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seulement pour la vertu qu’il a pratiquée lui-même ; mais, comme il l’a recommandée à ses enfants, il est récompensé encore à ce titre, et largement, et c’est avec raison, puisqu’il est devenu, pour tous les descendants, le maître, le docteur de la vertu. En effet, celui qui donne les commencements, qui fournit les prémices, est aussi la cause de ce qui se produit plus tard.
3. Et voyez la bonté du Seigneur : il ne le récompense pas seulement pour sa vertu passée, mais encore pour sa vertu à venir. Car je sais, dit le texte, qu’il ordonnera à ses fils. Je connais par avance, dit-il, l’âme de cet homme juste ; voilà pourquoi je le récompense aussi par avance. Dieu connaît, en effet, les secrètes pensées de nos cœurs ; et quand il voit que nous n’avons que des pensées sages, que notre âme est saine, il nous tend la main ; avant le travail, il nous récompense, afin de nous encourager. Vous verrez que c’est la conduite qu’il tient à l’égard de tous les justes. Il connaît la faiblesse de la nature humaine ; il ne veut pas que l’homme se décourage dans les difficultés, et, au milieu des fatigues, il lui apporte son secours, et il lui donne les récompenses qu’il lui réserve, afin de soulager sa fatigue, et de raviver son zèle. Car je sais, dit le texte, qu’il ordonnera à ses fils, et ils garderont les voies du Seigneur. Il ne prédit pas seulement la vertu du père, il ordonnera, mais aussi la vertu des enfants, et ils garderont les voies du Seigneur ; montrant, par là, Isaac et Jacob ; les voies du Seigneur, c’est-à-dire les préceptes et les commandements. De telle sorte qu’ils vivront selon l’équité et la justice  : préférant la justice à tout, s’abstenant de toute injustice. La justice, en effet, c’est la plus grande de toutes les vertus ; voilà pourquoi se réaliseront toutes les choses prédites par le Seigneur.
Ce n’est pas tout, je crois que le texte veut insinuer encore une autre pensée, quand il dit : Abraham doit être le chef d’un peuple très-grand et très-nombreux. C’est comme s’il disait : Toi, qui embrasses la vertu, qui te soumets à mes ordres, qui montres ton obéissance, tu seras le chef d’un peuple très-grand et très nombreux ; mais ces impies qui habitent le pays de Sodome, périront tous. Car, de même que la vertu opère le salut de ceux qui la pratiquent ; de même la malignité leur attire la mort. Maintenant, après ces bénédictions, après ces éloges pour inspirer de la confiance à l’homme juste, il commence ce qu’il voulait dire, et il dit : Le cri de Sodome et de Gomorrhe s’augmente de plus en plus, et leur péché est monté jusqu’à son comble. Je descendrai et je verrai si leurs œuvres répondent à ce cri qui est venu jusqu’à moi, pour savoir si cela est ainsi, ou si cela n’est pas. (Id. 20, 21) Paroles terribles : Le cri, dit-il, de Sodome et de Gomorrhe. D’autres villes aussi ont péri en même temps, mais c’étaient là les plus célèbres ; pour cette raison il les nomme seules. S’augmente de plus en plus, et leur péché est monté jusqu’à son comble. Voyez que de maux amoncelés. Il ne s’agit pas ici seulement de beaucoup de clameurs et de cris, mais de l’excès de l’iniquité ; car ces paroles : Le cri de Sodome et de Gomorrhe s’augmente de plus en plus, signifient, je crois que les habitants, outre cette perversité inexprimable, impossible à excuser qui a flétri leur nom, commettaient encore mille autres actions coupables ; que les plus forts s’entendaient pour écraser les plus faibles ; les riches pour écraser les pauvres. Ce n’était pas seulement un grand cri de douleur, mais leurs péchés n’étaient pas des péchés ordinaires, ils étaient grands, ils étaient énormes ; car ces hommes avaient imaginé une étrange manière de transgresser toutes les lois, des nouveautés incroyables dans des commerces criminels. Et tel était l’entraînement de la corruption, que tous étaient remplis de toute espèce de vices, qu’il n’y avait plus d’espoir de les corriger ; il ne restait plus qu’à les faire disparaître, qu’à les supprimer. Leur maladie était incurable ; les médecins n’y pouvaient rien. Le Seigneur ensuite veut montrer aux hommes, que, si grands, si manifestes que soient les péchés, la sentence toute fois ne doit pas être prononcée avant que la preuve ait été faite en toute évidence. De là ces paroles : Je descendrai donc, et je verrai si leurs œuvres répondent à ce cri, qui est venu jusqu’à moi ; je descendrai pour voir si cela est ainsi, ou si cela n’est pas.
Que signifient ces paroles ? Pourquoi cette réserve : Je descendrai, dit-il, et je verrai ? Le Dieu de l’univers se transporte-t-il donc d’un lieu dans un autre ? Loin de nous cette pensée ! Ce n’est pas là ce qu’il veut faire entendre ; mais, comme je l’ai dit, il veut, dans un langage approprié à la grossièreté de notre esprit, nous apprendre qu’il faut beaucoup de soin en ces sortes de choses ; que les pécheurs ne doivent