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son hospitalité et sa vertu sont d’autant plus admirables qu’il se tenait ainsi à midi. C’était avec raison ; il savait, en effet, que ceux qui sont forcés de voyager ont, surtout à cette heure, besoin de secours ; aussi, choisissait-il cet instant de la journée et guettait-il les passants, mettant son repos à soulager la fatigue des voyageurs. Il cherchait à abriter sous sa tente ceux que brûlait la chaleur, sans examiner les passants et sans leur demander s’ils étaient connus ou inconnus. Car l’hospitalité n’admet point une pareille perquisition, elle exige avec tous une libéralité bienveillante, et, comme il avait déployé le filet de l’hospitalité, il mérita de recevoir le Tout-Puissant avec ses anges. Aussi saint Paul disait : Ne négligeons point l’hospitalité ; c’est en la pratiquant que quelques-uns ont reçu pour hôtes des anges, sans le savoir (Héb. 13,2) ; il est clair que c’est une allusion au patriarche. Aussi le Christ disait : Celui qui recevra un des plus petits en mon nom, me reçoit moi-même. (Mt. 18,5)
Méditons cela, mes bien-aimés, et quand il s’agit de recevoir un hôte, ne demandons jamais qui il est et d’où il vient. Si le patriarche avait fait ces questions, peut-être aurait-il eu tort. Mais, direz-vous, il savait quels étaient ces visiteurs. Où voyez-vous cela ? En quoi son action aurait-elle été admirable ? Son hospitalité aurait été bien moins méritoire, si elle avait commencé par des questions ; maintenant, ignorant ceux qui viennent, il leur montre autant de zèle et de respect qu’un serviteur à son maître ; il les enchaîne, pour ainsi dire, à force de prières, en les suppliant de ne pas refuser et de ne pas lui causer une pareille affliction. Il savait ce que vaut l’hospitalité, de là son empressement à en recueillir les fruits abondants. Mais écoutons les paroles de l’Écriture elle-même et remarquons, dans un âge si avancé, l’ardeur renaissante de ce vieillard rajeuni, qui semblait trouver un trésor dans l’arrivée de ces hôtes. Levant les yeux, il regarda, et voici : trois hommes se tenaient devant lui ; en les voyant, il se leva de la porte de sa tente, pour courir à leur rencontre. Ce vieillard court et vole ; il a trouvé sa proie, il ne songe plus à sa faiblesse et court à la chasse sans appeler ses serviteurs, sans donner d’ordres à son fils, il court lui-même sans retard, comme s’il disait : voilà un grand trésor, une grande affaire, je veux m’en charger par moi-même, pour n’en pas perdre le mérite. Voilà ce que faisait le juste, croyant recevoir des hommes et des voyageurs inconnus.
4. Méditons à ce sujet, et imitons les vertus du juste ; c’est le moyen de parvenir nous-mêmes à faire une aussi bonne chasse, car on peut toujours ce que l’on veut. Voilà pourquoi le Seigneur bienveillant, pour nous encourager à faire bon accueil aux étrangers et à ne pas les examiner de trop près, nous dit : Celui qui recevra un des plus petits en mon nom me reçoit moi-même. (Mt. 18,5) Ne considérez pas le peu d’importance réelle ou apparente de celui qui passe, mais songez qu’en l’accueillant vous accueillez votre Seigneur. Car si vous le secourez en son nom, vous serez récompensé comme si vous l’aviez reçu lui-même. Si cet homme ne mérite point votre bienveillance et néglige d’en profiter, ne vous en inquiétez point ; vous serez pleinement récompensé si vous agissez pour la gloire du Seigneur, et si vous imitez les vertus de notre patriarche. En les voyant, il se leva de la porte de sa tente et courut à leur rencontre. Ce mot courut, montre bien qu’ils passaient comme des inconnus et qu’ils ne sont pas entrés d’eux-mêmes dans la tente.
Aussi, pour ne pas perdre ce bénéfice spirituel, ce vieillard aux cheveux blancs, ce centenaire accourt, et par son empressement fait preuve de son zèle. Et les ayant vus, il se prosterna contre terre, et dit : Mon seigneur, si j’ai trouvé grâce devant toi, ne passe pas devant ton serviteur. Qu’on prenne de l’eau et qu’on lave vos pieds, et rafraîchissez-vous sous cet arbre : j’apporterai du pain et vous mangerez, et après cela vous continuerez le chemin qui vous a fait passer devant votre serviteur. Les paroles du juste sont bien frappantes. Ce qui doit étonner, ce n’est pas qu’il ait désiré recevoir ces hôtes, mais c’est qu’il l’ait fait avec tant de zèle et qu’il n’ait pas tenu compte de leur âge ni du sien, car ils lui semblaient peut-être jeunes ; c’est qu’il n’ait pas cru pouvoir se borner à leur parler. Il se prosterna contre terre, presque en suppliant, et les exhorta de toutes ses forces pour que sa demande n’eut pas l’air d’une simple politesse. Aussi l’Écriture sainte, voulant nous montrer toute l’étendue de la vertu du juste, dit : Il se prosterna contre terre, et par ses gestes, ainsi que par la chaleur de ses paroles, il montrait beaucoup d’humilité, son zèle hospitalier et son extrême sollicitude. S’étant prosterné contre terre, il dit :