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puissance du Seigneur. Mais dès lors que les créatures visibles célèbrent ainsi la grandeur et la puissance du Créateur, que sera-ce quand vous vous élèverez jusqu’aux créatures invisibles ? Oui, atteignez par la pensée les phalanges célestes, les anges et les archanges, les vertus et les trônes, les dominations et les principautés, les puissances, les chérubins et les séraphins, et dites-moi quel génie, et quelle langue pourraient expliquer l’ineffable magnificence des œuvres du Seigneur !
Le saint prophète David s’écriait, à la vue des merveilles de la création : ô Dieu, que vos œuvres sont magnifiques ! vous avez tout accompli avec sagesse. (Ps. 100,24) Mais si ce prophète, rempli du Saint-Esprit qui lui révélait les mystères de la Sagesse éternelle, faisait entendre ces accents d’admiration, que dirons-nous, nous qui ne sommes que cendre et poussière ! Nous ne pouvons que tenir nos regards humblement abaissés, et notre esprit continuellement, ravi des ineffables bontés du Seigneur. Et maintenant, après le Psalmiste, écoutons le bienheureux Paul. Cet apôtre, élevé dans un corps mortel jusqu’au plus haut des cieux, et qui sur la terre rivalisait d’amour avec les esprits angéliques, parcourant un jour avec la vive ardeur de l’esprit la vaste étendue des cieux, s’arrêta sur les secrets de la prédestination divine. Il s’agissait des juifs et des gentils, dont les uns ont été rejetés et les autres substitués en leur place ; et comme il hésitait, et que sa vue se troublait, il s’écria : O profondeur des trésors de la sagesse et de la science de Dieu ! que ses jugements sont incompréhensibles, et ses voies impénétrables ! (Rom. 2,33)
Mais ici j’interrogerais volontiers ceux qui veulent curieusement approfondir la génération du Verbe, ou qui tentent de diminuer la dignité de l’Esprit-Saint, et je leur dirais : d’où Nous vient cette audacieuse témérité, et qui peut vous inspirer cette extravagante folie ? Car si Paul, avec tout son génie et ses lumières, déclarait que les jugements du Seigneur, c’est-à-dire l’ordre et l’économie de sa providence, sont impénétrables et incompréhensibles, en sorte que nul ne doit se permettre de les approfondir ; et s’il proclame que ses voies, c’est-à-dire ses commandements et ses préceptes, se dérobent à toutes nos recherches, comment osez-vous discourir curieusement sur la nature du Fils unique de Dieu, et rabaisser, autant qu’il est en vous, la dignité de l’Esprit-Saint ?
Voyez donc, mes chers frères, combien il est malheureux de ne pas s’attacher au vrai sens des saintes Écritures ! Et en effet, si ces hérétiques avaient reçu leur divin enseignement avec un esprit droit et un cœur bon, ils ne se fussent point ainsi égarés dans leurs propres raisonnements, et jamais ils ne fussent tombés dans cette extrême folie. Cependant nous ne cesserons de leur opposer les témoignages de nos livres saints, ni de fermer l’oreille à leurs funestes doctrines.
6. Je ne sais comment l’impétuosité de la pensée et de la parole m’a entraîné bien loin de mon sujet : je me hâte donc d’y revenir. Et Dieu, dit Moïse, appela le firmament, ciel, et Dieu vit que cela était bon ; et du soir et du matin se fit le second jour. Ainsi après que Dieu eut donné un nom au firmament et qu’il eut approuvé son ouvrage, il termina le second jour de la création, et il dit : Et du soir et du matin se fit le second jour. Remarquez ici quelle précision Moïse met dans son enseignement. Il nomme soir la fin du jour, et matin, la fin de la nuit, puis il appelle jour la durée comprise entre l’une et l’autre ; en sorte qu’il prévient toute erreur et ne nous permet pas de considérer le soir comme la fin du jour, car nous savons manifestement que le jour se compose du soir et du matin. Ainsi l’on parle exactement en disant que le soir est la disparition de la lumière, le matin celle de la nuit, et que la durée de l’une et de l’autre forme le jour. C’est ce que l’Écriture a voulu nous faire entendre par ces mots : Et du soir et dit matin se fit le second jour.
Je me suis peut-être plus étendu que je ne voulais, et je me suis laissé entraîner par le Pot des idées, comme l’on est quelquefois emporté par le courant d’un fleuve. Vous en êtes la cause, vous qui nous écoutez avec tant de dé plaisir. Car rien n’excite plus un orateur et ne féconde mieux sa pensée que la joie et l’empressement de ses auditeurs. Au contraire quand ils sont froids et indifférents, ils frappent de stérilité la bouche la plus éloquente. C’est pourquoi je vous rends ce témoignage, que, par la grâce de Dieu, lors même que je serais plus muet qu’une pierre, vous me forceriez à secouer cette léthargie et à dissiper cette somnolence, pour vous adresser des paroles qui vous conviennent et qui soient propres