dans cette nation, désormais que puis-je espérer ? Que me fait alors la vie ? Si, à ces épouses insupportables, Jacob vient ajouter encore une épouse, prise parmi les filles de cette nation, tout est perdu pour nous. A ces mots, le patriarche, connaissant la malignité de ces femmes : Isaac ayant donc appelé le bénit, dit le texte, et lui fit ce commandement : Ne prenez point, lui dit-il, une femme d’entre les filles de Chanaan, mais allez en Mésopotamie, dans la maison du père de votre mère, et épousez une des filles du frère de votre mère. (Gen. 28,1-2) Ces paroles ne lui suffisent pas : il veut qu’il entreprenne son voyage avec ardeur, et il verse encore sur lui ses bénédictions : Mon Dieu vous bénira, il accroîtra et multipliera votre race, et vous serez le chef de plusieurs peuples, et il vous donnera, à vous, la bénédiction d’Abraham, mon père, à vous et à votre race après vous, et il vous donnera la terre où vous demeurez comme étranger, qu’il a promise à Abraham. (Id. 3, 4) Voyez ce juste, lui prédisant tout l’avenir ; quelles bonnes provisions de voyage il lui donne, et quelles consolations ; il lui prédit son retour, la possession de la terre, qui sera son héritage ; il lui prédit que, non seulement sa race se multipliera, mais qu’il sera le chef de plusieurs peuples ; que des peuples nombreux sortiront de lui. Quand il eut entendu ces paroles, son fils accomplit ses ordres, et partit pour la Mésopotamie, se rendant chez Laban, le frère de sa mère ; et lorsque Esaü apprit, à son tour, cette seconde bénédiction donnée à Jacob par son père, et l’ordre qu’il en avait reçu de ne pas épouser une fille des Chananéens, et ce voyage en Mésopotamie, il voulut comme corriger sa faute et apaiser son père. Il alla, dit le texte , vers la maison d’Ismaël, et, outre les femmes qu’il avait déjà, il épousa une fille d’Ismaël, fils d’Abraham.
Avez-vous bien compris, mes bien-aimés, la prudence avec laquelle la plus affectueuse des mères arrache son fils Jacob au danger ; l’adresse avec laquelle elle imagine un prétexte, pour son voyage, sans révéler la méchanceté d’Esaü, sans que le père puisse en soupçonner la cause réelle ? Et, en même temps, comme elle donne à son fils un bon conseil, de telle sorte que la crainte le détermine à suivre sa pensée ; et, en même temps, le père entend alléguer un motif plausible ; il s’ensuit que le juste, déterminé par ces paroles, munit Jacob de sa bénédiction comme d’un viatique et le congédie.
Maintenant, s’il vous est agréable, et si vous n’êtes pas fatigués, voyons comment Jacob accomplit son voyage. Ne méprisons pas le fruit que nous pourrons recueillir ici de notre attention. En effet, la vie des hommes justes est tout un enseignement de sagesse. Voyez donc ce jeune homme, qui n’est pas encore sorti de la maison paternelle, qui, jusqu’à ce moment, n’a pas la moindre idée d’un voyage, ne s’est jamais trouvé en pays étranger, n’a jamais supporté d’épreuve ; voyez-le, qui se met en route, et comprenez l’excellence de sa sagesse. Jacob étant sorti du Puits du serment, s’en alla à Charran, et, étant venu en un certain lieu, comme il voulait s’y reposer, après le coucher du soleil, il prit une des pierres qui étaient là, et la mit sous sa tête, et s’endormit dans ce même lieu. (Id. 10-11).
Voyez-vous la sagesse au-dessus de toute expression ? Voyez-vous cette manière de voyager,