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puni de mort, à cause de la femme que vous avez enlevée, parce qu’elle a un mari. Or, Abimélech ne l’avait point touchée. (Id. 4) Toutes ces choses arrivèrent afin que la promesse de Dieu au patriarche eût son accomplissement. En effet, peu de temps auparavant, il lui avait promis qu’Isaac viendrait au monde, et le temps était proche. Pour que rien ne gênât l’accomplissement de la divine promesse, il frappa Abimélech d’une si grande terreur, que ce roi n’osa point toucher Sara. Voilà pourquoi la divine Écriture a ajouté  : Abimélech ne l’avait point touchée. Lui-même s’en défend et dit : Seigneur, punirez-vous de mort l’ignorance d’un peuple innocent ? Savais-je, dit-il, que c’était son épouse ? Ai-je voulu outrager un étranger ? Quand j’ai enlevé cette femme, ai-je cru lui enlever son épouse ? J’ai pensé la recevoir comme sa sueur, j’ai cru leur faire honneur, à elle et à lui. Punirez-vous donc de mort l’ignorance d’un peuple innocent ? J’ai fait l’action d’un homme juste ; me punirez-vous de mort ? Il explique ensuite sa pensée plus clairement : Ne m’a-t-il pas dit lui-même qu’elle était sa sœur, et elle-même aussi, ne m’a-t-elle pas dit qu’il était son frère ? Voyez, dans la conduite des époux, le consentement parfait : Quelle parfaite concorde ! Lui-même, dit-il, me l’a dit ; elle-même a confirmé ses paroles J’ai fait cela dans la simplicité de mon tueur et sans souiller la pureté de mes mains (Id. 5), dit-il. Je n’ai pas cru faire une mauvaise action, mais une action légitime, permise, irrépréhensible. Que répond à cela le Dieu de bonté ? Dieu lui dit, pendant son sommeil. (Id. 6) Voyez la condescendance du Dieu de toutes les créatures ; voyez comme tout révèle sa bonté : Je sais que vous l’avez fait avec un cœur simple. Je sais, dit-il, qu’eux-mêmes vous ont inventé, pour vous, une histoire, et vous ont trompé par leurs paroles. Je n’ai pas voulu que cette tromperie vous induisît à pécher, c’est pour cela que je vous ai préservé, afin que vous ne, péchiez point contre moi. Quel ménagement dans ces paroles ! Quelle clémence dans le Seigneur ! Le péché, dit-il, aurait rejailli contre moi.
S’il arrive parmi les hommes qu’on fasse injure à un serviteur en grande estime auprès de son maître, le maître prend l’injure pour lui, et dit : C’est moi que vous avez outragé en outrageant mon serviteur. Le traitement qu’on lui fait, on me le fait à moi. La bonté de Dieu tient ici le même langage : Je vous ai préservé, dit-il, afin que vous ne péchiez point contre moi. Ce sont mes serviteurs, dit-il, et si recommandables à mes yeux, que ce qu’on leur fait, on me le fait à moi-même, soit en bien, soit en mal. Voilà pourquoi je ne vous ai pas permis de la toucher. Je m’intéresse à eux tout à fait, et, comme je savais que c’était par ignorance que vous alliez leur faire un outrage, je vous ai préservé afin que vous ne péchiez pas contre moi. Ne regardez pas simplement cet homme comme un homme vulgaire ; apprenez qu’il est de ceux à qui je porte le plus grand intérêt, et qui me sont particulièrement chers. Rendez donc présentement cette femme à son mari, parce que c’est un prophète, et il priera pour vous et vous vivrez. (Id. 6) Voyez comme il proclame la vertu de l’homme juste ; il l’appelle prophète, il fait presque en sorte que le roi se montre son suppliant. En effet, il priera pour vous et vous vivrez. En effet, dit-il, ayant peur d’être tué par vous, il a bâti cette comédie ; il a pour ainsi dire, coopéré à l’outrage préparé à Sara ; mais sachez bien que ses prières vous procureront la vie. Ensuite, de peur qu’Abimélech, embrasé par la concupiscence, vaincu par la beauté de Sara, ne méprise ses commandements, il lui envoie la terreur, il le menace d’un grand châtiment. Si vous ne voulez point la rendre, dit-il, sachez que vous serez frappé de mort, vous et tout ce qui est à vous. Ce n’est pas vous seulement qui expierez votre désobéissance ; mais la mort, à cause de vous, perdra tout ce qui est à vous. Si Dieu choisit le temps de la nuit pour lui adresser toutes ces paroles, c’est afin que l’avertissement reçu pendant l’heure du repos, soit plus efficace ; c’est pour que la crainte le décide à, obéir au commandement. Et en effet, dit le texte, Abimélech se leva aussitôt, appela tous ses serviteurs, et leur dit tout ce qu’il avait entendu.
4. Voyez comme le roi devient le héraut de la vertu de l’homme juste, et le fait connaître à tous. En effet, dit le texte, ayant appelé tous ses serviteurs, il leur raconta tout ce que Dieu lui avait révélé, afin d’apprendre à tous, et la bienveillance de Dieu envers l’homme juste, et tout l’intérêt que Dieu lui portait à cause de ses mœurs et de sa vertu. Or ils furent tous saisis d’une grande crainte. Comprenez-vous maintenant que ce n’était pas sans raison, sans un dessein de