Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 5, 1865.djvu/353

Cette page n’a pas encore été corrigée

rendu la terre fertile, est le même qui fait en ce moment que la semence produit le centuple ; il lui envoie des biens en si grande abondance, que le juste n’a besoin de rien, et en même temps il prouve aux autres par des faits sensibles, de quelle grande faveur l’homme juste est comblé par la grâce d’en haut. C’est en effet la conduite ordinaire du Tout Puissant, du Dieu plein de sagesse : les bienfaits qu’il répand sur les siens, lui servent à prouver, à ceux qui sont encore dans l’erreur, quelle est sa providence et son pouvoir. C’est ce qu’il fit plus tard, en Égypte encore : aux Égyptiens il infligeait des supplices ; pour les Israélites, il les conservait hors de toute atteinte. Ainsi l’Égypte apprenait, non seulement par l’indignation du Dieu qui la punissait, la puissance de l’artisan qui a fait toutes choses, mais aussi par la sollicitude, dont il donnait tant de marques aux Israélites. Et maintenant ceux-ci, pour apprendre combien ils étaient chers à Dieu, n’avaient pas seulement les preuves tant répétées de sa Providence, de sa sollicitude pour son peuple, mais aussi tant de fléaux qui, chaque jour, tombaient sur leurs tyrans. Et c’est ainsi que, par les mêmes moyens, Dieu révélait, et à ses serviteurs et à ses ennemis, la grandeur de sa puissance. Il n’est pas jusqu’aux éléments qui ne s’emploient pour servir ceux qui ne sont également que des serviteurs, lorsque Dieu a résolu de montrer à ces serviteurs, sa bienveillance ; et c’est ce qui arrive à ce juste. La terre montre une fécondité qu’elle n’a pas autre part ; pour obéir au Dieu de l’univers, elle de vient si fertile qu’elle fait tout à coup régner la richesse et l’abondance dans la maison d’Isaac. Et le Seigneur le bénit, dit le texte. Et l’homme s’élevait et grandissait en puissance, jusqu’à ce qu’il fût devenu tout à fait grand. (Id. 12, 13) C’est parce que la richesse des justes consistait alors dans la fertilité de la terre, dans la multitude des troupeaux, c’est pour cela que le texte dit Et le Seigneur le bénit, et l’homme s’élevait, c’est-à-dire devenait riche ; non pas d’une richesse ordinaire, mais, dit le texte, il grandissait en puissance, jusqu’à ce qu’il fut devenu tout à fait grand. Considérez, en effet, ce que c’était que de recueillir, pour ses semences, le centuple. Que si cela vous paraît étonnant, considérez ce due la clémence infinie de Dieu nous a fait voir, avec le progrès des temps. Aux hommes qui pratiquent la vertu, ce qu’il promet, depuis son avènement parmi nous, ce n’est plus le centuple seulement, c’est la vie éternelle, c’est la possession du royaume des cieux. Comprenez-vous la libéralité du Seigneur ? Comprenez-vous l’accroissement des bienfaits ? Comprenez-vous quelles largesses accompagnent l’avènement du Fils unique de Dieu, quelle ineffable révolution il a opérée ? Donc, que chacun de nous, méditant ces pensées en lui-même, et comprenant la différence entre les promesses faites aux anciens hommes avant la grâce, et celles qui nous sont faites aujourd’hui, depuis la grâce, glorifie encore à ce titre l’immensité de la miséricorde divine, et se garde bien de tout attribuer à la diversité des temps. Mais il convient de reprendre la suite de notre discours, pour voir comment les habitants de Gérara, jaloux des richesses qui abondaient chez l’homme juste, s’efforcèrent de le chasser de leur pays. En effet, dit le texte, ces richesses excitèrent l’envie des Philistins. (Id. 14) La divine Écriture, voulant ensuite montrer comment ils manifestèrent leur envie, ajoute : Tous les puits que les serviteurs d’Abraham avaient creusés de son vivant, ils les bouchèrent et les remplirent de terre. (Id. 15)
Considérez la méchanceté des gens qui habitaient ce pays ; les voilà, qui refusent de l’eau à l’homme juste ; et le roi, qui avait un si grand pouvoir, ne put pas réprimer cette jalousie, mais il dit : Retirez-vous d’avec nous, parce que vous êtes devenu beaucoup plus puissant que nous. (Id. 16) Quel délire ! Pourquoi chasses-tu le juste ? T’a-t-il fait aucun mal ? T’a-t-il fait quelque tort ? Mais voilà ce qu’est l’envie ; toujours déraisonnable. II aurait fallu, puisqu’on voyait ce juste en si grande faveur auprès du Dieu de l’univers, s’attacher de plus en plus à lui ; l’honorer, afin que par les honneurs qu’on lui aurait rendus, on s’attirât à soi-même la divine faveur. Ce roi, non seulement ne l’entend pas ainsi, mais il essaye de le chasser, et il lui dit : Retirez-vous d’avec nous, parce que vous êtes devenu beaucoup plus puissant que nous. C’est la conduite ordinaire de l’envie ; elle ne peut voir avec complaisance le bonheur des autres ; le bonheur du prochain parait à l’envieux un malheur personnel, et il se dessèche quand il voit l’abondance d’autrui : c’est ce qui arrive en cette occasion. En