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même, pour votre édification, de plus riches présents, et il accroîtra en vous l’intelligence, pour comprendre la parole ; car la grâce de l’Esprit est magnifique ; elle se répand sur tous ; elle ne décroît pas en se partageant ; au contraire, en même temps qu’elle se distribue, elle grandit, et plus est considérable le nombre de ceux qui y participent, d’autant plus considérable est le bienfait communiqué à tous. Eh bien ! donc, si vous voulez, reprenons la suite de nos entretiens ; voyons où nous nous sommes arrêtés, où il convient de recommencer aujourd’hui. Où avons-nous hier amarré notre barque ? Où avons-nous arrêté le cours de l’instruction ? Nous vous parlions de Loth, de l’incendie de Gomorrhe, et nous avons terminé notre discours au moment où le juste fut sauvé dans Ségor. Le soleil se levait sur la terre au même temps que Loth entra dans Ségor. Et alors la colère envoyée de Dieu saisit les habitants de Sodome, opéra la destruction de cette terre, et nous avons vu que la femme de l’homme juste, oubliant les paroles que les anges avaient dites, regarda derrière elle, et – fut changée en statue de sel, laissant aux générations à venir un monument éternel de sa coupable négligence. Il faut aujourd’hui, reprenant la suite de ces événements, vous montrer, en peu de mots, mes bien-aimés, vous montrer encore la charité, la compassion qui animait le patriarche, et la bienveillance de Dieu pour lui. En effet, au lever du soleil, le juste Loth fut sauvé dans Ségor ; ceux de Sodome, au contraire, subirent l’expiation. En même temps le patriarche était saisi de pitié, à la pensée de cette destruction que leur péché leur avait attirée, et il était troublé d’inquiétude pour le sort de l’homme juste ; et le matin, il vint et il regardait ce qui était arrivé. Or, Abraham s’étant levé le matin, vint au lieu où il avait été auparavant avec le Seigneur, et regardant Sodome et Gomorrhe, et tout le pays d’alentour, il vit des cendres enflammées, qui s’élevaient de la terre comme la fumée d’une fournaise. (Id. 27-28) Le texte marque le lieu où il s’était entretenu avec le Seigneur, où il l’avait imploré pour ceux de Sodome ; c’était là qu’il voyait les traces de cet épouvantable châtiment. Et il voulait savoir des nouvelles de l’homme juste. C’est là le caractère des saints ; ils éprouvent vivement l’affection, ils savent compatir. L’Écriture, pour nous apprendre que la grâce de l’Esprit fit aussitôt connaître au patriarche ce qu’il tenait tant à savoir, et le délivra de l’inquiétude que Loth lui causait : Lorsque Dieu, dit le texte, détruisait les villes de ce pays-là, il se souvint d’Abraham, et sauva Loua du milieu de cette destruction. (Id. 29) Que signifient ces mots : Dieu se souvint d’Abraham ? c’est-à-dire, de la prière qu’Abraham lui avait faite, en lui disant : Perdrez-vous le juste avec l’impie? (Gen. 18,22) Mais pourquoi donc, objectera-t-on, le juste a-t-il été sauvé à cause de la prière du patriarche, et non à cause de sa justice ? Assurément il a été sauvé pour sa justice ; et, de plus, pour la prière du patriarche. En effet, quand nous apportons ce qui dépend de nous, l’intercession des saints, s’ajoutant à nos œuvres, est encore pour nous la source des plus grands biens. Si nous nous négligeons nous-mêmes, si nous mettons en eux seuls toutes nos espérances de salut, nous n’en retirons aucune utilité. Ce n’est pas que les justes soient sans puissance, mais c’est que, par notre propre négligence, nous nous trahissons nous-mêmes.
2. Et voulez-vous avoir la preuve que, quand nous nous négligeons nous-mêmes, c’est en vain que les justes, si justes qu’ils soient, c’est en vain que les prophètes, si inspirés qu’ils soient, prient pour nous, qu’il n’en résulte pour nous aucune utilité ? (Ils montrent leur vertu par leurs prières, la vertu qui est en eux ; mais cette vertu ne nous est d’aucun profit, à cause des mœurs que nous faisons paraître) Écoutez les paroles que le Dieu de toutes les créatures adresse à son prophète, sanctifié dès le ventre de sa mère, à Jérémie : Ne prie pas pour ce peuple, parce que je ne t’exaucerai point. (Jer. 16,7) Voyez la bonté du Seigneur ; il avertit son prophète, parce qu’il ne veut pas, la prière ne devant pas être exaucée, que le saint attribue la rigueur de Dieu à ses propres fautes. Voilà pourquoi il lui dénonce, par avance, la corruption du peuple, et lui défend de prier. Il veut leur faire savoir, à tous en même temps, à lui, combien est grande la perversité des Juifs ; à eux, que les prières du prophète ne leur servent de rien, s’ils ne sont pas les premiers à faire tout ce qui dépend d’eux.
C’est dans de telles pensées, mes bien-aimés, que nous devons recourir aux prières des saints, pour leur demander d’intercéder pour nous. Gardons-nous de mettre toute notre confiance dans leurs prières, faisons, de notre côté, les œuvres qui dépendent de nous ; faisons-les