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Mais pour les choses spirituelles Dieu autorise l’usure. Pourquoi cela ? Parce que les biens spirituels diffèrent complètement des biens temporels. Les uns, quand on les réclame avec rigueur, réduisent à une misère complète celui qui en est privé ; les autres, quand le débiteur les paye de bon cœur, attirent d’autant mieux sur lui la récompense céleste, que l’usure est plus considérable. Aussi, mes bien-aimés, quand nous vous offrons ce qui nous a été confié, vous contractez l’obligation d’une double peine à prendre, d’une double vigilance à déployer : d’abord il faut garder vous-mêmes ce dépôt et le conserver fidèlement ; ensuite il faut vous empresser de le communiquer aux autres pour en amener le plus possible dans la route de la vertu ; ainsi, votre profit sera double par votre propre salut et par l’avantage d’autrui.
En faisant cela, vous nous rendrez bienheureux, car bienheureux est celui qui touche les oreilles de ses auditeurs (Sir. 25,9), et vous ferez régner plus, d’abondance sur cette table spirituelle. Ainsi, ne négligez point vos frères et ne vous inquiétez pas seulement de ce qui vous regarde. Que chacun s’occupe d’arracher son prochain au gouffre de l’enfer, le détourne de ces spectacles impies et le ramène à l’Église, en lui montrant avec beaucoup de douceur et de bonté l’excès du mal qu’entraînent les uns, et tout le bien qu’on retire de l’autre ; ne faites pas cela seulement une fois ou deux, mais toujours. Car s’il ne vous écoute pas aujourd’hui, il peut le faire plus tard ; s’il n’écoute pas votre second avertissement, du moins, en voyant que vous le pressez de nouveau, peut-être rougira-t-il, et, redoutant votre zèle, s’abstiendra-t-il enfin de cette habitude pernicieuse. Ne vous dites pas : je l’ai averti une, deux, trois, plusieurs fois, et je n’ai rien obtenu. Ne cessez pas de l’avertir ; plus vous montrerez de persévérance, plus vous aurez de mérite. Ne voyez-vous pas avec quelle patience Dieu nous supporte, quoique tous les jours nous négligions ses préceptes, et qu’il ne cesse pas de veiller sur nous, puisqu’il nous comble des biens de la nature, qu’il fait lever le soleil, tomber la pluie, et mille autres bienfaits ? De même montrons à nos frères toute notre bonne volonté, et luttons contre le malin esprit pour déjouer ses artifices. Si chacune des personnes présentes pouvait obtenir seulement une conversion, songez combien notre Église aurait de joie à montrer le nombre de ses enfants, et quelle honte aurait le démon en voyant qu’il a tendu ses pièges en vain. Si vous y parvenez, Dieu vous dira aussi dans ce grand jour : Courage, bon et fidèle serviteur, tu as été fidèle pour une petite chose ; je t’en donnerai de plus grandes.
3. Du reste, vous le ferez, j’en suis bien persuadé. Je lis sur vos visages, je crois que vous avez reçu avec plaisir mon exhortation, et j’espère que vous ferez tout ce qui dépendra de vous. Aussi nous terminerons ici cet avertissement et nous vous offrirons un festin simple et frugal, afin que vous retourniez chez vous après avoir reçu l’instruction ordinaire. Il faut vous parler aujourd’hui du patriarche Abraham, et vous apprendre comment Dieu le récompensa de son hospitalité. Dieu lui apparut près du chêne de Mambré, comme il était assis à la porte de sa tente, à midi. Examinons avec soin chaque parole, et après avoir ouvert le trésor, étudions les richesses qu’il renferme. Pourquoi ce commencement ? Dieu lui apparut. Admirez la bonté de Dieu, et considérez la reconnaissance de son serviteur. Quand Dieu lui était déjà apparu et lui avait, entre autres choses, donné le précepte de la circoncision, cet homme admirable s’était toujours empressé d’accomplir les ordres de Dieu. Sans mettre aucun retard, il exécuta le commandement en pratiquant la circoncision sur lui-même, sur Ismaël et tous ses serviteurs ; quand il eut ainsi montré sa profonde obéissance, Dieu lui apparut encore. Le bienheureux Moïse commence ainsi : Dieu lui apparut auprès du chêne de Mambré, pendant qu’il était assis devant sa tente à midi. Observez ici la vertu du juste. Il était assis devant sa tente. Il pratiquait tellement l’hospitalité qu’il ne laissait à aucun de ses inférieurs le soin de recevoir les étrangers. Ce vieillard qui avait trois cent dix-huit domestiques, qui était accablé par l’âge, puisqu’il était parvenu à cent ans, était assis devant sa porte pour attendre des hôtes. Il y mettait toute son attention, sans trouver d’obstacle dans sa vieillesse ni dans le soin de son repos ; il ne se tenait point couché à l’intérieur, mais assis à la porte. Bien d’autres, loin d’avoir un pareil soin, cherchent au contraire à fuir la vue et l’approche des étrangers, de peur d’être forcés de les recevoir malgré eux. Tel n’était pas le juste qui restait assis à sa porte à midi. Car