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23), évidemment par la bouche du prêtre Deux nations sont dans vos entrailles. Il faut que vous sachiez que, dans un autre passage, la divine Écriture appelle le prêtre, un ange, montrant par là que le prêtre dit ce que lui inspire la grâce de l’Esprit-Saint.
Donc le Seigneur lui dit, par la bouche du prêtre : Deux nations sont dans vos entrailles, et deux peuples, sortant de votre sein, se diviseront l’un contre l’autre ; l’un de ces peuples surmontera l’autre peuple, et l’aîné sera assujetti au plus jeune. (Id. 23) Voyez la prophétie qui lui prédit manifestement tout l’avenir. En effet, les enfants qui sautaient, qui s’agitaient dans son sein, de mouvements désordonnés, lui révélaient, dès ce moment, tout, d’une manière parfaitement claire ; et, dès ce moment, la mère apprit non seulement qu’elle mettrait au monde deux enfants, mais que de ces enfants sortiraient des peuples, que le plus jeune assujettirait l’aîné. Et lorsque ensuite vint l’enfantement, celui qui sortit le premier, dit le texte, était roux et tout velu comme une peau d’animal, et il fut nommé Esaü. Et ensuite sortit son frère, et il tenait, de sa main, le talon d’Esaü. C’est pourquoi il fut nommé Jacob. (Id. 25) Dès le commencement Dieu fait presque voir que le plus jeune, conformément à la parole, dominera l’aîné. En effet, le texte dit qu’il tenait par la main le talon d’Esaü, ce qui était la marque de la supériorité promise sur celui qui paraissait le plus fort. Et considérez comme la divine Écriture se hâte d’annoncer l’avenir, comme, dès le commencement, elle nous montre les goûts de chacun des deux frères : l’un adonné à la chasse ; l’autre, cultivant les champs, homme simple, se renfermant dans sa demeure. Aussi, Rébecca chérissait Jacob ; Isaac, de son côté, chérissait Esaü, Parce qu’il mangeait de ce qu’Esaü prenait à la chasse. (Id. 28) Voyez la distinction établie entre les enfants : la mère montrait plus d’amour pour Jacob, parce qu’elle le voyait simple, retiré à l’a maison ; le père, de son côté, chérissait Esaü, et parce que c’était le premier-né, et parce qu’il mangeait de sa chasse. Telles étaient les dispositions des parents, suivant l’impulsion de la nature. Cependant peu à peu s’accomplissait la prophétie, celle qui disait : L’aîné sera assujetti au plus jeune. Voyez en effet tout de suite. Jacob, dit le texte, ayant fait cuire de quoi manger, Esaü revint des champs bien fatigué, et il dit à Jacob : Donne-moi de ce mets roux, parce que je suis fatigué. C’est pour cette raison qu’il fut depuis nommé Edom, c’est-à-dire roux. Et Jacob lui dit : Cédez-moi votre droit d’aînesse. (Id. 29, 30, 31) Or, celui-ci répondit : Que me servira ce droit d’aînesse quand je me sens mourir, si je ne prends pas de nourriture. (Id. 32) Mais Jacob exigeait un serment pour qu’il n’y eût pas à revenir sur la cession. Et, dit le texte, Esaü lui fit le serment. (Id. 33)
2. Voici donc maintenant l’ordre naturel interverti, la dignité de l’aîné passe à celui qui l’emportait par la vertu Et, dit le texte, Esaü vendit son droit d’aînesse, c’est-à-dire que, pour de la nourriture, il vendit le privilège que la nature lui avait donné. Aussi le texte ajoute : Et Esaü se mit peu en peine de son droit d’aînesse. (Id. 34) Comme si l’Écriture disait : l’insensé ne méritait pas le rang qu’il devait à la nature. Or, tout cela n’arriva que pour montrer la démence de cet aîné des deux frères, et pour accomplir l’oracle de Dieu.
Instruits par cet exemple, sachons apprécier toujours les dons du Seigneur ; n’abandonnons pas, pour des objets sans valeur et méprisables, ce qui est grand et précieux. Pourquoi, voyons, répondez-moi, quand on nous propose le royaume du ciel et tant de biens ineffables, pourquoi ce désir insensé des richesses, pour, quoi préférer de fugitives jouissances, qui souvent ne durent pas jusqu’au soir, au bonheur durable, impérissable, éternel ? Quoi de plus détestable que ce délire, qui nous prive des biens d’en haut, à cause de notre trop d’amour pour ceux d’ici-bas, et qui ne nous laisse jamais la pure jouissance même de ces biens de la terre ? Quelle est enfin, je vous en prie, l’utilité des grandes richesses ? Ignorez-vous que l’accroissement de, la fortune n’est qu’au accroissement de soucis, d’inquiétude, qui chasse le sommeil ? Ne voyez-vous pas que ces riches sont surtout, à vrai dire, des esclaves ; d’autant plus esclaves que la fortune leur vient avec plus d’abondance ? Et, chaque jour, il leur suffit de leur ambre pour les faire trembler ; car c’est de là que naissent les trames perfides, l’envie, les haines, et tant d’autres malheurs sans nombre. Et souvent vous voyez celui qui possède dix mille talents d’or, enfouie et cachés, envier le bonheur de l’ouvrier qui doit sa nourriture au travail de ses mains. Quel est donc le plaisir, quel est donc le profit des richesses, puisque nous n’en jouissons pas, et