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même qu’une première fois, jalouse d’humilier l’orgueil d’Agar, emportée parla colère, elle l’a forcée à prendre la fuite ; de même, ici encore, elle réprime tout de suite la familiarité d’Ismaël, elle ne supporte pas que le fils dont Dieu lui a fait un présent, vive en compagnie du fils de la servante égyptienne ; elle dit à Abraham : Chassez cette servante avec son fils, car le fils de cette servante ne sera point héritier avec mon fils. C’est qu’elle se voyait elle-même tout à fait dans le déclin de l’âge. Le patriarche était arrivé à l’extrême vieillesse (tous les deux, dit le texte, étaient pleins de jours) ; craignant que, s’il venait à mourir tout à coup, Ismaël, né aussi du patriarche, ne voulût s’introduire dans l’héritage, le partager également avec Isaac, elle dit : Chassez cette servante avec son fils. Qu’elle apprenne, dit-elle, dès ce moment, que le fils de la servante n’aura rien de commun avec mon fils Isaac. Il n’est pas juste que le fils de la servante vive avec mon fils, le fils de la maîtresse. Sara, d’ailleurs, n’a pas agi sans motif ; c’est avec raison, et à bon droit, qu’elle a tenu cette conduite, qu’elle a parlé ainsi, et c’est avec tant de raison que Dieu approuva ses paroles. Quant au patriarche, plein de tendresse et d’affection pour Ismaël, il entendait avec chagrin les paroles de Sara. En effet, dit le texte : Ce discours parut dur à Abraham à cause de son fils. Il s’inquiétait peu d’Agar, mais il aimait son fils qui d’ailleurs était déjà grand. Mais considérez, je vous conjure ici, l’admirable clémence de Dieu. Comme il vit que ce qu’éprouvait Sara était conforme à la nature humaine, qu’elle ne pouvait souffrir l’égalité d’honneur entre les fils d’Abraham, et qu’en cela elle avait raison ; qu’Abraham, de son côté, se résignait, avec peine au renvoi d’Ismaël et de la servante (quoiqu’il ne luttât pas contre Sara, parce qu’il avait une grande douceur de caractère, cependant ce renvoi lui paraissait dur, c’est-à-dire pénible ; c’était pour lui le sujet d’une douleur difficile à supporter) ; Dieu enfin, n’écoutant que sa clémence ordinaire, et resserrant, entre les époux, les liens de la concorde, dit à Abraham : Que ce que Sara vous a dit touchant votre fils et votre servante ne vous paraisse point trop rude ; faites tout ce qu’elle vous dira. (Id. 12) C’est-à-dire ne vous affligez pas de ce qu’elle vous a dit, mais faites tout ce qu’elle vous dira.
2. Toutes les paroles, dit Dieu, que Sara vous fait entendre maintenant, au sujet d’Ismaël et d’Agar, acceptez-les et faites ce qu’elle vous dira. N’attristez pas, dit Dieu, celle qui, pendant si longtemps, vous a témoigné tant d’amour ; celle qui, non seulement une fois, mais deux fois, pour vous arracher à la mort, s’est exposée elle-même, et a été la, cause de cette gloire que vous possédez ; c’est à elle que vous devez d’abord tant de trésors que vous avez rapportés à votre retour d’Égypte ; c’est encore à elle que vous devez d’avoir été traité avec tant d’honneur par Abimélech. Donc, ne songez pas à résister à ses paroles, car ce qu’elle veut s’accomplira. Isaac son fils, sera appelé votre sang, et il sera votre héritier. Je ne laisserai pas néanmoins de rendre le fils de votre servante chef d’un grand peuple, parce qu’il est sorti de vous. (Id. 13) Faites donc ce que vous dit Sara ; conformez-vous à ses paroles. Réfléchissez ici, je vous en conjure, quelle concorde, quelle paix bienheureuse s’établit aussitôt sous leur tente, la bonté divine resserrant ainsi le lien qui les unissait. Abraham se leva donc, dit le texte, dès le point du jour, prit des pains et un vase plein d’eau, le mit sur l’épaule d’Agar, lui donna son fils, et la renvoya. (Id. 14) Voyez, ici encore, la rare vertu de l’homme juste, et comme il montre, en toutes choses, la piété de son âme, car ces paroles de Sara : Chassez cette servante et son fils, lui paraissaient dures, parce qu’il avait de la tendresse pour Ismaël ; mais, aussitôt que le Seigneur lui eut donné le commandement, il fit ce qui lui était commandé, oubliant même un amour naturel. On croit l’entendre dire : Dès que le Seigneur commande, que toutes les affections se taisent, parce que c’est le maître de la nature qui commande. Donc quand la servante, dit le texte, eut reçu les pains et le vase d’eau, elle sortit avec son enfant. Remarquez attentivement, je vous en prie, voyez encore comment la bienveillance que Dieu avait pour l’homme juste, s’étend sur cette femme ; jugée digne, elle aussi, de la sollicitude d’en haut. Donc quand elle fut partie, elle errait à travers la solitude, et son eau étant épuisée, ne trouvant aucune consolation : Elle laissa son fils couché sous un arbre. (Id. 15) Ses entrailles étaient déchirées, elle souffrait dans l’excès de son amour pour son enfant. Elle s’assit, dit le texte, à distance de lui, de la portée d’un arc, en disant : Je ne verrai point mourir mon enfant, et