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étranges, contraires à toute loi, Dieu leur inflige un supplice, étrange comme leur iniquité ; il frappe de stérilité les entrailles de leur terre ; il laisse aux générations à venir un monument éternel, qui leur crie de ne pas recommencer les mêmes attentats, pour ne pas encourir la même expiation. Permis à qui voudra, d’aller voir ces lieux sinistres, d’entendre, pour ainsi dire, la terre même jetant un grand cri, de la voir, après tant d’années, montrant les traces de son supplice, qui, semble d’hier ou d’aujourd’hui, tant se manifeste encore aux yeux l’indignation du Seigneur. Aussi, je vous en conjure, que le supplice d’autrui nous serve à nous rendre la sagesse et la vertu.
Mais peut-être dira-t-on, eh bien ! pourquoi ont-ils été punis ? N’y a-t-il pas, de nos jours encore, un grand nombre de pareils criminels que l’on ne punit pas ? Oui, mais, l’antique supplice aggravera le châtiment de ceux qui renouvellent ces infamies. Si le sort des pécheurs d’autrefois ne parle pas assez haut pour nous corriger, si nous ne mettons pas à profit la patience de Dieu, considérez quelle rigueur nous ajoutons, pour nous-mêmes, à la flamme inextinguible ; quel ver cruellement rongeur nous nous apprêtons. Cependant, comme la grâce de Dieu permet qu’il y ait de nos jours encore un grand nombre d’hommes vertueux pour apaiser le Seigneur, ainsi que l’a fait alors ce patriarche ;. quelle que soit, quand nous nous replions sur nous-mêmes, quand nous voyons notre engourdissement, l’idée que nous concevons de l’étrange rareté de la vertu, il n’en est pas moins vrai que c’est ït la vertu de ces hommes que nous devons la patience manifestée par Dieu envers les autres. Vous faut-il une preuve, que nous devons à la faveur dont ces hommes jouissent auprès de Dieu, la patience qui nous supporte ? écoutez, dans notre histoire d’aujourd’hui, les paroles que le Seigneur adresse au patriarche : Si je trouve dix justes, je ne perdrai pas la ville. Et que parlé-je de dix justes ? On ne trouva pas, dans ce lieu, un seul homme, pur de la corruption, excepté Loth, le seul juste, et ses deux filles. Pour sa femme, par égard pour lui, peut-être, elle échappa au châtiment de la ville, mais ce fut pour subir bientôt la juste punition de son indolence. Il n’en est pas de même de nos jours, grâce à la miséricorde de Dieu ; aujourd’hui que la piété a grandi, un nombre considérable de personnes, même au milieu des villes, de personnes qu’on ignore, peuvent apaiser le Seigneur. Il en est d’autres, sur les montagnes, et dans les cavernes, et ces vertus de quelques saints peuvent couvrir la malignité des peuples. La bonté du Seigneur est grande, et souvent il accorde, même en faveur d’un petit nombre, le salut à des multitudes. Et que dis-je, à cause d’un petit nombre de justes ? Souvent, lorsqu’il ne se trouve pas dans la vie présente un juste, il regarde la vertu des morts, et il s’émeut pour les vivants, et sa voix leur crie : Je protégerai cette ville, à cause de moi, et de David, mon serviteur. (R. 19,34) Paroles qui reviennent à dire : quoiqu’ils soient indignes du salut, qu’ils n’aient aucun droit d’y prétendre, toutefois parce que j’aime la miséricorde, parce que je suis prompt à la piété, prompt à écarter le malheur, à cause de moi-même, et à cause de David mon serviteur, je les protégerai ; et celui qui est mort depuis tant d’années, est, pour eux, l’auteur du salut qu’ils avaient perdu par leur propre mollesse. Comprenez-vous la clémence du Seigneur ; l’estime qu’il fait des hommes vertueux ? il les honore, il les distingue, un seul à ses yeux, balance toute une multitude. Voilà pourquoi Paul, à son tour, disait : Ils étaient vagabonds, couverts de peaux de brebis, et de peaux de chèvres, abandonnés, affligés, persécutés, eux dont le monde n’était pas digne. (Héb. 11,37-38) Le monde entier, dit-il, l’univers entier, ne mérite pas d’être comparé à ces vagabonds, qui vont de côté et d’autre, en proie aux afflictions, aux persécutions, montrant leur nudité, vivant dans des cavernes, tout cela pour Dieu.
6. Donc, mon bien-aimé, quand vous voyez un homme, des haillons sur le corps, mais dont l’âme s’est fait de la vertu, un manteau, ne méprisez pas ce qui se montre aux yeux ; reconnaissez le luxe de l’âme, la gloire du dedans ; attachez vos regards à la vertu resplendissante en lui. Tel était le bienheureux Élie, qui n’avait pour vêtement qu’une peau de mouton ; et la pourpre d’Achab avait besoin de cette peau de mouton. Voyez l’indigence d’Achab, et la richesse d’Élie ? Voyez, entre leur pouvoir, la différence. Cette peau de mouton a fermé le ciel, a défendu à la pluie de descendre ; la langue du prophète a été pour le ciel un frein ; et, pendant trois ans et six mois, il n’y a pas eu de pluie. Ce roi, au contraire, avec son manteau