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outre qu’ils ne faisaient rien qui ressemblât à la conduite de ce juste, ils n’avaient qu’un désir passionné, c’était de commettre une abomination surpassant, d’une manière incroyable, tout ce qui se peut concevoir d’infamie. Les anges voulaient donc demeurer sur la place, pour ménager au juste l’occasion de manifester son hospitalité, et pour montrer aussi, par la réalité même des choses, la justice des châtiments qui allaient frapper les pervers, se ruant dans de si effroyables désordres.
4. Mais voyons, dans ce qui suit, la grande vertu de l’homme juste. Loth sortit de sa maison, et, ayant fermé la porte derrière lui, il leur dit. (Id. 6) Voyez la crainte du juste ; il tremble pour ses hôtes, et il ne ferme pas seulement la porte derrière lui ; mais, connaissant la fureur et l’audace des habitants, soupçonnant leur violence, il leur dit : Ne songez point, mes frères. O patience de l’homme juste ! O grandeur de l’humilité ! Voilà la vraie vertu ; adresser des paroles si douces à de tels hommes ! On ne doit pas, en effet, quand on veut guérir un malade, quand on se propose la correction d’un insensé, employer la colère et la rudesse du langage. Et, voyez : ceux qui voulaient accomplir des actions inouïes, il les appelle ses frères, afin de toucher leur conscience, de les détourner de leur infamie sacrilège. Ne songez point, dit-il, mes frères, ne songez point à commettre un si grand mal. N’ayez point une pareille pensée, ne recevez point dans votre esprit l’idée d’un crime si affreux ; ne trahissez pas la nature même ; n’inventez pas de commerces illicites. Mais, si vous voulez assouvir la passion furieuse dont l’aiguillon vous donne le vertige, je vous procurerai, moi, ce qui rendra moins lourd le poids de votre crime : J’ai deux filles encore vierges, c’est-à-dire, qui, jusqu’à ce jour, dit-il, n’ont pas connu le mariage, intactes, jeunes, encore dans la fleur de l’âge ; je vous les livre à tous ; servez-vous-en comme il vous plaît, prenez-les, dit-il, satisfaites sur elles votre passion, assouvissez votre concupiscence, pourvu que vous ne commettiez point sur ces hommes une action coupable, parce qu’ils sont entrés dans ma maison. (Id. 8) Puisque, dit-il, je les ai forcés d’entrer sous mon toit, pour qu’on ne m’impute pas l’iniquité commise contre eux, pour qu’il ne soit pas dit que je suis l’auteur de l’outrage qui leur est fait, pour cette raison, je vous livre mes deux filles, afin de soustraire ces hommes à vos mains. Quelle grande vertu de l’homme juste ! Il a dépassé les plus hautes cimes de la vertu d’hospitalité ; quelles louanges pourraient égaler la sagesse de ce juste, qui n’a pas voulu même épargner ses filles, pour faire honneur à ses hôtes, pour les délivrer de la perversité des Sodomites. Et cet homme a prostitué ses filles, pour délivrer des hôtes, des voyageurs, je veux le redire encore, qui lui étaient absolument inconnus ; pour les soustraire à des affronts sacrilèges. Et nous, que de fois, voyant nos frères tombés dans l’abîme même de l’impiété, je dirai presque, voyant nos frères dans la gueule du démon, nous ne daignons pas leur parler, nous inquiéter pour eux, leur adresser des avertissements, les arracher à la malignité, les ramener à la vertu ! Quelle pourra être notre excuse, lorsque ce juste n’épargne pas même ses filles, afin de rendre à ses hôtes les soins qui leur sont dus ? Nous, au contraire, nous sommes sans pitié pour nos frères, et, souvent, nous faisons entendre ces paroles, dépourvues de sentiment, et toutes remplies d’extravagance absurde : Qu’ai-je de commun avec un tel ? Je ne prends de lui aucun souci ; je n’ai avec lui aucune affaire. O homme, ô homme, que dis-tu ? Tu n’as rien de commun avec lui ? C’est ton frère, de la même nature que toi ; vous êtes soumis au même Seigneur, vous participez souvent à la même table, à la table spirituelle, entendez-vous bien, à cette table terrible, et tu dis : je n’ai rien de commun avec lui, et tu passes, sans pitié dans le cœur, ton chemin, et tu ne tends pas la main à celui que tu vois gisant !
Les Juifs avaient une loi qui leur prescrivait de prendre soin des bêtes de somme qu’ils voyaient tomber et qui appartenaient à leurs ennemis. (Ex. 23,5) Et vous qui, souvent, voyez votre frère blessé par le démon, étendu, je ne dis pas sur la terre, mais au bord du gouffre du péché, vous ne l’en retirez pas, par vos exhortations ; vous ne l’avertissez pas ; vous n’appelez pas les autres au secours pour retirer, s’il est possible, de la gueule du monstre, celui qui est un de vos membres, pour le faire remonter à son rang, afin que vous-mêmes, s’il vous arrive de tomber, loin de vous ce malheur, dans les filets de ce démon maudit, vous trouviez, à votre tour, des frères secourables, qui s’empressent de vous