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a vécu avant la grâce, avant la loi ; c’est de lui-même, par les seules ressources de sa propre nature, par la science qui était en lui, qu’il est parvenu à ce faîte de la vertu ; et c’est là ce qui nous enlève toute excuse. Mais, peut-être, dira-t-on, il a joui auprès de Dieu des plus grandes faveurs ; Dieu a pris de ce patriarche, de toutes ses affaires un soin tout particulier. Vérité que je reconnais ; mais, s’il n’avait pas été le premier à faire ce qui dépendait de lui, il n’aurait pas obtenu du Seigneur de si grands dons. C’est pourquoi ne remarquez pas seulement les dons qu’il a reçus, mais remarquez, observez bien chaque instant de sa vie, et vous verrez qu’il a été le premier à prouver sa vertu, et que c’est par là qu’il a mérité le secours divin. Nous avons souvent mis cette vérité sous vos yeux ; quand ce patriarche sortait de son pays, il n’avait pas reçu comme un héritage de ses ancêtres, la semence de la foi ; c’est de lui-même qu’il montra une âme remplie de l’amour de Dieu. Cet homme qui vient d’être transporté hors de la Chaldée, et qui reçoit tout à coup l’ordre de se diriger dans un autre pays, de préférer à sa patrie, une contrée étrangère, il n’hésite pas, il ne diffère pas ; aussitôt que l’ordre est donné, il l’accomplit, et cela sans savoir où s’arrêtera sa course errante ; et il fait diligence ; et il se presse, et il regarde des choses qui sont tout à fait incertaines comme certaines, parce que l’ordre de Dieu lui paraît toujours ce qui mérite avant tout d’être respecté.
Voyez-vous comme dès le commencement, dès les premiers préludes de sa vie, il contribue de ce qu’il a en lui, et mérite parce qu’il met du sien, d’obtenir chaque jour l’abondance des fruits du Seigneur. Faisons de même nous aussi, mes bien-aimés, si nous voulons jouir de la grâce d’en haut ; imitons le patriarche, n’hésitons pas à marcher où se montre la vertu ; pratiquons-la toujours, de manière à charmer cet œil qui ne connaît pas le sommeil, et à nous concilier la bienveillance qui décerne les larges salaires. Celui qui connaît nos secrètes pensées, en voyant que nous avons l’âme saine, que nous nous dépouillons avec ardeur pour les luttes de là vertu, nous fournit aussitôt la force qui vient de lui, qui rend nos fatigues légères, qui soutient notre infirmité, la réconforte et nous assure les glorieuses couronnes. Dans les joutes que l’on va voir à Olympie, certes on ne rencontre rien de pareil : le gymnasiarque est là, simple spectateur de ceux qui luttent, sans pouvoir les aider d’aucune manière ; il ne fait qu’attendre que la victoire se déclare. Notre-Seigneur, au contraire, n’agit pas de même ; il partage avec nous la lutte ; il nous tend la main à côté de nous, il combat aussi, et on dirait qu’il s’efforce par tous les moyens, de nous livrer notre adversaire ; qu’il fait tout pour nous assurer la supériorité dans le combat, la victoire, qui mettra sur notre tête la couronne qui ne se flétrit, pas. En effet, dit le texte : Tu mettras sur ta tête une couronne de grâces. Voyez encore : dans ces combats à Olympie, qu’est-ce que la couronne après la victoire ? quelques feuilles de laurier, quelques applaudissements, quelques cris du vulgaire, toutes choses qui, le soir, venant, se flétrissent et meurent. Mais la couronne ; comme récompense de la vertu et des sueurs généreuses, n’a rien de commun avec les choses des sens, avec les choses du siècle ; elle ne connaît pas la destruction comme nos corps ; couronne impérissable, immortelle, dont la durée s’étend à travers les siècles des siècles. Fatigue d’un instant bien court, récompense infinie, sur laquelle le temps ne peut rien, et qui ne se flétrit jamais. Et ce qui le prouve, voyez que d’années se sont passées, que de générations depuis qu’on a vu ce patriarche parmi les vivants ; et on croirait qu’il vivait hier, qu’il vit encore. Tel est l’éclat des couronnes que sa vertu lui a méritées ; et jusqu’à la consommation des temps, il est, pour tous les sages, le sujet d’un éternel enseignement.
2. Eh bien donc ! puisque telle est la vertu de cet homme, imitons-le, réveillons-nous ; il est bien tard, mais enfin reconnaissons la noblesse que nous portons en nous ; imitons le patriarche, pensons à notre salut ; appliquons tous nos soins, non seulement à la santé de notre corps, mais à guérir les diverses maladies de notre âme. Si nous voulons pratiquer la sagesse, si nous voulons nous réveiller, il nous sera plus facile de guérir les maladies de notre âme que celles de notre corps. Toutes les fois qu’une affection nous trouble, représentons-nous dans un saint recueillement, le jour du jugement redoutable ; ne nous contentons pas de regarder la volupté présente ; considérons les tortures dont elle sera suivie ; et aussitôt notre âme chassera,