Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 5, 1865.djvu/356

Cette page n’a pas encore été corrigée

montre comment il s’est attaché le patriarche, au point qu’il ne dédaigne pas de s’appeler le Dieu d’Abraham, au point que lui, le Seigneur et Créateur de l’univers, s’appelle le Dieu d’un seul homme, non qu’il veuille réduire à ce seul patriarche tout son empire, mais parce qu’il veut témoigner son affection singulière pour lui ; je me le suis attaché, dit-il, j’en ai fait ma propriété, à ce point qu’à lui seul, il semble compenser tous les autres ; par cette raison, je multiplierai votre race à cause d’Abraham votre père. Je lui dois, dit-il, de grandes récompenses pour son obéissance envers moi ; donc, à cause de lui, Je multiplierai votre race. En même temps, il remplit le juste de confiance, et, en prononçant le nom de son père, il provoque en lui le vif désir de reproduire la vertu paternelle. Or, après avoir reçu les promesses de tant de biens, il éleva un autel en ce lieu, dit le texte, et il invoqua le nom du Seigneur, et il y dressa sa tente. (Id. 25) Qu’est-ce à dire : Il éleva un autel en ce lieu-là? Il rendit, dit le texte, des actions de grâces au Seigneur qui avait montré tant de sollicitude pour lui, Et les serviteurs d’Isaac creusèrent là un puits ; le juste enfin vécut là en toute sécurité ; car Celui qui avait dit : Je suis avec vous, et je vous bénirai, et je multiplierai votre race, Celui-là même le, glorifia, et le rendit plus grand aux yeux de, tous. Eh bien ! voyez donc cet Abimélech, qui entreprit de le chasser, et qui lui dit : Retirez-vous d’avec nous ; maintenant, c’est lui qui va trouver le patriarche. En effet, dit le texte : Abimélech, et le chef du gynécée, et le général de son armée vinrent, et Isaac leur dit : Pourquoi êtes-vous venus vers moi, vous qui m’avez haï et m’avez chassé loin de vous ?  (Id. 26, 27) Voyez, je vous en prie, la douceur du juste ; à l’aspect de ceux qui l’avaient forcé à fuir, qui l’avaient poursuivi avec tant de haine, et qui viennent maintenant auprès de lui, comme des suppliants, il ne les reçoit pas avec orgueil ; la vanité n’égare pas son âme, la pensée des choses que Dieu lui a dites, ne l’enivre pas-; on ne le voit pas superbe de la force du Seigneur, s’élever contre le roi ; c’est toujours la même mansuétude, la même affabilité ; il leur dit : Pourquoi êtes-vous venus vers moi, vous qui m’avez haï, et m’avez chassé loin de vous? Pourquoi, leur dit-il, avez-vous pensé à venir me trouver, moi que vous avez chassé, moi que vous avez haï ? Ils lui répondirent : Nous avons vu que le Seigneur est avec vous et nous avons dit : faisons entre nous et vous une alliance qui sera jurée de part et d’autre, afin que vous ne nous fassiez aucun tort, comme nous n’avons rien fait pour vous offenser, et comme nous vous avons bien traité, vous ayant laissé aller en paix, comble de la bénédiction du Seigneur. (Id. 28, 29).
4. Voyez la force de la douceur, la puissance de la vertu. Ceux qui d’abord l’avaient chassé viennent maintenant trouver ce voyageur, cet homme qui n’appartient à aucune ville, ce vagabond, et non seulement ils se justifient de ce qui est arrivé, ils lui demandent de leur pardonner leurs torts, mais ils proclament la vertu de l’homme juste ils montrent la peur qu’ils éprouvent, ils avouent leur faiblesse, ils portent un témoignage de la grande puissance de l’homme juste. En effet, quoi de plus fort que celui qui a Dieu avec lui ? Nous avons vu, dit le texte, que le Seigneur est avec vous. D’où vous est venu cette science ? assurément, répondent-ils, les faits mêmes nous instruisent ; nous vous avons vu, vous, chassé plus fort que ceux qui vous chassaient ; vous, tourmenté ; supérieur à ceux qui vous tourmentaient ; et la suite des événements nous a fait comprendre que vous jouissiez du secours d’en haut. C’est l’œuvre de la divine sagesse, que leur pensée ait été frappée des mérites du juste, et qu’ils aient acquis cette connaissance. Car, puisque le Seigneur est avec vous, faisons entre nous et vous, une alliance, qui sera jurée. Voyez comme l’impulsion de la conscience les réduit vite à s’accuser eux-mêmes, sans que personne les y contraigne, ni leur reproche ce qu’ils ont fait. Car, si vous n’aviez pas commis une injustice, pourquoi demanderiez-vous au juste de faire avec vous une alliance ? Mais telle est la conduite ordinaire de l’homme injuste ; chaque jour sa conscience le ronge, et dans le silence de l’offensé, ceux qui ont commis l’injustice, croient qu’il lui est dû une réparation par le châtiment. Ce sont des angoisses de chaque jour, et les méchants semblent se condamner eux-mêmes à la punition de leurs fautes. C’est dans cette pensée qu’ils disent : Faisons, entre nous et vous, une alliance, qui sera jurée. Ils expliquent ensuite quelle sera cette alliance : Afin que vous ne nous fassiez aucun tort, comme nous n’avons rien fait pour vous offenser. Voyez la contradiction où les jette la crainte qui trouble leur esprit : Afin que vous ne nous fassiez aucun tort.