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bonnes œuvres, et ne rougissent pas d’exercer l’hospitalité et d’en accomplir tous les devoirs ; qu’elles imitent la vieillesse de Sarra, qui se chargeait, à son âge, d’un pareil travail avec plaisir et remplissait l’office des servantes.
Mais je sais que presque personne ne m’écoutera. Maintenant, tout le monde fait le contraire, la mollesse des femmes est extrême et elles mettent tous leurs soins dans les beaux habits, dans les parures d’or, les colliers, le luxe extérieur, sans songer le moins du monde à leur âme. Elles n’entendent pas la voix de saint Paul qui leur crie : Qu’elles n’aient point de cheveux frisés, d’or, de perles, ni d’habits somptueux. (1Tim. 2,9) Vous voyez que cette âme, qui touchait le ciel, n’a pas dédaigné de vous parler de frisure : il avait raison, car il s’inquiétait de tout ce qui pouvait servir à l’âme. Il savait que la parure est ce qui nuit le plus à l’âme ; aussi ne craint-il pas de donner les meilleurs conseils aux personnes qui ont cette faiblesse ; il leur dit : si vous voulez vous parer, prenez la véritable parure, celle qui convient aux femmes pieuses, celle des bonnes œuvres. C’est elle qui fait l’ornement de l’âme, qu’aucune ordonnance ne peut réprimer, qu’aucun voleur ne peut ravir et qui reste toujours inaltérable. La parure extérieure engendre mille maux : je ne parle pas seulement de ceux de l’âme, l’arrogance qui en résulte, le mépris du prochain, l’orgueil de l’esprit, la corruption du cœur, une foule de plaisirs défendus ; mais ces toilettes splendides peuvent être dérobées par les domestiques ou pillées par les voleurs ; elles vous exposent à des accusations calomnieuses, enfin on n’y trouve que des peines infinies et des amertumes perpétuelles. Telle n’était pas Sarra qui possédait la véritable parure-; aussi fut-elle digne du patriarche : il s’empressa et courut dans la tente ; elle s’empressa d’accomplir son ordre et prit trois mesures de fleur de farine. Comme il y avait trois hôtes, le juste avait dit de prendre trois mesures pour faire promptement les pains. Après cet ordre, il courut aussitôt vers les bœufs. Quelle jeunesse dans cette vieillesse ! quelle énergie dans cette âme ! Il court aux bœufs et n’y laisse aller aucun de ses serviteurs : dans sa conduite tout fait voir à ses hôtes de quel plaisir il était pénétré, combien il appréciait leur présence et quel trésor c’était pour lui qu’un tel honneur. Il prit un veau tendre et délicat. Ainsi, il fait son choix lui-même, il confie l’animal à un serviteur qu’il engage à se presser, pour servir le plus tôt possible.
6. Voyez avec quelle rapidité, quel zèle ardent, quelle joie, quel bonheur, quel plaisir il fait tout cela. Le vieillard ne se repose pas et fait de nouveau l’office de serviteur. Il prit du beurre, du lait et le veau qu’il avait tué et leur servit tout cela. Ainsi il fait tout et sert tout lui-même. Et il ne s’est pas trouvé digne de s’asseoir avec eux, mais pendant que ceux-ci mangeaient il restait debout près de l’arbre. O culte de l’hospitalité ! ô excès d’humilité ! ô piété parfaite ! ce centenaire restait debout pendant leur repas. Il me semble que son ardeur et son zèle ont suppléé à sa faiblesse et 1ui ont donné de la force. Souvent, en effet, l’excitation d’une âme énergique triomphe de la faiblesse du corps. Ainsi le patriarche restait debout comme un serviteur, regardant comme un grand honneur de servir ses hôtes et de soulager les fatigues de leur voyage. Voyez jusqu’où allait l’hospitalité du juste ! Ne vous dites pas seulement qu’il leur avait offert des pains et un veau ; remarquez encore avec quelle humilité et quel respect il pratique l’hospitalité. Il ne faisait pas comme ceux qui, s’ils accueillent des hôtes, en tirent vanité et méprisent même ceux qu’ils ont reçus, parce qu’ils ont pourvu à leurs besoins. Cela ressemble à ce que ferait un homme qui recueillerait et amasserait des richesses, et qui, tout à coup, jetterait à pleines mains tout ce qu’il aurait gagné. Celui qui rend un service avec orgueil et qui croit donner plus qu’il ne reçoit, celui-là ne sait ce qu’il fait : il perd tout ce qu’il en pouvait attendre. Mais le juste sachant ce qu’il faisait montrait en tout sa bonne volonté.
Après avoir répandu avec joie et abondance cette semence d’hospitalité, il en recueillit aussitôt une copieuse moisson. Quand il eut fait tout ce qui dépendait de lui, sans manquer à rien et qu’il eut accompli tous les devoirs de l’hospitalité, et montré jusqu’où allait sa vertu ; alors, pour que le juste connût ceux qu’il avait reçus et tous les avantages qu’entraîne l’hospitalité, son visiteur se dévoile et lui montre peu à peu toute l’étendue de sa puissance. Car le voyant debout près du chêne, en signe d’honneur et de respect pour ses hôtes, il lui dit : Où est Sarra ton épouse ? Cette question montre aussitôt que ce n’est pas le premier venu, puisqu’il sait le nom de cette femme. Abraham