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de soin si nous voulons, après avoir reconnu la vertu que recelaient les profondeurs de l’Écriture, en recueillir une grande utilité. Les vertus de tous les hommes justes ont été consignées par la grâce et par la disposition de l’Esprit-Saint dans les Écritures, pour nous servir de continuel enseignement, pour exciter notre émulation, pour nous porter à conformer notre vie à la vie de ces justes. Écoutons donc la divine Écriture. Que nous raconte-t-elle aujourd’hui de notre patriarche ? Abraham, dit le texte, étant parti de la pour aller du côté du midi, habita entre Cadès et Sur, et il alla à Gérara, pour y demeurer quelque temps. Abraham, dit le texte, étant parti de là. D’où donc ? de l’endroit où il avait fixé sa tente, où il lui fut donné de recevoir le Créateur de tous les êtres, et de recevoir les anges. Étant parti de là, dit le texte : Il alla à Gérara pour y demeurer.
Voyez la manière de vivre de ces justes. Leur mobilier était peu de chose, ils n’admettaient pas le, superflu. Voyez la facilité des transports ; c’étaient des voyageurs,- des pèlerins qui dressaient leurs tentes un jour ici, l’autre jour là, comme on fait en pays étranger. Ils ne nous ressemblaient pas, à nous qui habitons une terre étrangère comme si c’était notre patrie, qui élevons des demeures splendides, et des portiques, et des lieux de promenade, et qui possédons des domaines, bâtissons des bains et mille autres constructions de tout genre. Voyez comment ce juste, dont toute la fortune consistait en esclaves et en troupeaux ; qui ne s’arrêtait jamais dans le même lieu ; qui plantait un jour sa tente à Béthel, un autre jour auprès du chêne de Mambré ; qui un autre jour descendait en Égypte, pose maintenant sa tente dans le pays de Gérara. Et il accepte tout, et dans tout ce qu’il fait se manifeste sa reconnaissance envers le Seigneur. Après tant de promesses que Dieu lui avait faites, il se voit au milieu de si grandes difficultés ; il lui arrive des épreuves variées et diverses ; comme un diamant que rien n’altère, il reste ferme, i1 montre toujours un zèle pieux qu’aucun obstacle ne ralentit. Voyez, en effet, maintenant, mon bien-aimé, quelle épreuve il subit dans le pays de Gérara, et admirez le courage et la vertu du juste. Voyez comme ce qui paraît insupportable à tous, ce que l’oreille même ne voudrait pas entendre, il l’a supporté sans se plaindre, sans demander aû Seigneur compte de ce qui arrivait ; ce que font la plupart des hommes. Et ces hommes sont courbés sous le poids de péchés sans nombre ; pour quelques difficultés qu’ils rencontrent, tout de suite ils murmurent, et leur curiosité inquiète demande pourquoi telle chose ou telle chose est-elle arrivée?-pourquoi telle chose a-t-elle été permise ? Mais ce juste ne tient pas cette conduite ; ce qui lui a valu une plus grande abondance des secours d’en haut. En effet, c’est là le propre d’un bon serviteur de ne pas examiner curieusement ce que fait son maître ; il se` tait, il reçoit tout en le bénissant.
2. Remarquez bien comment les épreuves mêmes qui suivent font éclater plus encore la vertu de l’homme juste, Dieu le glorifiant par tous les moyens. De même que, lorsqu’il descendit en Égypte, il était d’abord inconnu, voyageur, sans que personne sût qui il était, et bientôt, voilà que tout à coup il quitte l’Égypte, et il est comblé d’honneurs ; ainsi maintenant encore, le voilà voyageur dans le pays de Gérara ; il commença d’abord par faire tout ce qui dépendait de lui, et bientôt il reçut de Dieu des secours qui le rendirent si puissant, que le roi du pays et tous les habitants de la contrée rivalisaient d’ardeur pour servir l’homme juste. Or, dit le texte, Abraham dit, parlant de Sara sa femme, qu’elle était sa sœur. Il eut peur en effet de dire que c’était sa femme, de peur que les gens de la ville ne le tuassent à cause d’elle. (Id. 2) Voyez la violence des sentiments qui attaquent l’âme de cet homme juste, la frayeur qu’il éprouve. Et quoique la première appréhension, celle de perdre sa femme, soit une émotion très-forte, cependant la crainte de la mort chasse cette première crainte. Car, pour se soustraire à l’horreur de la mort, il a supporté de voir, de ses propres yeux, la compagne de sa vie tomber dans les mains du roi. Combien cette situation est difficile à supporter, c’est ce que savent ceux qui ont des femmes. D’où vient qu’un sage disait : La jalousie et la fureur du mari ne pardonneront point au jour de la vengeance ; pour aucun prix il ne renoncera à sa haine. (Prou. 6,34, 35) Eh bien ! cette douleur, insupportable pour tous les hommes, voyez comme ce juste l’a supportée, parce qu’il avait horreur de la mort. C’est évidemment ce qui arrive dans les indispositions du corps ; quand deux maladies l’attaquent à la fois, les progrès de l’une font disparaître l’autre ;