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D’où vous vient cette crainte, que vous inspire le juste, quand vous le voyez montrer tant de douceur envers ceux qui l’attaquaient ? C’est qu’il y a un juge incorruptible} la conscience, qui les a réveillés, lui leur a montré toute leur perversité envers l’homme juste. Voilà pourquoi ils ont peur ; et la peur ne leur laisse pas voir qu’ils se contredisent : Afin que vous ne nous fassiez aucun tort, dit le texte, comme nous n’avons rien fait pour vous offenser. Pourquoi donc m’avez-vous chassé ? mais le juste ne leur demande aucune explication, et il ne redresse aucune de leurs paroles. Et comme, dit le texte, nous vous avons bien traité, vous ayant laissé aller en paix, comblé de la bénédiction du Seigneur. Vous voyez qu’ils redoutaient la vengeance d’en haut ; ils savaient bien que, si l’homme juste, plein de douceur, ne se vengeait pas du mal qu’ils lui avaient fait, Celui qui le protégeait, d’une manière si manifeste, demanderait des comptes à ses persécuteurs. Par ces raisons, ils apaisent l’homme juste ; ils tiennent à faire un pacte avec lui, et en même temps qu’ils se justifient du passé, ils cherchent à se mettre en sûreté pour l’avenir. Isaac leur fit donc un festin, dit le texte, et ils mangèrent, et ils burent ensemble, et ils se levèrent le matin et l’alliance fut jurée départ et d’autre, et Isaac les congédia et les laissa s’en retourner. (Id. 30, 31) Voyez la bonté de l’homme juste : aucun désir de vengeance ne se montre dans ses paroles ; et, non seulement il oublie ce qu’ils lui ont fait, mais il leur offre une généreuse hospitalité. Isaac leur fit donc un festin, et ils mangèrent, et ils burent ensemble. Ce festin prouve assez qu’il oublie le mal qu’ils lui ont fait ; et Isaac les congédia, dit le texte, et les laissa s’en retourner. La divine Écriture nous montre par là, qu’ils étaient venus saisis d’une grande frayeur, remplis d’inquiétudes, et que c’était, pour ainsi dire, afin de, garantir leur propre conservation, qu’ils avaient eu hâte de venir, de s’excuser auprès de l’homme juste. Voyez-vous comme il est vrai de dire, que rien n’est plus fort que la vertu ; qu’il n’y a pas de pouvoir supérieur à celui que soutient la force d’en haut ? Ensuite le texte ajoute : Le même jour, les serviteurs d’Isaac s’en allèrent, creusèrent un puits, et dirent : Nous n’avons pas trouvé d’eau, et il appela ce puits le Serment ; et il appela l’endroit, le puits du Serment, et le nom s’est conservé jusqu’à ce jour. (Ibid, 32, 33) Vous voyez, ici encore, un lieu qui prend son nom des événements qui s’y sont passés : Comme on creusa un puits sans y trouver de l’eau, le jour que l’on 6t le serment, on appela le lieu le puits du Serment, afin de conserver le souvenir du fait qui s’y était passé. Voyez-vous comment ce juste, qui né reçut pas l’éducation de la loi, qui n’a pu se proposer pour modèle aucun homme vertueux, mais qui a suivi les traces de son père, qui n’a écouté que la conscience, ce maître naturel que nous portons en nous, a montré la perfection de la sagesse ? Toutes ces actions n’indiquaient pas seulement la douceur de cette âme juste ; il y a plus, sa conduite réalisait les préceptes du Christ. Vous savez les préceptes, les conseils que le Christ adressait à ses disciples, il leur disait de ne pas aimer seulement ceux qui les aiment, mais de prouver leur affection à leurs ennemis. (Mt. 5,44) Et c’est ce que pratiquait ce juste, un si grand nombre d’années auparavant ; et il exerçait généreusement l’hospitalité envers ses persécuteurs acharnés, et il bannissait de son âme tout désir de vengeance.
Quelle sera donc notre excuse, à nous qui, après la grâce, après tant d’enseignements, instruits par les préceptes du Sauveur, ne pouvons pas atteindre à la mesure de ce juste, et que dis-je, à sa mesure ? Nous ne pouvons même pas approcher de lui ; la malice aujourd’hui déborde partout, à tel point que c’est pour nous chose rare, même d’aimer ceux qui nous aiment. Quelle espérance de salut pouvons-nous donc avoir, si nous ne valons pas des publicains, ainsi que l’a dit le Christ : Si vous n’aimez que ceux qui vous aiment, quelle récompense en aurez-vous ? Les publicains ne le font-ils pas aussi? (Mt. 5,46) Le Christ veut, puisqu’il veut nous voir au faîte de la vertu, que nous soyons supérieurs aux publicains, mais nous, nous nous appliquons à rester au-dessous. Et que dis-je, au-dessous des publicains ? au-dessous des brigands et de ceux qui pillent les sépulcres ; au-dessous des meurtriers. En effet, tous ceux-là chérissent ceux dont ils sont aimés, et souvent même pour ceux qu’ils chérissent, ils bravent tous les périls. Quelle condition serait donc plus misérable que la nôtre, si après avoir, éprouvé de si grands effets de la miséricorde du Seigneur, nous étions trouvés inférieurs à ceux qui commettent des crimes sans nombre ? Donc, je