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Dieu, que ce juste passait tant de fois d’un lieu dans un autre ? S’il était resté sous sa première tente, comment tous les habitants de Gérara auraient-ils pu connaître l’insigne crédit dont jouissait le juste auprès de Dieu ? Or ils furent tous saisis d’une grande crainte. Ils étaient pénétrés d’une frayeur qui les rendait fort inquiets de l’événement. Le texte continue : Abimélech manda Abraham. (Id. 9) Considérez la gloire dont le juste jouit ensuite auprès du roi, lui qui, peu d’instants auparavant, était méprisé de tous comme un vagabond, un étranger. Donc, tout le monde est rassemblé, et aussitôt on mande le patriarche, qui ne savait rien et qui apprend ensuite, du roi lui-même, ce que Dieu avait fait pour lui. En effet, Le roi lui dit : Pourquoi nous avez-vous traités de la sorte ? quel mal vous avions-nous fait, pour avoir voulu nous engager, moi et mon royaume, dans un si grand péché ? Vous avez fait faire à notre égard ce que vous n’auriez point dû ; que vouliez-vous en agissant ainsi? (Id. 10) Pourquoi, dit-il, avez-vous voulu me faire tomber dans un si grand péché ? dans quelle pensée avez-vous fait, cela ? voyez comme ces paroles indiquent les menaces que Dieu lui a faites. Car Dieu lui avait dit : Si vous ne voulez point la rendre, sachez que vous serez frappé de mort, vous et tout ce qui est à vous. Ce sont ces paroles mêmes qu’Abimélech interprète en disant Quel mal vous avions-nous fait, pour avoir voulu nous engager, moi et mon royaume, dans un si grand péché ? Est-ce que j’aurais été le seul puni ? tout mon royaume aurait été perdu avec moi, par suite de la tromperie que vous avez faite. Que vouliez-vous en agissant ainsi ? Considérez ici, mes bien-aimés, la prudente de l’homme juste ; comment l’excuse qu’il présente, lui sert à les amener à la connaissance de Dieu. C’est que j’ai dit en moi-même, dit-il, il n’y a peut-être point de crainte de Dieu en ce pays-ci, et ils me tueront pour avoir ma femme. (Id. 11) Comme s’il disait : J’ai été fort inquiet ; j’ai craint que, toujours possédé par l’erreur, vous n’eussiez aucun souci de la justice. Voilà pourquoi j’ai imaginé cette feinte ; c’était pour vous épargner un crime ; de peur que, si vous compreniez qu’elle était mon épouse, saisi d’amour pour elle, vous ne cherchiez à me tuer. Voyez comme ce peu de paroles lui sert à les reprendre, et en même temps, à leur enseigner que celui qui a la pensée de Dieu ne doit commettre aucune injustice, mais redouter l’œil qui ne dort pas, éviter les châtiments dont Dieu menace quiconque ne prend pas le plus grand souci de lâ justice. Le patriarche voulant ensuite se défendre : Ne pensez pas, dit-il, que même en parlant ainsi j’aie menti : En effet, c’est ma sœur du même père que moi, mais non de la même mère ; et elle m’a été donnée pour épouse. (Id. 12) Comme elle a, dit-il, le même père que moi, je l’ai appelée ma sœur ; donc ne me condamnez pas. Sans doute, c’est la crainte de la mort qui m’a réduit à dire ce que j’ai dit ; j’ai eu peur que vous ne me fissiez mourir, à cause d’elle, et que vous ne fassiez d’elle votre possession ; toutefois je n’ai pas menti, même en ce que je vous ai dit. – Voyez quel soin prend le juste pour se disculper ici du mensonge. Et tenez, dit-il, je veux tout vous dire, écoutez le dessein que nous avons concerté entre nous Depuis que Dieu m’a fait sortir de la maison de mon père. (Id. 13) Considérez, je vous en conjure, ici, l’industrieuse sagesse de l’homme juste ; en suivant le fil de son discours, il leur apprend qu’il est, depuis le commencement, particulièrement attaché à Dieu ; que c’est Dieu qui l’a appelé hors de sa patrie, qui l’a amené dans ce lieu ; il veut que le roi sache qu’Abraham est du nombre de ceux qui ont en Dieu la plus grande confiance. Depuis que Dieu, dit-il, m’a fait sortir dé la maison de mon père, je lui ai dit : Vous me ferez cette grâce, dans tous les pays où nous irons, de dire que je suis votre frère. En effet, comme sil avait dit plus haut : J’ai dit en moi-même, il n’y a peut-être point de crainte de Dieu en ce pays, on aurait pu croire qu’il les réprimandait trop sévèrement ; il veut donc adoucir cette parole, et alors il dit : Ne croyez pas que je ne me sois ainsi conduit qu’avec vous. En effet, il s’empresse d’ajouter : Depuis que Dieu m’a fait sortir de la maison de mon père, je lui ai dit : Vous me ferez cette grâce dans tous les pays où nous irons ; dans tous les pays, dit-il, de la terre, pour tous les peuples qui l’habitent, je lui ai fait cette recommandation. Et, en même temps il leur apprend que, dans cette feinte même, il n’y a pas de mensonge ; c’est la crainte de la mort qui nous y a portés. Le juste, par ces paroles, apaisa leur colère, révéla sa vertu, et leur donna une connaissance suffisante de la vraie religion. Donc le roi, respectant la grande douceur de l’homme