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que je l’ai fait votre seigneur, puisque je lui ai assujetti tous ses frères, et que mes prières ont demandé pour lui l’abondance de toutes les choses nécessaires. Que me reste-t-il encore ? Esaü lui répartit : N’avez-vous donc, mon père, qu’une seule bénédiction ? bénissez-moi, moi aussi. (Id. 38) Comme il a entendu son père qui lui disait : Je lui ai donné ma bénédiction, et il sera béni ; comme Isaac lui a révélé toutes les conséquences de la bénédiction, alors il lui dit : Bénissez-moi, moi aussi, mon père ; n’avez-vous donc qu’une seule bénédiction ? Est-ce que vous ne pouvez pas me bénir, moi aussi ? moi que vous aimez tant, moi votre premier-né, moi que vous avez envoyé à la chasse ? Ces paroles touchèrent son père. Isaac était, touché, dit le texte ; Esaü jetait de grands cris avec des sanglots. Il vit son père confondu, ne pouvant ni ne voulant révoquer ce qui avait été fait, et il cria, et il pleura, pour toucher son père de plus en plus. Isaac eut pitié de lui et lui dit : Votre bénédiction sera dans la graisse de la terre, et dans la rosée du ciel qui vient d’en haut ; vous vivrez de l’épée ; vous servirez votre frère, et le temps viendra que vous secouerez son joug, et que vous vous en délivrerez (Id. 39, 40) Puisque, dit-il, vous aussi, vous voulez ma bénédiction, apprenez qu’il n’est pas possible d’agir contre la volonté divine ; mais je demande pour vous, par mes prières, que vous jouissiez de la rosée du ciel sachez que vous vivrez dans les combats, car vous vivrez de l’épée, vous servirez votre frère.
5. Maintenant, que personne ne s’étonne à ce récit, en voyant, bientôt après, son frère qui s’en va errant, par suite de la crainte qu’il lui inspire, et se dirigeant vers une terre étrangère. Il ne faut pas conclure de ce début, que la prédiction ne s’accomplira pas. En effet, quand le Seigneur fait une promesse ; quels que soient les obstacles qui semblent d’abord en contrarier les effets, nous ne devons pas nous troubler, car il est impossible que les promesses soient vaines jusqu’à la fin. Ce qui arrive, c’est pour que les justes, glorifiés par tous les moyens, rendent plus manifeste, à tous les yeux, l’abondance de la vertu du Seigneur. Cette réflexion s’applique à chacun des hommes justes ; vous la verrez toujours confirmée, si vous lisez attentivement l’histoire de chacun d’eux. C’est ce qui est manifeste maintenant encore. Ne vous arrêtez pas à considérer que tout d’abord il prend la fuite ; mais réfléchissez sur la gloire qui viendra plus tard. Voyez au bout d’un certain temps, ce frère aîné, main tenant si terrible, lui montrer toute espèce de respect et de vénération. Considérez quel excès de gloire a été son partage, après les épreuves qu’il a subies sur une terre étrangère ; c’est à ce point que ses enfants sont devenus une multitude, qui a donné son nom, son nom glorieux à tout un peuple. Maintenant la divine Écriture, voulant nous montrer l’indignation d’un frère qui roulait des pensées homicides ; Esaü, dit le texte, haïssait Jacob à cause de cette bénédiction qu’il avait reçue de son père. Et ce qui nous montre que ce n’était pas simplement une colère soudaine, c’est l’expression de l’Écriture qui marque l’excès de la malignité : haïssait, dit le texte, c’est-à-dire persistait dans la haine, à ce point que le sentiment caché au fond de son cœur, le texte l’exprime par ces paroles : Et il disait dans son cœur : Le temps de la mort de mon père viendra, et alors je tuerai mon frère Jacob. (Id. 41) En vérité, la colère n'(st pas moins folle que le délire. Voyez comme ce démon jette ses victimes dans le délire, les prive absolument de la raison, leur persuade de faire tout le contraire de ce que leur conseillent les yeux. Ils ne voient rien ; ils ne font rien d’une manière raisonnable, on dirait qu’ils n’ont plus ni sens ni jugement. Ainsi, ceux qui sont en colère, ne reconnaissent pas les personnes présentes ; ne se souviennent ni de leurs parents, ni de leurs amis, ni de leurs connaissances, ni de ce qu’ils se doivent à eux-mêmes, ni de quoi que ce soit ; la colère les subjugue, ils tombent dans le précipice. Qu’y a-t-il de plus misérable que ces vaincus, que ces captifs de la colère, qui se hâtent de courir au meurtre ? Voilà pourquoi le bienheureux Paul, pour extirper la racine de ce mal, fait entendre ces conseils : Tout emportement, toute colère, tout cri, doit, ainsi que toute malice, être banni d’entre vous. (Eph. 4, 31) Non seulement, dit-il, je ne veux pas que vous vous échauffiez, que vous vous mettiez en colère, mais je ne veux pas que vous fassiez entendre des cris, en parlant à votre prochain ; car le cri est l’enfant de la colère. Quand ce mal s’éveille dans l’intérieur de notre être, quand le cœur se gonfle, dès ce moment la langue ne fait plus entendre de paroles paisibles ; la violence de la passion se manifeste, et l’on crie en parlant au prochain. Donc ce bienheureux Paul, voulant, par ses conseils, assurer à ceux qui l’écoutent,