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à vous édifier. Mais puisque vous êtes si bien disposés et si éclairés de Dieu même, que vous pouvez, selon la pensée de l’Apôtre, instruire les autres, je vous conjure de travailler à la sanctification de vos âmes, principalement pendant ces jours de jeûne. Et alors vous ne vous lasserez point de m’entendre traiter souvent les mêmes sujets : car, selon le mot de saint Paul, il ne m’est pas pénible, et il vous est avantageux que je vous dise les mêmes choses. (Phil. 3,1) Notre âme, qui est naturellement paresseuse, a besoin d’être sans cesse excitée ; et de même que nous nourrissons chaque jour notre corps, de peur que la faiblesse ne le rende incapable de tout service, nous devons à notre âme une nourriture spirituelle et une sage direction qui lui fasse contracter l’habitude de la vertu, qui la rende victorieuse de ses ennemis et qui la préserve de leurs embûches.
7. Appliquons-nous donc chaque jour à exercer les forces de cette âme, et ne négligeons point l’examen de notre conscience. Tenons comme un registre exact de ce que nous recevons et de ce que nous dépensons : avons-nous toujours parlé utilement et à propos ? ne nous est-il point au contraire échappé quelque parole oiseuse, et nos entretiens ont-ils été utiles ou nuisibles ? Il convient aussi de nous prescrire là-dessus certaines règles et de nous fixer certaines limites, en sorte que toujours la réflexion précède en nous la parole. Quant à notre pensée elle-même, elle doit être si bien dirigée que jamais elle ne s’arrête sur le mal ; et s’il lui arrivait de s’échapper au-dehors par quelques mots peu convenables, nous devons sur-le-champ les condamner comme inutiles et dangereux. Il importe aussi de chasser par une bonne pensée toute impression mauvaise, et d’être bien persuadés qu’il ne suffit pas, pour être sauvés, de jeûner jusqu’au soir. Et en effet le Seigneur, par la bouche du prophète, adressait ces reproches aux Juifs corrompus : Quand vous avez jeûné le cinquième et le septième mois pendant soixante et dix ans, est-ce pour moi que vous avez accompli ce jeûne ? et quand vous avez mangé et quand vous avez bu, n’est-ce pas pour vous que vous avez mangé et que vous avez bu ? Voici donc ce que dit le Seigneur, le Dieu des armées : Jugez selon la justice, et usez de clémence et de miséricorde les uns envers les autres ; n’opprimez point la veuve, ni l’orphelin, ni l’étranger, ni le pauvre, et que nul ne médite dans son cœur le mal contre son frère. (Zac. 7,5, 6… 9, 10)
Mais si le jeûne seul ne servait de rien aux Juifs qui étaient assis à l’ombre de la mort et plongés dans les ténèbres de l’erreur, parce qu’ils n’y joignaient pas la pratique des bonnes œuvres et qu’ils n’arrachaient point de leurs cœurs les pensées mauvaises contre leurs frères, quelle excuse pourrons-nous alléguer, nous qui sommes appelés à une vertu bien plus sublime, nous qui devons et pardonner à nos ennemis et les aimer et leur faire du bien ? Que dis-je ? ce n’est pas encore assez nous devons prier Dieu pour eux et lui recommander leur salut. Ces sentiments de charité et de bienveillance à l’égard de nos ennemis seront notre principale défense au grand jour du jugement, et ils nous obtiendront la rémission de nos péchés. Sans doute l’amour des ennemis est un précepte grand et difficile ; mais si nous considérons quelle récompense est attachée à son exacte observation, il nous paraîtra léger, quelque ardu qu’il soit en lui-même. Et en effet, que nous dit le Sauveur ? Si vous faites cela, vous serez semblables ci votre Père qui est dans les cieux ; et pour mieux nous manifester sa pensée, il ajoute qui fait luire le soleil sur les bons et sur les méchants, et qui fait pleuvoir sur les justes et les injustes. (Mt. 5,45) Ainsi en aimant ses ennemis, on imite Dieu autant que la faiblesse humaine peut le permettre. Car de même qu’il fait luire le soleil sur ceux qui commettent le mal non moins que sur les justes, et qu’il dispense selon les saisons la pluie et la rosée sur les champs de l’homme de bien et du méchant, vous, en aimant non seulement ceux qui vous aiment, mais vos ennemis eux-mêmes, vous vous montrez le digne émule du Seigneur.
Vous voyez donc que l’amour des ennemis nous élève jusqu’au faîte de la vertu. Mais ne vous arrêtez pas, mon cher frère, à ne considérer que la difficulté du précepte ; réfléchissez aussi à l’honneur qui vous en reviendra, et cette pensée vous rendra léger tout ce qu’il renferme de lourd et de pénible. N’est-ce pas une grâce insigne que de trouver, en faisant du bien à son ennemi, l’occasion de s’ouvrir vers Dieu les portes de la confiance, et de racheter ses péchés ? Mais peut-être voulez-vous aujourd’hui vous venger de votre ennemi, et lui rendre avec usure le mal qu’il vous a fait ? eh bien ! quelle utilité en retirerez-