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récompenses beaucoup plus belles encore, qui vous seront décernées en considération de la vertu de votre père, et pour votre propre obéissance. Et ne descendez pas en Égypte, mais demeurez ici. Avez-vous bien compris la miséricorde de Dieu ; cette manière de rappeler la vertu du père, pour fortifier l’âme du fils ? Isaac demeura donc à Gérara. (Id. 6) Voyez, il lui arrive de courir à peu près les mêmes dangers que son père ; car, comme il habitait à Gérara : Les habitants de ce pays-là lui demandant qui était Rébecca son épouse, il leur répondit : C’est ma sœur (Id. 7), parce qu’il avait peur que les gens de ce pays ne le missent à mort, à cause de la beauté de son épouse. De crainte, dit le texte, que les hommes de ce pays ne le fissent mourir à cause de Rébecca, parce qu’elle était belle. Il se passa ensuite beaucoup de temps, et, comme il demeurait toujours dans le même lieu, il arriva qu’Abimélech vit Isaac qui se jouait avec Rébecca sa femme, et il l’appela et lui dit : Est-ce que c’est votre femme ? Pourquoi donc avez-vous dit que c’est votre sœur? (Id. 8, 9) Convaincu par des preuves, le juste ne dissimule plus la vérité ; il la confesse, et il explique pourquoi il l’appelait sa sœur. En effet, dit le texte, j’ai eu peur qu’on ne me fit mourir à cause d’elle. C’est la crainte de la mort qui m’a fait tenir cette conduite. Peut-être aussi avait-il appris que son père avait, pour sauver ses jours, recouru au même moyen ; et il fit ce qu’avait fait son père. Mais le roi, se souvenant encore de ce que lui avait valu, au temps du patriarche, l’enlèvement de Sara, s’amende aussitôt et lui dit : Pourquoi avez-vous fait cela ? peu s’en est fallu que quelqu’un de nous n’ait été reposer auprès de votre épouse, et vous nous auriez fait tomber dans l’ignorance. (Id. 10) Cette ruse, dit-il, nous l’avons jadis expérimentée de la part de votre père ; et aujourd’hui si nous ne nous étions arrêtés à temps, vous nous auriez fait tomber dans l’ignorance ; c’est-à-dire, autrefois nous avons été sur le point de pécher par ignorance, et aujourd’hui encore, vous avez presque été cause que nous allions commettre un péché d’ignorance. Or Abimélech fit cette défense à son peuple : Tout homme qui touchera cet homme-là, ou sa femme, sera puni de mort. (Id. 11) Voyez la providence de Dieu ; voyez le soin ineffable. Car celui qui avait dit : Ne descendez pas en Égypte, habitez dans cette terre, et je serai avec vous, c’était lui qui disposait tous ces événements ; qui assurait au juste, une si grande sécurité. Considérez, en effet, le soin que prend le roi, pour qu’il n’ait rien à craindre, pour qu’il soit affranchi de toute inquiétude. C’est de la mort qu’il menace, dit le texte, quiconque le touchera, lui ou son épouse. En effet, c’était cette crainte, la crainte de la mort, entendez bien, qui avait ébranlé son âme ; pour cette raison, le Seigneur miséricordieux l’en délivre, pour qu’il vive ensuite dans une parfaite sécurité. Et voyez quel sujet d’étonnement et d’admiration ! comment cette sagesse industrieuse tourne toutes choses à sa volonté, découvre en dehors de tout chemin frayé, la voie qui lui convient, et, dans les obstacles mêmes, dans les difficultés qui la contrarient, les circonstances de nature à procurer le salut de ses serviteurs. De là vient que ce roi montre tant d’intérêt pour l’homme juste. Il lui sert comme de héraut, devant tous ceux qui habitent le pays ; il annonce sa gloire, tous les honneurs, tout le culte dont il faut l’entourer. C’est ainsi que Nabuchodonosor, après avoir jeté les trois jeunes gens dans la fournaise, après avoir éprouvé par la réalité des faits la vertu de ses prisonniers, se met à célébrer leurs louanges, et sa langue devient partout l’instrument de leur gloire. C’est par là que se manifeste, au plus haut degré, la puissance de Dieu ; il fait que ses ennemis mêmes célèbrent ses serviteurs. Ce furieux qui avait ordonné d’embraser cette fournaise, voyant que la vertu des trois jeunes gens, grâce au secours d’en haut, triomphait des flammes, le voilà soudain converti, il crie d’une voix bruyante : Serviteurs du Dieu Très-Haut. (Daniel, 3,26) Voyez, il exalte non seulement leur élévation, mais aussi le Seigneur Dieu de l’univers : Serviteurs, dit le texte, du Dieu Très-Haut, sortez. Que s’est-il donc passé ? N’est-ce pas vous qui les avez livrés à la torture ; n’est-ce pas vous qui avez allumé cette fournaise si ardente ? Sans doute, dit-il ; mais ce que je vois maintenant est étrange, prodigieux. Voici que l’élément s’oublie ; des liens mystérieux l’enchaînent, et le feu obéissant, n’ose pas même toucher leurs cheveux. Ce qui montre qu’il y a ici quelque chose qui surpasse la nature humaine, l’œuvre ineffable d’une puissance divine qui s’intéresse au plus haut point à ces jeunes gens. Avez-vous bien compris cette miséricorde de Dieu, qui n’abandonne jamais ses serviteurs, tout en permettant qu’on les jette dans la fournaise,