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le tenta ; il ne voulut pas l’éprouver ; mais Dieu voulait, et que les hommes du temps d’Abraham, et que tous ceux qui se succéderaient, depuis ce temps jusqu’à nos jours, apprissent, par l’exemple du patriarche, à montrer le même amour, la même obéissance aux préceptes du Seigneur. Et, dit le texte, il lui dit : Abraham, Abraham, Abraham lui répondit : Me voici. Que veulent dire ces deux, Abraham, Abraham ? Grande preuve de la bienveillance du Seigneur pour le patriarche. Il lui montrait d’ailleurs, par la manière de l’appeler, qu’il avait à lui communiquer un ordre important. Donc, pour le rendre plus attentif, il l’appelle deux fois, et il lui dit : Abraham, Abraham. Et Abraham lui dit : Me voici. Et Dieu lui dit : Prenez Isaac votre fils chéri, que vous chérissez, Isaac, et allez sur la hauteur et offrez-le en holocauste sur une des montagnes que je vous montrerai. (Id. 2) Il était lourd à porter le poids d’un tel ordre ; voilà qui surpasse la force humaine : Prenez votre fils chéri, que vous chérissez, Isaac. Voyez comme ces paroles allument, activent le feu du bûcher, la fournaise de l’amour, que le juste éprouvait pour son Isaac : Prenez votre fils chéri, que vous chérissez, Isaac. Chacun de ces mots, tout seul, suffisait pour déchirer l’âme du juste. Dieu ne dit pas simplement, Isaac, mais il ajoute votre fils ; que, contre toute attente, vous avez engendré ; que vous avez pu avoir dans votre vieillesse ; chéri : votre enfant aimé, que vous chérissez si tendrement, Isaac que vous attendez, comme votre héritier ; dont je vous ai promis que sortirait votre race, qui se multiplierait tant, qu’elle égalerait en nombre la multitude des étoiles, et les grains de sable, le long du rivage de la mer. Eh bien, c’est lui-même : Prenez-le, et allez sur la hauteur, et offrez-le en holocauste sur une des montagnes que je vous montrerai. On s’étonne comment le juste a pu supporter d’entendre ces paroles : Eh bien, c’est lui-même, dit Dieu, votre fils tant désiré ; offrez-le en sacrifice sur une des montagnes. Que fait alors le juste ?Son esprit n’est pas troublé ; sa pensée n’est pas confondue ; il n’hésite pas un seul instant devant un commandement qui devait le frapper de stupeur ; il ne fait pas de réflexion, de raisonnement : Qu’est-ce que cela veut dire ? Celui qui, contre toute attente, m’accorde généreusement une postérité ; qui, n’écoutant que sa propre bonté, a vivifié ce qui était mort, la stérilité de Sara ; maintenant que l’enfant a été nourri de son lait, a grandi, est dans la fleur de l’âge, voilà qu’il me commande de le tuer, de l’offrir en sacrifice lorsqu’il y a peu de moments encore, il me disait : C’est de lui que sortira la race qui doit porter votre nom ; il me donne maintenant des ordres contraires. Et comment s’accompliront ces promesses ? Comment se peut-il qu’en coupant la – racine, on voie se propager les rameaux ; qu’en abattant l’arbre, on en tire des fruits ; qu’en desséchant la source, on fasse jaillir des fleuves ? Selon la raison humaine, de telles choses sont impossibles ; mais tout est possible à la volonté de Dieu.
2. L’homme juste d’ailleurs ne fit aucune de ces réflexions. Comme un sage serviteur, supprimant tout raisonnement humain, il ne prit soin que d’une chose, d’accomplir, de réaliser le commandement. Et comme devenu étranger à la nature humaine, persuadé que les préceptes divins doivent prévaloir sur toute affection, sur tout amour, il se hâtait d’accomplir les ordres de Dieu. Abraham, dit le texte, se leva donc avant le jour, prépara son ânesse, prit avec lui deux jeunes serviteurs, et Isaac son fils, et ayant coupé le bois qui devait servir à l’holocauste, il s’en alla vers l’endroit où Dieu lui avait dit de se rendre. Il y fut le troisième jour. (Id. 3) Voyez la clémence du Seigneur ; comme ce long espace à franchir, lui sert à éprouver la vertu de l’homme juste. Méditez, considérez, dans cette longue durée de trois jours, ce que dut supporter l’homme juste, pensant en lui-même, qu’il lui était ordonné de tuer, de ses propres mains, ce fils tant aimé ; de ne révéler cet ordre à personne ; et soyez stupéfiés d’admiration devant tant de piété et de sagesse. Comme il connaissait toute l’étendue de ce commandement, il ne le communiqua à personne, ni aux serviteurs, ni à Isaac lui-même ; il était seul, soutenant en lui-même ce combat, solide comme le diamant, et il demeurait invincible, inébranlable dans ses pensées, sans succomber aux prétextes sans nombre, plein d’amour, plein de zèle, pour obéir au seul signe de Dieu. Quand il fut arrivé à l’endroit : Levant les yeux, dit le texte, Abraham vit le lieu de loin, et il dit à ses serviteurs : attendez ici avec l’ânesse. (Id. 4, 5) voyez encore ici la parfaite sagesse de l’homme juste ; il veut se cacher, même devant ses serviteurs,