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un séjour étranger. Et en vérité, quelque grande que soit la distance, le transport est facile. Car ceux qui transporteront, sont tout prêts, et le transport présente toute garantie ; et les richesses sont mises en réserve dans un trésor que nul ne peut piller ; quelle que soit la fortune que nous enverrons devant nous, par les mains de ceux à qui nous nous serons confiés, je dis les mains des pauvres ; ce sont eux qui reçoivent nos dons pour les mettre dans les réserves du ciel. Eh bien donc ! puisqu’il y a à la fois facilité si grande et sécurité complète, que tardons-nous ? Pourquoi ne pas nous appliquer, de toutes nos forces, à mettre notre fortune en réserve où elle nous sera le plus nécessaire ? Voilà pourquoi ce patriarche habite la terre de Chanaan, comme un pays qui lui est étranger : Il attendait cette cité bâtie sur un ferme fondement : de laquelle Dieu même est le fondateur et l’architecte. Si nous voulons imiter ce juste, nous aussi, nous la verrons cette cité, et nous irons dans le sein du patriarche ; car la communion dans les œuvres, procure aussi la communion dans la jouissance. Mais reprenons, s’il vous est agréable, la suite de notre discours, et voyons, après la mort de Sara, quel soin vigilant le juste prit de son fils, je parle d’Isaac. Voici ce que nous dit la divine Écriture : Abraham était vieux et fort avancé en âge, et le Seigneur l’avait béni en toutes choses. (Gen. 24,1) Pourquoi ce que nous dit la divine Écriture ? C’est que le patriarche était fort préoccupé de faire venir, pour Isaac, une épouse. En effet, dit le texte Quand Abraham fut parvenu au terme de la vieillesse, voulant détourner Isaac d’une alliance avec les Chananéens, l’empêcher de prendre une épouse parmi eux, il appela, dit le texte, un de ses serviteurs ; le plus doué de sagesse, et lui confia cette affaire, en disant : Mettez votre main sous ma cuisse. (Id. 2) Le texte grec porte sous ma cuisse ; le texte hébreu sous mes reins ; et pourquoi ? c’était l’habitude des anciens, parce que Isaac avait pris de là son origine. Et pour vous apprendre que c’était alors un usage, remarquez qu’il lui commande de mettre la main en cet endroit, et qu’aussitôt il ajoute : Afin, dit le texte, que je vous fasse jurer par le Seigneur, le Dieu du ciel et de la terre. Voyez comme il apprend à son serviteur à reconnaître le créateur de tous les êtres. En effet, celui qui dit : le Dieu du ciel et de la terre, comprend toutes les créatures. Or, quel était ce serment ? Que vous ne prendrez aucune des filles des Chananéens, parmi lesquels j’habite, pour la faire épouser à mon fils ; mais que vous irez dans mon, pays, où sont mes parents, afin d’y prendre une femme pour mon fils Isaac. (Id. 3, 4) Avez-vous compris ce – que recommande le patriarche à son serviteur ? Mais, ne vous contentez pas d’entendre la Parole pour l’acquit de votre conscience ; méditez sur la pensée de l’homme juste, sur ce qu’il se propose ; remarquez que les anciens ne recherchaient pas une grande fortune, ni les richesses ; ni les esclaves, ni tant et tant d’arpents de terre, ni la beauté extérieure, mais la beauté de l’âme et la noblesse des mœurs. Comme il voyait la malignité de ceux qui habitaient dans la terre de Chanaan ; comme il connaissait l’importance, pour l’époux, de trouver une femme douée des mêmes mœurs que lui, le patriarche prescrit à son serviteur, et il y ajoute le serment, d’amener, pour épouse à Isaac, une femme du pays de ses parents. Et ni la distance des lieux, ni les autres difficultés ne ralentissent ses soins ; il sait combien la chose est nécessaire, et il y applique tout son zèle, et il envoie son serviteur. Il n’est pas étonnant, d’ailleurs, que le patriarche, ne cherchant que la vertu de l’âme, ayant horreur de la malignité de ses voisins, tienne cette conduite. Mais, aujourd’hui, on n’y penserait même pas ; quels que soient les vices qui pullulent autour de vous, on ne se soucie que de l’abondance de l’argent ; tout le reste vient après, et l’on ne sait pas que la perversité de l’âme, quand même les richesses vous inondent à flots, produit bientôt la dernière indigence, et que l’opulence ne sert de rien, sans la sagesse qui en fait un bon usage.
3. Mais notre patriarche prit soin de donner à son serviteur ses instructions, et il exigea de lui le serment. Voyons maintenant la sagesse du serviteur, comment il rivalisa de piété avec son maître. Quand il vit que l’homme juste lui donnait cette commission, sur laquelle il insistait si fortement, il lui dit : Si la fille ne veut pas venir en ce pays-ci avec moi, voulez-vous que je ramène votre fils au lieu d’où vous êtes sorti ? (Id. 5) Voulez-vous, dit-il, si quelque difficulté se, présente ; que je ne sois pas exposé à enfreindre vos ordres ? Je vous demande ce qu’il faudra que je fasse. Vous plaît-il qu’Isaac s’en aille au lieu où je dis, et revienne, après y avoir trouvé une épouse, si l’épouse que vous