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montrant toujours que c’est avec ardeur, avec empressement, avec un zèle jaloux, qu’il veut accomplir ce qui est agréable à Dieu. Il savait bien ce qu’avait d’étrange, d’inouï, l’action qu’il devait accomplir lui-même ; que jamais personne avant lui n’avait rien fait de pareil. Il cache l’action à ses serviteurs : Il les laisse donc avec l’ânesse : Attendez ici, nous ne ferons qu’aller jusque-là, mon fils et moi, et après avoir adoré, nous reviendrons vers vous. (Id. 5) Il parlait ainsi, dans l’ignorance de ce qui allait arriver, mais il est certain qu’il fit une prophétie, sans le savoir peut-être. Il parlait à ses esclaves, peut-être pour les tromper, pour les faire rester là ; mais plus tard, le patriarche se retrouva là avec l’enfant. Or, Abraham prit le bois de l’holocauste et le mit sur Isaac, son fils ; il prit en ses mains le feu et le couteau, et ils marchèrent eux deux ensemble. (Id. 6) O force d’âme ! ô solidité d’esprit ! Et il mit, dit le texte, sur Isaac le bois du sacrifice ; et lui, il prit le glaive et le feu, et ils allèrent eux deux ensemble. De quels yeux regardait-il l’enfant portant le bois sur lequel il allait tout à l’heure l’immoler ? Comment sa main a-t-elle pu porter le feu et le glaive ? Sa main portait le feu visible, mais le feu intérieur embrasait son âme, dévorait son cœur, lui persuadait que son amour pour Dieu triompherait, et lui inspirait cette pensée, que celui qui déjà, d’une manière supérieure à la nature humaine, l’avait fait père, pourrait encore opérer présentement des choses qui surpassent la raison humaine. Considérez donc désormais, je vous en conjure, plus que ce feu sensible, l’incendie intérieur qui peu à peu devenait de plus en plus ardent, et enflammait l’âme du juste. Or, Isaac dit à Abraham son père : Mon père. (Id. 7) Ce mot seul, c’était assez pour déchirer les entrailles de l’homme juste. Abraham lui répondit : Que voulez-vous, mon fils ? Tu appelles père celui qui tout à l’heure n’aura pas de fils ; et moi j’appelle mon fils, celui qui tout à l’heure va être mis sur l’autel, que je vais égorger de mes propres mains. Ensuite l’enfant dit : Voici que vous portez le feu et moi le bois, où est la victime à immoler ? Où est la brebis pour l’holocauste? Considérez ici, je vous en prie, la torture de l’homme juste ; comment a-t-il supporté d’entendre ces paroles ? Comment a-t-il eu la force de répondre à son enfant ? Comment n’a-t-il pas été confondu ? Comment a-t-il pu cacher, ne pas révéler tout de suite, à son enfant, ce qui allait arriver ? Au contraire, avec une pensée forte, une âme virile : Le Seigneur fournira la victime pour l’holocauste, mon fils. (Id. 8) Voyez-le, ici encore, à son insu, prophétiser ce qui doit arriver. Sa réponse semblait faite pour tromper Isaac. C’était toutefois présentement, ce qu’il fallait pour le satisfaire ; mais quelle vive et poignante douleur ne souffrit-il pas, ce père qui cherchait les paroles dans sa pensée, qui considérait la beauté de son enfant, la beauté extérieure, la grâce intérieure aussi, la beauté de son âme, son obéissance, digne objet d’amour, tout cela dans cette fleur de jeunesse ! Et ils vinrent tous les deux ensemble à l’endroit dont Dieu lui avait parlé. (Id. 9) Ils vinrent, dit le texte, au haut de la montagne que le Seigneur lui avait indiquée. Et là, Abraham dressa un autel. Me voilà encore frappé d’une admiration qui me stupéfie, à voir le courage du juste ; comment il a eu la force de construire l’autel, comment il a eu assez d’énergie, comment il n’a pas défailli dans ce terrible combat. Au contraire, il a construit l’autel, et sur l’autel, il a mis le bois. Il lia ensuite Isaac, son fils, le mit sur l’autel, et Abraham étendit la main, et prit le couteau pour immoler son fils. (Id. 10)
Ne passons point ici à la légère, mes bien aimés, attention à la parole. Considérons, méditons ; comment son âme ne s’est-elle pas envolée de son corps ; comment, de ses propres mains a-t-il pu lier et sur le bois placer son enfant chéri, si digne d’amour, son fils unique ? Et Abraham, dit le texte, étendit la main, et prit le couteau pour immoler son fils. O piété ! ô courage ! ô persistance de l’amour ! ô raison victorieuse de la nature humaine ! Il prit, dit le texte, le couteau, pour immoler son fils. Qui doit le plus ici exciter notre admiration, nous frapper de stupeur ? Le courage du patriarche, ou l’obéissance de l’enfant ? Il ne lutte pas pour échapper, il ne se plaint pas, il se laisse faire, il obéit à son père, c’est un agneau paisible qu’on met sur l’autel, et l’enfant attend, doucement résigné, la main de son père. Mais une fois que cette âme, tout entière à Dieu, a montré sans aucune défaillance la consommation de toutes les vertus, la bonté du Seigneur se révèle et prouve qu’il n’a pas voulu la mort de l’enfant ; qu’il a voulu bien plutôt manifester la vertu de l’homme juste. Au juste la couronne, pour le zèle de sa volonté ; le