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bénira, soit comblé de bénédictions ! Voilà la couronne de la bénédiction ; voilà la somme de tous les biens, être béni. Avez-vous bien compris la clémence de Dieu ? Celui qui avait craint de recevoir la malédiction, au lieu de la bénédiction, non seulement emporte tout le trésor des bénédictions de son père, mais la malédiction est prononcée contre ceux qui tenteraient de le maudire. Apprenons par là, que celui qui disposé de ce qui – lui appartient, d’une manière conforme à la volonté de ; Dieu, est assuré du secours d’en haut, à tel point que sa volonté devient un fait qui se réalise. Qui n’admirerait pas l’ineffable disposition de la sagesse divine, qui ne permet pas qu’Esaü revienne de la chasse avant le dénouement de cette histoire, avant que Jacob se soit retiré, riche de toutes les bénédictions de son père ; c’est ce qu’a voulu nous montrer Moïse, en ajoutant : Et après qu’Isaac eut fini de bénir et après que Jacob fut sorti, ayant quitté Isaac son père, voici qu’Esaü, son frère, revint de la chasse. (Id. 30)
4. Voyez comme aussitôt après la sortie de l’un, l’autre arrive, et il n’y a pas là un simple hasard. La providence a voulu qu’il apportât, sans se douter de rien, sa chasse à son père, et que ce fût de son père qu’il apprît tout ce qui s’était passé. Car s’il eût rencontré son frère, peut-être qu’il l’eût tué, cédant à sa fureur ; car si, plus tard, il a pu avoir cette pensée, à bien plus forte raison, au moment même, eût-il essayé de commettre le crime. Mais il y avait là la main de Dieu, qui conserva le plus jeune des deux frères ; c’est Dieu qui le rendit digne de la bénédiction, et qui priva l’autre, et de la bénédiction et du droit d’aînesse. Esaü arriva, dit le texte, et il apprêta sa chasse, et il l’apporta à soit père, et il lui dit : Levez-vous, mon père, et mangez de la chasse de votre fils, afin que vous me donniez votre bénédiction. (Ibid, 31) Voyez le nouveau trouble qui confond, ici, l’esprit de l’homme juste ; car, en entendant ces paroles, Isaac lui dit : Qui êtes-vous ? Et il lui répondit : Je suis votre fils aîné Esaü. (Id. 32) Voyez l’orgueil qu’il montre en ce moment ; il ne lui suffit pas de dire : Je suis Esaü, mais il ajoute : Votre fils aîné. Isaac fut frappé d’un profond étonnement, et il dit : Quel est donc celui qui m’a déjà apporté ce qu’il avait pris à la chasse, et qui m’a fait manger de tout, avant que vous vinssiez, et je lui ai donné ma bénédiction, et il sera béni. (Id. 33) Voyez la perplexité dans laquelle se trouve l’homme juste. Il raconte le fait, et il ajoute, avec une rigueur qui blesse le cœur de l’autre : Et je lui ai donné ma bénédiction, et il sera béni. C’était Dieu lui-même qui faisait parler la langue de l’homme juste. Il fallait que l’autre, parfaitement renseigné sur ce qui s’était passé, fût bien persuadé qu’il ne lui servirait de rien, ni de son droit d’aînesse, ni de sa chasse. Esaü, à ces paroles de soie père, dit le texte, jeta un grand cri, plein d’amertume. (Id. 34) Qu’est-ce que cela veut dire, Un grand cri, plein d’amertume ? Il montra son indignation, la colère dont il était saisi à cette nouvelle, au-delà de toute expression. Et il lui dit : Donnez-moi aussi votre bénédiction, mon père ; Isaac lui répondit : Votre frère est venu me surprendre, et il a reçu la bénédiction qui vous était due. (Id. 35) Votre frère, dit-il, vous a devancé, et il s’est emparé de toute la bénédiction, de tous les privilèges qui l’accompagnent. Et ce qui vous prouve que la grâce d’en haut a coopéré à la ruse, qui a trompé l’homme juste, ce sont les paroles mêmes dont il se sert pour avouer le fait : Votre frère est venu me surprendre. On dirait qu’il s’excuse auprès de son fils, qu’il veut lui donner des explications ; c’est à mon insu que je lui ai départi les bénédictions ; j’étais prêt à en répandre sur vous l’abondance ; mais voilà qu’ il est venu me surprendre et il a reçu la bénédiction qui vous était due : Ce qui vous était préparé, il l’a pris ; ce n’est pas de ma faute. C’est avec raison, dit Esaü, qu’il a été appelé c’est-à-dire supplantateur, car voici la seconde fois qu’il m’a supplanté ; il m’a déjà enlevé mon droit d’aînesse, et maintenant il me dérobe la bénédiction qui m’était due. (Id. 36) Ce n’est pas à tort, dit-il, qu’il porte ce nom de qui signifie en effet supplantateur ; il a bien prouvé qu’il l’était, en me privant, et de mon droit d’aînesse et de ma bénédiction. Que dit maintenant Esau à Isaac ? Ne m’avez-vous pas réservé, à moi aussi, une bénédiction, mon père ? Isaac lui répondit : Sachez, dit-il, que j’ai versé sur lui toutes les bénédictions. Je l’ai établi votre seigneur. (Id. 37) Voyez-le lui annoncer, dès ses premières paroles, la servitude et la sujétion. Je l’ai établi votre Seigneur et j’ai assujetti à sa domination tous ses frères ; je l’ai affermi dans la possession du blé et du vin, et, après cela, que ferai-je pour vous, mon fils ? Il ne me reste plus rien, puisque