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pas laissé échapper la proie ; si tu n’avais pas, uniquement pour l’acquit de ta conscience, et seulement en paroles, montré les vertus de l’hospitalité. Ce juste, au contraire, n’agit pas de même : mais que fait-il ? Il les voit, qui résistent à ses prières et qui veulent demeurer sur la place. Or, ce que les anges voulaient, c’était faire éclater la vertu de l’homme juste, et nous montrer, à tous, combien était grande en lui l’affection de l’hospitalité. Aussi bientôt ne se borne-t-il plus à des paroles, mais il leur fait violence. Le Christ aussi disait : Ce sont les violents qui emportent le royaume des cieux. (Mt. 11,12) En effet, où brille un gain spirituel, la violence est à propos, et la contrainte est louable. Et il les pressait, dit le texte, avec grande instance. Il me semble, à moi, qu’il les attirait malgré eux : bientôt, quand ils virent tout le zèle de l’homme juste, quand ils se virent contraints d’accéder à son désir. Ils consentirent, dit le texte, à ce qu’il voulait, et ils entrèrent dans sa maison, et il leur fit un festin, et il fit cuire des pains sans levain, et ils mangèrent avant d’aller se coucher. Voyez-vous, ici encore, que ce n’est pas dans la somptuosité de la table que l’hospitalité réside, que c’est la générosité de l’âme qui la constitue ? Aussitôt qu’il a pu les introduire dans sa maison, vite il s’empresse de remplir tous les devoirs envers les hôtes, et lui-même s’apprête à les servir. Il apporte ce qu’il faut pour le repas, il leur rend toute sorte d’honneurs, il entoure de soins ces hommes qu’il prend pour de simples voyageurs. Mais les habitants de Sodome entourèrent la maison, depuis les enfants jusqu’aux vieillards, tout le peuple s’y trouva, et ils appelèrent Loth et lui dirent : Où sont ces hommes qui sont entrés, ce soir, chez vous ? faites-les sortir, afin que nous les connaissions. (Gen. 19,5) Gardons-nous, mes bien-aimés, de passer légèrement sur ces paroles ; ne nous bornons pas à voir l’abominable délire de ces hommes ; réfléchissons, méditons sur la vertu de ce juste, qui, au milieu de ces bêtes sauvages, a montré l’excellence de la vertu ; qui a supporté leur iniquité, qui ne s’est pas sauvé de leur ville ; qui a soutenu leur entretien. Voici ce que je dis : Le Maître de toutes les créatures, prévoyant l’épouvantable corruption de ces hommes, a voulu que ce juste résidât parmi eux, pour être comme un excellent médecin qui guérirait leur maladie. Quand il vit que les soins ne servaient à rien, que leur mal était incurable, il n’a pas pour cela renoncé à la cure ; c’est ce que font d’ordinaire les médecins. Ils ont beau voir que les maladies sont plus fortes que la médecine, ce n’est pas pour eux une raison de négliger leur devoir, parce que, s’il peut se faire, même au bout d’un long temps, que le malade se rétablisse, la guérison prouvera l’excellence de leur art ; si, au contraire, leurs soins sont inutiles, on pourra d’autant moins leur adresser de reproches, qu’ils auront fait tout ce qui dépendait d’eux.
C’est, assurément, ce qui arriva ici. Ce juste au milieu de ces hommes, même dans ces circonstances, conserva la justice et montra l’étendue de sa sagesse. Quant aux habitants de Sodome, voilà précisément ce qui leur ôte toute excuse ; non seulement ils ne se sont pas corrigés de leur malignité, mais elle ne fit que s’accroître. Voyez en effet : Ils entourèrent la maison ; depuis les enfants jusqu’aux vieillards, tout le peuple s’y trouva. Abominable conspiration de la corruption, violent désir du mal, inexprimable grandeur de la dépravation, criminelles tentatives que rien ne saurait excuser ! depuis les enfants, dit le texte, jusqu’aux vieillards. non seulement, dit le texte, l’enfance recherchait cette violation sacrilège, mais on voyait là des hommes sur le déclin de l’âge, et tout le peuple s’y trouva. Et ils ne rougissaient pas d’une chose si infâme, d’une infamie si éhontée ; et ils ne pensaient pas à l’œil qui ne dort jamais ; et ils ne respectaient pas l’homme juste, ni ceux qu’ils prenaient pour des voyageurs dans la maison du juste, pour y recevoir l’hospitalité ; ils n’avaient pour eux aucun égard ; sans pudeur, et, comme dit le proverbe, sans masque, proférant les paroles de leur impudicité, ils approchèrent, ils appelèrent le juste, et lui dirent : Où sont ces hommes qui sont entrés chez vous ? Faites-les sortir, afin que nous les connaissions. C’est, je pense, parce que le juste prévoyait cette criminelle tentative, cette perversité sacrilège, qu’il était resté assis devant sa porte jusqu’au soir, ne voulant pas que les voyageurs fussent surpris dans les filets de ces hommes. Et ce juste, avec la perfection de l’hospitalité, et, de plus, un grand sentiment de pudeur, a pris soin d’accueillir tous les voyageurs, de n’en laisser échapper aucun, quoiqu’il ignorât que ceux-ci fussent des anges, et qu’il les prit simplement pour des hommes. Quant à ces impies,