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m’envoyez chercher ne veut pas venir avec émoi ? Eh bien ! que dit le juste ? Il refuse, et prononce ces paroles : Gardez-vous bien de ramener jamais mon fils en ce pays-là. (Id. 6) Vous n’aurez pas besoin d’y penser ; car Celui qui m’a fait tant de promesses, qui m’a dit que ma race se multiplierait, Celui-là prendra soin aussi de faire réussir cette affaire. Ne conduisez donc pas mon fils dans ce pays-là. Le Seigneur Dieu du ciel, qui est aussi le Dieu de la terre… (Id. 7) Voyez comme, en liant son serviteur par le serment, il l’instruit, il lui fait connaître le Créateur de tous les êtres, et comme en ce moment, sur le point de renouveler ses prières, il se sert des mêmes paroles. Toutes ses expressions ont pour but de faire que son serviteur se mette en voyage plein de confiance en Dieu, assuré que tout réussira. En effet, il lui apprend quelle grande bienveillance Dieu lui a témoignée dès le commencement ; Dieu qui l’a fait venir de sa patrie, qui l’a gouverné jusqu’à ce jour, qui, dans une vieillesse si avancée, lui a donné Isaac, fera réussir encore les événements qui ne sont pas accomplis. Le Seigneur, dit-il, le Dieu du ciel et de la terre, qui m’a tiré de la maison de mon père et du pays où je suis né, Celui qui m’a parlé en me disant : Je donnerai ce pays à vous et à votre race ; Celui qui m’a montré tant de, bienveillance et d’intérêt enverra lui-même son ange devant vous, afin que vous preniez une femme de ce pays-là pour mon fils. Partez donc, lui dit-il, avec confiance, car j’ai la certitude que Celui qui, jusqu’à ce jour, m’a comblé de tant de bienfaits, ajoutera encore, à tant de preuves de sa bonté passée, une autre preuve, et enverra son ange devant vous. C’est lui-même, dit-il, qui vous préparera la voie en toutes choses, qui vous fera connaître l’épouse, de telle sorte que vous reveniez ici avec elle. Que s’il arrive, loin de moi cette pensée, que l’épouse refuse devenir ici, vous serez dégagé de votre serment. Seulement, ne ramenez jamais mon fils en ce pays-là. (Id. 8) Je ne fais aucun doute que Dieu ne vous accorde que tout réussisse. Il montre toute sa confiance en la puissance du Seigneur, en défendant à son serviteur de conduire son fils dans l’autre pays. Ensuite, après avoir donné ses ordres avec tout ce soin et prévenu les inquiétudes de son serviteur, car celui-ci avait peur qu’en ne remplissant pas sa commission, il ne devînt parjure : Ce serviteur, dit le texte, mit donc sa main sous la cuisse d’Abraham, son maître, et s’engagea par serment à faire ce qu’il lui avait ordonné (Id. 9), c’est-à-dire à ne pas conduire Isaac dans cet autre pays. Avez-vous bien, vu comment, tout d’abord, ce serviteur a montré son affection envers son maître ? Voyez maintenant comment, instruit par le patriarche, il a grandi clans la vertu et a imité la piété du juste et son culte pour Dieu. En même temps, dit le texte, il prit dix chameaux du troupeau de son maître ; il porta avec lui de tous ses biens, et, s’étant mis en chemin, il alla droit en Mésopotamie, en la ville de Nachor. Etant arrivé, sur le soir, près d’un puits hors de la ville, au temps où les filles avaient accoutumé de sortir pour puiser de l’eau, et, ayant fait reposer ses chameaux, il dit : Seigneur, Dieu d’Abraham, mon maître… (Id. 10-12) Voyez la vertu de l’esclave ; il nomme le Seigneur de l’univers en disant le nom du patriarche. En effet, il dit : Seigneur, Dieu d’Abraham, mon maître, vous qui l’avez comblé de tant de bienfaits… Et qu’y a-t-il d’étonnant que le serviteur l’appelle ainsi : le Dieu d’Abraham ? Ce Dieu de toutes les créatures, montrant lui-même combien il estime la vertu des justes, dit : Je suis le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob. (Ex. 3,6) Et il dit : Seigneur, Dieu d’Abraham, mon seigneur, assistez-moi aujourd’hui ; et faites miséricorde à Abraham, mon seigneur ; comme s’il disait : Faites que ses désirs s’accomplissent, faites que tout succède au gré de ses vœux, faites miséricorde à Abraham, mon maître. Qu’est-ce à dire Faites miséricorde ? Que ses vœux soient accomplis. Ensuite il dit : Me voici près de cette fontaine ; et les filles des habitants de cette ville vont sortir pour puiser de l’eau. Faites que la fille à qui je dirai : Baissez votre vase afin que je boive, et qui me répondra : Buvez, et je donnerai aussi à boire à vos chameaux, soit celle que vous avez destinée à Isaac, votre serviteur. Et je connaîtrai par là que vous aurez fait miséricorde à mon seigneur Abraham. (Gen. 13, 14) Voyez la sagesse du serviteur : il connaissait l’hospitalité du patriarche ; il était juste que la nouvelle épouse fût douée des mêmes vertus que lui. Pour la reconnaître, il ne veut aucun autre caractère que celui de l’hospitalité, et il dit : Si, quand je lui demanderai de l’eau, elle baisse son vase et non seulement m’accorde ce que je demande, mais encore me montre la générosité de son âme ;